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Trop d'auto-entrepreneurs tuent-ils les entrepreneurs classiques?

Les derniers chiffres publiés par l'Insee montrent que le nombre de naissances d'entreprises reste beaucoup plus élevé qu'il y a cinq ans. Néanmoins, ce phénomène, qui est tiré par l'auto-entreprise, s'accompagne d'une diminution des nouvelles entreprises individuelles "classiques".

Trop d'auto-entrepreneurs tuent-ils les entrepreneurs classiques?

Entre  2007 et 2012, le nombre de nouvelles entreprises a bondi dans l’Hexagone. La progression avoisine 70 % sur cette période avec un nombre de naissances annuelles qui passe de 326 000 à 550 000, montrent les derniers chiffres de l’Insee. A priori, c’est une excellente nouvelle, surtout dans un contexte de crise. Mais à y regarder de plus près, la situation est moins florissante que cela.

Première raison, la courbe s’est inversée en 2011 pour stagner en 2012, comme le montre le tableau ci-dessous. Ce retournement de tendance est probablement dû à la fin de l’impact nouveau de l’auto-entreprise. En effet, ce régime, qui est entré en vigueur le 1er  janvier 2009, a connu un boom jusqu’en 2010. Aujourd’hui, il a probablement atteint sa vitesse de croisière.

Créations d’entreprises selon la forme juridique

Années

Créations d’entreprises

Créations d’auto-entreprises

Créations d’entreprises individuelles (hors auto-entreprises)

Créations de sociétés

2002

214 882

0

123 219

91 663

2007

325 739

0

165 364

160 375

2008

331 439

0

169 631

161 808

2009

580 193

320 019

107 871

152 303

2010

622 039

359 699

98 681

163 659

2011

549 805

291 721

91 410

166 674

2012

549 975

307 478

82 968

159 529

Source Insee, janvier 2013 / actuEL-expert-comptable

Seconde raison, la baisse du  volume des nouvelles immatriculations d’entreprises « classiques » qui se manifeste quand on gomme l’effet de l’auto-entreprise. Le nombre de naissances de ces entreprises chute d’un quart pour passer de 326 000 à 242 000 respectivement en 2007 et en 2012. Un retournement de tendances alors que la période de 2001 à 2008 avait vu les immatriculations progresser de 55% — une période au cours de laquelle le régime de l’auto-entreprise n’existait pas. Dans le détail, on s’aperçoit que les naissances d’entreprises individuelles classiques ont diminué de moitié, toujours sur la période 2007/2012, tandis que celles des sociétés ont stagné. Cette baisse tient peut-être à l’effet de la crise et à l’arrivée des auto-entreprises, lesquelles se seraient partiellement substituées aux entreprises « classiques ». Quelle qu’en soit la raison, cette situation est problématique dans la mesure où les auto-entreprises ne créent pratiquement pas d’emploi salarié. En tout cas, elles en procurent moins que dans les autres régimes, selon une étude publiée par l’Insee en 2010, comme le montre le tableau ci-dessous – il faut néanmoins prendre cette étude avec prudence car elle se base sur une année où le nouveau régime était encore jeune. Conséquence : avec la mise en place du statut d’auto-entrepreneur en 2009, la création d’entreprises sans salarié a explosé (+ 88,4 %), résumait en octobre dernier un rapport du centre d’analyse stratégique (CAS). 

Créations d’entreprise selon le nombre de salariés  

Nombre de salariés

Créations totales en 2009

Créations hors auto-entrepreneurs en 2009

Créations totales en 2010

Créations hors auto-entrepreneurs en 2010

0 salarié (ou non déterminé)

94,1%

86,8%

94,6%

87,4%

1 à 2 salariés

4,3%

9,6%

3,9%

9,2%

3 à 9 salariés

1,2%

2,6%

1%

2,4%

10 salariés ou plus

0,5%

1,1%

0,4%

1%

Source : Insee, septembre 2011

Cette analyse ne signifie pas pour autant que l’auto-entreprise ne contribue pas à la création de richesse économique. Car ce régime apporte bel et bien un revenu, éventuellement complémentaire, au dirigeant. Les statistiques de l’Acoss l’estimaient, pour le second trimestre 2012, à environ 1 200 euros par mois en ce qui concerne les cotisants actifs.

Il reste que les nouvelles entreprises contribuent peu, en France, à la création d’emplois salariés. Est-ce une spécificité hexagonale ? Il semble que ce soit le cas, quand on compare cette situation à celle de nos voisins les plus proches au plan économique. « La France créée aujourd’hui trois fois moins d’entreprises employeuses qu’au Royaume-Uni et en Allemagne, et dans chacune de ses entreprises employeuses trois fois moins d’emplois que dans celles de ces deux autres pays (rapport Vale OCDE et rapport Destatis, 2008, Irdeme note mars 2012) », précise le rapport Hayat remis en octobre dernier à Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME. Bref,la France produit suffisamment d’entreprises mais pas suffisamment qui soient créatrices d’emplois. De ce point de vue-là, on peut comprendre la pertinence de l’objectif gouvernemental de doubler le nombre de création d’entreprises de croissance d’ici cinq ans. Reste à connaître les solutions préconisées pour y parvenir. Elles doivent être présentées en avril à l’issue des assises de l’entrepreneuriat.

La France au 8e rang de l’OCDE (*) 

Le classement annuel des pays membres de l’OCDE en fonction de leur cadre réglementaire pour la création d’entreprises fait ressortir l’Hexagone à la huitième place, derrière la Corée mais loin devant l’Allemagne qui occupe la 29ème place du classement.

Pays

Rang 2012

Nouvelle Zélande

1

Australie

2

Canada

3

Irlande

4

Etats-Unis

4

Royaume-Uni

6

Corée

7

France

8

Portugal

9

Chili

10

Slovénie

11

Danemark

12

Belgique

13

Islande

14

Finlande

15

Hongrie

15

Norvège

17

Israël

18

Estonie

19

Afrique du Sud

19

Suède

21

Turquie

22

Mexique

23

République slovaque

24

Italie

25

Pays-Bas

26

Luxembourg

27

Suisse

28

Allemagne

29

Japon

30

Fédération de Russie

31

Brésil

32

Pologne

33

Espagne

34

Autriche

35

Grèce

36

République Tchèque

37

Chine

38

Indonésie

39

Inde

40

Source : OCDE, Panorama de l’entrepreneuriat 2012, Janvier 2013

(*) ce classement est établi à partir d’un indicateur création d’entreprise qui mesure les procédures, le temps et les coûts nécessaires pour immatriculer et exploiter une entreprise nouvelle. Quatre sous-indicateurs entrent dans le calcul : « nombre de procédures légales nécessaires pour créer et exploiter une entreprise » , « temps nécessaire pour accomplir chaque procédure (jours civils) » , « coûts induits par l’accomplissement de chaque procédure » (% du revenu national brut par habitant), « montant minimum de capital libéré » (% du revenu national brut par habitant). 

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