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Entreprises en difficulté : les contours de la réforme se précisent

L'ordonnance, qui sera présentée dans un mois, devrait notamment mettre en place une nouvelle procédure de sauvegarde anticipée, imposer la cession des parts des actionnaires contrôlant l'entreprise en redressement judiciaire et instituer une procédure de rétablissement personnel après enquête, sans liquidation, pour les petits débiteurs dépourvus d'actif.

Entreprises en difficulté : les contours de la réforme se précisent

La réforme du droit des entreprises en difficulté sera présentée le 26 février en conseil des ministres, a indiqué la garde des Sceaux Christiane Taubira lors de la 9ème édition des entretiens de la sauvegarde qui rassemblait lundi dernier les praticiens des procédures préventives et collectives. Elle prendra la forme d’une ordonnance suite à l’adoption de la loi habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises (et qui porte par ailleurs en germe la réforme de l’expertise comptable). Un projet de texte a été soumis à consultation publique entre le 20 décembre et le 10 janvier derniers.

Réguler le coût des procédures amiables

L’objectif clairement affiché est de faciliter la prévention des difficultés, comme l’a rappelé la ministre de la justice avant-hier. Des mesures en ce sens semblent d’ores et déjà confirmées. Il est ainsi prévu de supprimer les clauses contractuelles qui remettent en cause le recours au mandat hoc ou à la conciliation. Par exemple, les « déchéances automatiques du terme dans les contrats de prêts » seraient interdites car elles « aggravent la situation de l’entreprise », a précisé Christiane Taubira. Aujourd’hui, une banque peut, en cas de mensualités impayées et si l’acte de prêt le prévoit, mettre fin au crédit avant la date prévue et donc réclamer sans délai à l’entreprise concernée la totalité des sommes dues au titre du prêt. Ce qui bloque tout déclenchement de mesures préventives. D’autant que celles-ci ont un coût. Le projet d’ordonnance prévoit aussi d’encadrer les « honoraires du conseil auquel le créancier fait appel dans le cadre de ces procédures », et qui sont à la charge du débiteur.

Projet de cession dès la conciliation

Dès le stade de la conciliation, le débiteur pourrait également préparer un plan de cession d’actifs pour le réaliser dans une procédure collective ultérieure, a indiqué la garde des Sceaux.

Nouvelle sauvegarde anticipée

Par ailleurs, une nouvelle procédure de « sauvegarde anticipée » pourrait voir le jour. Elle produirait des effets à l’égard de tous les créanciers, y compris non financiers (contrairement à l’unique procédure existante, la « sauvegarde financière accélérée », qui a conduit à l’ouverture de seulement quatre procédures depuis sa création en 2011, selon le rapport du Sénat de décembre 2013 sur le projet de loi d’habilitation). Cette nouvelle variante serait là encore limitée aux entreprises débitrices d’une certaine taille, selon le projet d’ordonnance. Elle prendrait nécessairement la suite d’une conciliation et le plan de sauvegarde serait arrêté par le tribunal dans un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture (au lieu d’un mois pour l’actuelle SFA). Des dispositions spécifiques seraient maintenues pour les créanciers financiers.

Éviction des actionnaires de contrôle

Autre point clé de la future réforme, un « rééquilibrage » des pouvoirs entre les créanciers et les actionnaires. Ainsi, dès la phase de sauvegarde, tout membre d’un comité de créanciers pourrait présenter un projet de plan concurrent de celui proposé par le débiteur, et non plus seulement de simples « propositions ». De plus, en redressement judiciaire, le tribunal pourrait ordonner la cession des « parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par les associés ou actionnaires contrôlant l’entreprise (…) au profit de créanciers ou de tiers qui se sont engagés à exécuter le plan [de redressement] ou ordonner la cession totale ou partielle de l’entreprise », prévoit le projet d’ordonnance. Aujourd’hui, les juges ne peuvent qu’ordonner la cession des parts du dirigeant. Cette mesure fait grincer les dents de certains professionnels. A l’instar de Didier Kling, expert-comptable et vice-président de la Chambre d’industrie et de commerce de Paris, qui se demande si cette « cession forcée (…) ne va pas au-delà de la simple expropriation ». Christiane Taubira a quant à elle assurée qu’un dispositif d’encadrement serait prévu.

Effacement du passif des plus petites entreprises en difficulté

Au moment de la liquidation judiciaire, la procédure pourrait être facilitée pour les « petites entreprises sans actif ». Le projet d’ordonnance vise les débiteurs qui n’ont employé aucun salarié au cours des six derniers mois et dont la valeur de l’actif est inférieure à un certain montant (qui sera fixé par décret). Pour eux, une nouvelle procédure de « rétablissement personnel après enquête » serait ouverte pour une période quatre mois. Elle aboutirait à un effacement du passif de l’entreprise à l’égard des créanciers à condition que les dettes soient identifiées et portées à la connaissance du juge, a précisé Patrick Rossi, chef de bureau à la direction des affaires civiles et du Sceau. Au préalable, une vérification de la situation patrimoniale du débiteur sera effectuée, notamment sur le montant de son passif et la valeur de ses actifs. Une « précaution pour éviter les appels d’air », a souligné Patrick Rossi.

 

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