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Grève licite ou illicite ?

La grève déclenchée en soutien à un délégué syndical menacé de licenciement est-elle licite ? Oui, si elle a pour but de défendre les intérêts professionnels et collectifs de l’ensemble du personnel, répond la Cour de cassation.

Grève licite ou illicite ?

La cessation du travail décidée par des salariés en soutien à un délégué syndical menacé de licenciement alors qu’il entendait défendre le pouvoir d’achat des salariés est une grève licite pour laquelle les salariés qui y participent ne peuvent être sanctionnés. C’est la solution rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 janvier 2011.

Le principe posé par la jurisprudence est très clair : la grève de solidarité déclenchée pour soutenir les revendications d’autres salariés de la même entreprise (grève de solidarité interne) ou d’une autre entreprise (grève de solidarité externe) n’est licite que si elle a pour but de défendre les intérêts professionnels et collectifs de l’ensemble du personnel. Tel est le cas de la grève déclenchée pour soutenir des salariés licenciés pour avoir prolongé leur congé au-delà de la date fixée par l’employeur conformément à sa pratique du fractionnement, dont la suppression était réclamée par le personnel (Cass. soc. 27 novembre 1985 n° 82-43.649). Est également licite la grève visant, au-delà de la défense des salariés licenciés, à demander l’organisation d’élections professionnelles et des mesures pour la préservation de l’emploi (Cass. soc. 15 janvier 2003 n° 00-44.693).

En revanche, la grève est illicite lorsqu’elle vise à protester contre la sanction ou le licenciement pour un motif strictement personnel dont un salarié fait l’objet ou est menacé. C’est le cas, par exemple, de la cessation du travail en soutien à un salarié licencié pour avoir insulté des clients (Cass. soc. 18 mars 1982, n° 80-40.576) ou pour soutenir un salarié sanctionné pour avoir agressé un supérieur hiérarchique (Cass. soc. 30 mai 1989 n° 91-41.024).

Dans l’affaire jugée le 5 janvier 2011 par la Cour de cassation, six salariés s’étaient vus infliger un avertissement pour avoir cessé le travail en soutien au délégué syndical de l’entreprise menacé de licenciement. La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 4 novembre 2009, avait débouté les salariés et le syndicat CGT de leur demande d’annulation de la sanction. Pour les juges du fond, la cessation concertée du travail n’avait pas pour objet de défendre ou de soutenir des revendications professionnelles ou un intérêt collectif professionnel, mais uniquement de protester contre la convocation par l’employeur du délégué syndical à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui a jugé, au contraire, que l’arrêt de travail décidé par les salariés pour soutenir le délégué syndical menacé de licenciement n’était pas étranger à des revendications professionnelles intéressant l’ensemble du personnel. Les magistrats ont en effet relevé que, la veille de son entretien préalable, le délégué syndical avait rédigé un document établi au nom de son syndicat. Celui-ci informait le personnel de l’entreprise qu’au cours de la première des trois réunions prévues pour la négociation annuelle obligatoire, il demanderait à la direction de faire de réelles propositions pour l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. Il indiquait également qu’il acceptait la proposition de l’équipe technique (à laquelle appartenaient les six salariés sanctionnés) de débrayer l’après-midi pour lui témoigner son soutien et montrer sa détermination.

Pour les magistrats de la Cour suprême, les juges du fond auraient dû en déduire que l’action entreprise par les salariés pour protester contre le licenciement du délégué syndical s’accompagnait de revendications professionnelles qui intéressaient l’ensemble des salariés. Le mouvement étant parfaitement licite, les salariés y ayant participé ne pouvaient pas être sanctionnés.

Source : Cass. soc. 5 janvier 2011 n° 10-10.685

Nathalie Lepetz
Rédaction de NetPME

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