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Compte pénibilité : la loi Rebsamen remplace la fiche individuelle par une déclaration

L'employeur n'a plus à établir de fiche individuelle. Mais il doit toujours déterminer l'exposition de ses salariés – via des référentiels décrivant postes, métiers ou situations types – puis la déclarer aux caisses de retraite. Un décret confirmera facteurs et seuils.

Compte pénibilité : la loi Rebsamen remplace la fiche individuelle par une déclaration

« De toutes les préconisations, la fiche individuelle est celle qui a donné lieu aux débats les plus animés », reconnaissait Christophe Sirugue. Le député socialiste (Saône-et-Loire), auteur du rapport sur la simplification du compte pénibilité, œuvrait alors à faire adopter dans le projet de loi sur le dialogue social l’amendement supprimant l’obligation pour l’employeur d’établir la fiche individuelle de prévention des expositions. Cette fiche, regrettait-il, « a fait l’objet d’une présentation doublement caricaturale, aussi bien de la part de ceux qui l’ont présentée comme une fiche journalière décrivant heure par heure, minute par minute, le travail des salariés, que de la part de ceux qui ont considéré qu’il suffisait de remplir une fiche pour que tout soit réglé ». « Le gouvernement, expliquait François Rebsamen alors ministre du Travail, a décidé de supprimer, non pas le suivi, mais la fiche individuelle de prévention des expositions. »

Les facteurs d’exposition resteront-ils les mêmes ?

La loi relative au dialogue social et à l’emploi est désormais promulguée. Seule obligation incombant à l’employeur : déclarer « de façon dématérialisée » aux caisses de retraite – c’est-à-dire via la DSN (déclaration sociale nominative) – « les facteurs de risques professionnels » auxquels les salariés sont exposés « au-delà de certains seuils, appréciés après application des mesures de protection collective et individuelle ». L’article prend soin de ne pas renvoyer directement aux dix facteurs de pénibilité prévus par le décret du 9 octobre 2014, qui mettait en œuvre le compte personnel de prévention de la pénibilité, ni à leurs seuils. Pour cette nouvelle déclaration, un décret déterminera la liste des facteurs à déclarer, « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé ». Reste à savoir si les facteurs du futur décret seront les mêmes que ceux déjà listés. Les informations de la déclaration seront confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur. Les caisses de retraite auront la charge de transmettre l’information au salarié.

La fiche individuelle de prévention des expositions n’était pas un outil spécifiquement créé pour la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Elle avait été créée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, conçue comme un dispositif de traçabilité des expositions professionnelles. L’employeur devait l’établir pour chaque travailleur « exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé ». La loi retraites de 2014 a décidé d’utiliser cette fiche pour le compte pénibilité. Avec la simplification, remplaçant la fiche par une déclaration pour les salariés exposés au-delà des seuils, un problème se pose : comment assurer une traçabilité pour les travailleurs qui peuvent être exposés, mais ne sont pas susceptibles d’acquérir des droits au titre du compte pénibilité ? C’est notamment le cas des travailleurs détachés, qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale en France. La question a pour l’instant été éludée : c’est le décret d’application qui le décidera.

Et pour les salariés non exposés au titre du compte pénibilité ?

 

Des référentiels pour s’abriter des pénalités

La loi Rebsamen valide aussi la mise en place des référentiels de branche pour déterminer l’exposition des travailleurs. L’idée étant de déplacer vers le collectif, le curseur de la mesure de l’exposition, qui était initialement prévu dans la loi retraites comme étant par défaut individuel. Désormais, des accords de branche étendus ou des référentiels professionnels de branche peuvent, via des postes, métiers ou situations types d’exposition, déterminer l’exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs. Les référentiels devront être homologués par les ministres du Travail et des Affaires sociales, via des arrêtés – les conditions de l’homologation doivent encore être précisées par décret. Un décret est aussi attendu pour savoir comment s’opérera le lien entre la déclaration et l’exposition. Les accords et référentiels de branche sont opposables, c’est-à-dire qu’un employeur qui applique les stipulations d’un accord de branche étendu ou d’un référentiel professionnel de branche homologué se mettra à l’abri de toute « pénalité due en cas de déclaration inexacte des expositions » ainsi que des « pénalités et majorations de retard applicables au titre de la régularisation de cotisations ».

Déclarer des expositions ne revient-il pas pour l’employeur à ouvrir une brèche quant à son obligation de sécurité de résultats ? Les travailleurs auraient pu tenter d’utiliser cette déclaration contre leur employeur dans le cadre de divers contentieux. Par exemple lors d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, ou pour asseoir un préjudice d’anxiété. La loi précise que « le seul fait pour l’employeur d’avoir déclaré l’exposition d’un travailleur aux facteurs de pénibilité […] ne saurait constituer une présomption de manquement à son obligation » de sécurité de résultat.

Obligation de sécurité de résultat et déclaration d’exposition

 

Délais de contrôle et de contentieux réduits

Pour engager une action contentieuse s’il estime qu’il lui manque des points sur son compte pénibilité, le salarié devra agir sous 2 ans (au lieu de 3 ans). Le délai de contrôle des caisses est quant à lui ramené à 3 ans (au lieu de 5 ans). Le même article de la loi Rebsamen (article 31) corrige une erreur portant sur la cotisation additionnelle due par les entreprises qui déclarent des salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité : les taux fixés par le décret ne correspondaient pas aux actuelles fourchettes légales. Désormais, si le salarié n’est exposé qu’à un facteur de pénibilité, la cotisation est comprise entre 0,1 % (et non plus 0,3 %) et 0,8 % ; en cas de poly-exposition, la cotisation est comprise entre 0,2 % (et non plus 0,6 %) et 1,6 %. Enfin, s’agissant de la cotisation pénibilité due par toutes les entreprises, même celles qui ne sont pas concernées par les facteurs de pénibilité, le législateur précise qu’elle n’est pas due aux titres des années 2015 et 2016. Un point qui était déjà prévu dans le décret paru en octobre 2014.

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