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Projet de loi Macron : le droit du travail en chantier

Le projet de loi Macron pour la croissance et l'activité a été adopté la semaine dernière en Conseil des ministres. Il modifie un certain nombre de dispositions du droit du travail : conseils de prud'hommes, travail dominical, épargne salariale, délit d'entrave... Tour d'horizon des réformes annoncées.

Projet de loi Macron : le droit du travail en chantier

Pas moins de 106 articles, une quinzaine d’ordonnances prévues, sans compter les décrets d’application programmés, le volumineux projet de loi pour la croissance et l’activité du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, tend à réformer – en profondeur ou à la marge – des pans du droit du travail. Nous récapitulons les réformes attendues (*).

Travail du dimanche

Constat : La législation sur le travail dominical est un mille-feuille législatif devenu indigeste et source d’inégalités entre salariés.
Objectif : Le texte souhaite unifier et simplifier la règlementation.
Solution : La réforme s’articule autour de plusieurs axes :
– porter de 5 (obligatoires) à 12 (maximum) le nombre de dimanches que le maire peut accorder aux magasins ;
– créer plusieurs zones dérogatoires :

  • les zones touristiques où existe une affluence particulièrement importante de touristes ;
  • les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentiellement particulièrement importante ;
  • les zones touristiques internationales (qui incluent les gares) caractérisées par un rayonnement international et une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France.

Dans ces zones, les employeurs pourront donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel. Ces zones seront délimitées par les ministres concernés après avis du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale lorsqu’il existe et des partenaires sociaux.
Le travail dominical devra être encadré par un accord collectif (de branche, d’entreprise, d’établissement, sectoriel) qui devront prévoir le principe du volontariat et des contreparties (majorations salariales, repos compensateur,…)
Les commerces déjà ouverts sous le régime actuel auront 3 ans, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour conclure des accords avec leurs salariés si ce n’est pas déjà le cas.
S’agissant des dérogations sectorielles qui existent aujourd’hui (bricolage, ameublement,…), elles ont vocation à perdurer dans un premier temps, mais disparaîtront à terme.

Travail de nuit

Constat : La législation et la jurisprudence ne permettent pas aujourd’hui d’ouvrir les magasins dans les quartiers touristiques.
Objectif : Le texte vise à permettre des dérogations et à revenir – in fine – sur l’arrêt « Séphora » de la Cour de cassation.
Solution : Dans les zones touristiques internationales, il sera possible de faire travailler les salariés entre 21 heures et minuit à la condition qu’un accord collectif le prévoie et que le travail de nuit repose sur le volontariat. La rémunération sera doublée et un repos compensateur devra être accordé. Par ailleurs, l’employeur devra s’assurer que les salariés concernés disposent d’un moyen de transport pour regagner leur domicile.

Justice prud’homale

Constat : Aujourd’hui, les procédures prud’homales sont longues avec des délais de jugements considérables.
Objectif : Le texte vise à raccourcir les délais et à professionnaliser les conseils de prud’hommes.
Solution : Le projet de loi vise plusieurs axes d’amélioration :
– mieux former les conseillers prud’homaux, renforcer les obligations déontologiques et refondre la procédure disciplinaire ;
– raccourcir les délais et mieux les encadrer dès la phase de conciliation, faire en sorte que le bureau de jugement en formation restreinte statue dans un délai de 3 mois… ;
– regrouper les contentieux lorsqu’il sera de l’intérêt d’une bonne justice que des litiges pendants devant plusieurs conseils de prud’hommes situés dans le ressort d’une même cour d’appel soient jugés ensemble ;
– inciter à davantage de procédures amiables.

Inspection du travail

Constat : Aujourd’hui peu de procès-verbaux sont prononcés par l’inspection du travail ou ne sont pas suivis d’effets.
Objectif : Le texte vise à mieux coordonner les actions des inspecteurs du travail et à renforcer les sanctions.
Solution : Le projet de loi reprend les dispositions qui avaient été retirées du projet de loi formation qui visent à renforcer les sanctions administratives et à mieux coordonner le travail des inspecteurs du travail.

Lutte contre le travail illégal

Constat : Des fraudes au détachement de travailleurs étrangers de plus en plus complexes sont élaborées.
Objectif : Lutter encore plus efficacement contre les fraudes au détachement.
Solution : Les peines prévues par la loi du 10 juillet 2014 en cas de détachement frauduleux seront aggravées. Une carte d’identification des salariés du BTP sera créée.

D’autres mesures complémentaires seront décidées lors d’une réunion à Matignon le 15 janvier.

Épargne salariale

Constat : Les dispositifs d’épargne salariale sont parfois peu lisibles et créent des inégalités, notamment pour les PME.
Objectif : Le texte tend à simplifier les règles et à favoriser l’épargne sur le long terme.
Solution : Les délais de versement entre participation et intéressement seront alignés, le Perco pourra être mis en place par ratification des deux tiers des salariés lorsqu’il n’existe pas de délégués syndical ou de CE (c’est aujourd’hui possible seulement pour un PEE), les modalités de reconduction tacite des accords d’intéressement seront simplifiées.

Le projet de loi sera enrichi par les résultats de la délibération en cours suite au rapport du Copiesas.

Délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel

Constat : Les peines d’emprisonnement sont rarement prononcées.
Objectif : Le gouvernement estime pourtant que l’existence de ces peines dissuade les investisseurs étrangers.
Solution : Le texte vise d’une part à supprimer les peines d’emprisonnement et, d’autre part, à renforcer les sanctions financières.

Les autres mesures

Le projet de loi comporte un certain nombre d’autres dispositions disparates :

Institutions représentatives du personnel : Le texte prévoit l’inscription à l’ordre du jour du CHSCT des consultations obligatoires et la transmission des PV des élections du CE et des DP aux organisations syndicales ;
Licenciement économique : Le texte permet aux entreprises de fixer par accord collectif ou par un document unilatéral un périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ; il remédie également à certains effets non souhaités de la jurisprudence.

S’agissant justement de la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le gouvernement réunira les partenaires sociaux en janvier afin d’identifier les pistes d’amélioration, notamment sur les accords de maintien dans l’emploi.

Travailleurs en situation de handicap : L’employeur pourra s’acquitter partiellement de son obligation d’emploi en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel et des travailleurs indépendants handicapés.

Ce qui n’est plus dans le projet de loi

Certains sujets annoncés ne figurent finalement plus dans le texte.

► C’est le cas de la réforme de la médecine du travail qui avait suscité une levée de boucliers de la part des professionnels. Le gouvernement a accepté de laisser du temps à la mission parlementaire.

► S’agissant de la réforme des IRP et de la modernisation du dialogue social, si un accord est trouvé avant la fin de l’année, il sera repris dans un projet de loi dédié qui sera porté par le ministre du travail.

► Enfin, le texte n’évoque plus la représentation obligatoire en appel en matière prud’homale. Toutefois la Chancellerie nous assure que cette réforme aura bien lieu.

Le texte sera examiné au Parlement à partir du 22 janvier.

 

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