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Temps partiel : l'organisation du travail mise à mal par les 24 heures

Le 1er juillet, les entreprises qui embauchent à temps partiel devront assurer aux salariés recrutés au moins 24 heures de travail, à moins de pouvoir se prévaloir de l'une des dérogations prévues par la loi ou d'être couvertes par un accord de branche étendu. Mais pour un certain nombre d'entre elles, c'est un vrai casse-tête. Illustration.

Temps partiel : l'organisation du travail mise à mal par les 24 heures

Après un report de 6 mois, la durée minimale de 24 heures en matière de temps partiel entre en vigueur le 1er juillet. Mais cette réforme ne va-t-elle pas passer à côté de l’objectif qui lui était assigné, à savoir s’attaquer enfin au phénomène du temps partiel subi ? Les secteurs directement concernés ont conclu des accords de branche permettant des dérogations (16 heures par semaine en contrepartie d’horaires réguliers et de regroupement des horaires sur des demi-journées dans le secteur de la propreté par exemple). S’agissant des entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord autorisant des dérogations ou dont le contrat signé n’entre pas dans le champ des dérogations autorisées, elles se heurtent à des difficultés pratiques parfois insurmontables.

Revoir l’organisation du travail

Pour Bertrand Biechy, directeur du Geyvo, groupement d’employeurs d’Ile-de-France dont les entreprises adhérentes sont plutôt des TPE/PME et des filiales de grands groupes dans le secteur marchand, le temps partiel c’est le cœur de son organisation. « Les groupements d’employeurs ont été créés pour des entreprises qui ont besoin de compétences mais qui ont des difficultés à trouver le bon personnel à temps partiel, notamment pour des tâches récurrentes avec toujours le même profil ou pour un personnel de support ou plus expert. Le groupement d’employeurs [qui est l’employeur du salarié] trouve le bon profil et se met d’accord avec l’entreprise adhérente sur la durée du travail et le planning régulier« , explique Bertrand Biechy. Ce sont environ 400 à 500 groupements d’employeurs généralistes (hors groupements d’employeurs agricoles), soit 50 000 salariés, qui sont concernés.
Cette réforme l’oblige à revoir ses pratiques. « Jusqu’à présent nous avions tendance à ne pas attendre que deux ou trois sociétés aient des missions pour un même salarié afin de lui permettre d’atteindre un temps plein ; nous débutions avec un 2/5e, en essayant de le compléter. Cette loi va donc nous poser des difficultés opérationnelles« .
Pour Francis Bergeron, DRH de SGS, entreprise spécialisée dans l’inspection, le contrôle, l’analyse et la certification, cette loi le contraint également à réfléchir à son réseau local d’experts qui travaillent moins de 24 heures par semaine (22 heures 20 maximum) et qui interviennent ponctuellement selon les besoins des entreprises locales. « Nos contrôles, nos audits et nos formations se font sur l’ensemble du territoire avec des salariés très experts. Cela permet de limiter les coûts de déplacement et, partant, la facture de nos clients. Cela concerne environ 500 recrutements par an, liés à des campagnes de certification ou des nouvelles lois qui obligent les entreprises à équiper ou à faire des certifications. Les populations d’experts sont souvent relativement âgées ce qui explique un taux de turn-over important ». Ces quelques centaines de salariés représentent « une souplesse très intéressante et une valeur ajoutée pour nos clients qui disposent d’un maillage de proximité ».
Avec la durée minimale de 24 heures, c’est toute cette stratégie qu’il doit revoir. « Nous pourrions être contraints de recruter des experts nationaux avec des temps de trajet plus longs, voire recourir à des experts européens. On risque d’assécher les opportunités locales de travail », craint-il.

Formaliser la demande du salarié

L’impact sur l’entreprise STEF, spécialisée dans la logistique du froid, sera limité car les salariés à temps partiel qu’elle emploie ont, dans la plupart des cas, un contrat dont la durée excède déjà les 24 heures.
Mais le service RH n’échappera pas à la nécessaire sécurisation des contrats en cours et à venir. « Nous allons devoir solliciter les salariés pour leur demander confirmation que c’est bien à leur demande qu’ils travaillent moins de 24 heures« , déplore Renaud Bouet, directeur des affaires sociales. « Encore faut-il qu’en cas de cumul d’emploi, et notamment si la durée devait être alignée sur le nouveau seuil légal, cela soit possible en termes de décompte du temps de travail [durées maximales]« , souligne-t-il.
Un exercice aussi délicat pour Francis Bergeron, le DRH de SGS. « Jusqu’à présent, on ne se préoccupait pas des raisons qui motivaient nos salariés à travailler à temps partiel. Maintenant nous allons devoir leur demander s’ils travaillent à temps partiel pour des raisons familiales ou s’ils ont plusieurs employeurs, par exemple. Et dans ce cas, ils vont devoir apporter des attestations pour le prouver. C’est une difficulté d’exiger des salariés qui demanderont à faire moins de 24 heures qu’ils nous fournissent des attestations prouvant qu’ils ont plusieurs employeurs ». Et de s’inquiéter : « Et s’ils n’ont plus de pluralité d’employeurs justement ? Pourront-ils alors demander à passer à 24 heures ?« .

Choisir entre deux risques

Pour autant, les entreprises espèrent encore faire bouger les choses.
C’est vers la Direccte que compte bien se tourner Bertrand Biechy lorsqu’il se heurtera à une situation complexe. « Nous cherchons à minimiser le risque juridique en demandant des orientations à celle-ci, en lui exposant notre cas de figure d’un salarié à qui on ne peut pas garantir 24 heures« , explique-t-il.
Francis Bergeron éprouve le même sentiment d’insécurité juridique. Il espère que dans la majeure partie, des situations des raisons individuelles liées au salarié permettront de sécuriser le contrat de travail. « Mais là où nous n’aurons pas de réponse, il faudra qu’on arbitre entre deux risques : celui  de perdre le client ou celui d’avoir une contestation d’un salarié ou de l’inspection du travail lorsque le contrat ne prévoira pas 24 heures minimales. Une chose est sûre : nous ne pourrons pas assurer une durée de 24 heures aux salariés concernés ; nos clients locaux ne vont pas augmenter leurs contrôles« , conclut-il.

 

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