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Qui veut revenir aux 39 heures?

La commission d'enquête parlementaire sur l'impact économique, social et sociétal des 35 heures, pilotée par Barbara Romagnan, député PS et présidé par Thierry Benoit, député UDI, dresse un bilan détaillé des 35 heures. Voici ses principales conclusions.

Qui veut revenir aux 39 heures?

Et revoilà les 35 heures ! Quelques mois après la déclaration d’Emmanuel Macron qui, à la veille de sa nomination, plaidait pour que les entreprises puissent déroger aux 35 heures, le débat refait surface. La commission d’enquête parlementaire sur « l’impact de la réduction progressive du temps de travail », mise en place, en juin, sur proposition de l’UDI dresse un bilan positif des lois Aubry. « La réduction du temps de travail est un pacte de responsabilité qui a réussi », avance Barbara Romagnan, la rapporteuse, députée socialiste qui a auditionné, dans un rapport révélé hier, 80 personnalités issues du monde politique, syndical, universitaire, de l’administration et de l’entreprise.
« Les lois Aubry ont créé 350 000 emplois et ont ainsi contribué à réduire le chômage. Il s’agit de la politique en faveur de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse qui ait été conduite depuis les années 70 », poursuit Barbara Romagnan. Avec, un coût de 2 milliards d’euros, par an, pour les entreprises. Soit « moins cher que les exonérations de cotisations sociales sans conditions ».

Pas de remise en cause par les entreprises

Selon le rapport, les entreprises « ne souhaitent pas remettre en cause le régime légal et l’organisation conventionnelle de leur temps de travail ». Et de citer Jean-François Pilliard, vice-président du Medef en charge du pôle social, qui valide cette thèse en indiquant qu’il serait « absurde de rouvrir le débat ». « Vouloir passer de 35 heures à 39 heures serait faire la même erreur en sens contraire », ajoute-t-il. De même, Guillaume Noël, directeur du développement social d’Eram note que « la fixation de la durée de travail à 35 heures a été entérinée par tous ». D’ailleurs pour Yves Barou, ancien directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry, en 1998, « nombre d’entreprises ont trouvé de bonnes solutions, ce qui explique leur réticence à revenir sur le sujet ». Parmi ces solutions figure la modulation du temps de travail qui permet de faire varier, sur l’année, les horaires en fonction de la charge de travail, sous réserve de ne pas dépasser les maxima : 10 heures par jours, 48 heures par semaine et 12 semaines consécutives de 44 heures. « Les directions d’entreprise ont profité de la première loi Aubry pour négocier spontanément une nouvelle organisation du travail », observe le rapport.

De multiples assouplissements

Sans compter les nombreux textes destinés à assouplir les 35 heures. A l’image du contingent d’heures supplémentaires passé de 130 heures à 180 heures, avec la loi du Fillon de 2003, puis à 220 heures, par un décret du 9 décembre 2004.
Résultat : les 35 heures délimitent aujourd’hui une durée théorique du temps de travail. « En pratique, la durée effective de travail dépasse le seuil légal et s’élève à 39,6 heures pour les salariés à temps plein (37,5 heures en comptant les temps partiels) », souligne Barbara Romagnan.

Mais des effets négatifs

Le rapport admet toutefois quelques faiblesses. Des points restent à améliorer.

  • L’intensification du travail, tout d’abord, qui s’est accompagnée, en parallèle, dans plusieurs secteurs, d’une « exigence accrue de la polyvalence » mais aussi d’une traque « aux heures improductives », supprimant les « temps de respiration ». Les temps de pause et d’habillage ont ainsi été rediscutés ; le décompte du temps de travail a été reprécisé. Chez Eram, par exemple, « l’heure de sortie est fixée à 17h03 », note le rapport. Sans surprise, ce sont les ouvriers, soumis à la variabilité des horaires, qui ont le plus pâti de cette dégradation des conditions de travail. Parmi eux, 40% des femmes non qualifiées n’auraient tiré aucun « bénéfice » de la réduction du temps de travail.
  • Mais les cadres aux forfaits-jours ne sont pas mieux lotis. « S’ils ont en général apprécié la plus grande liberté de gestion de leur temps, au travail comme dans leur vie privée, l’exigence de disponibilité permanente qui a résulté pour certains de la mise en place du forfait jours neutralise une grande partie des bénéfices de la RTT ». Avec, en outre, pour les cadres supérieurs, « une plus grande porosité entre vie professionnelle et leur vie privée, note Hervé Lanouzière, directeur de l’Anact, cité dans le rapport. Ces cadres sont susceptibles de travailler sept jours sur sept ».
  • Enfin, les TPE et PME ont dû faire face à de nombreuses difficultés pour s’adapter, résultant d’une réorganisation plus complexe dans une entreprise qui n’emploie que quelques salariés.

L’amélioration des conditions de travail

C’est pourquoi le rapport préconise plusieurs ajustements, notamment « l’amélioration des conditions de travail » pour les « oubliés des 35 heures » et un « meilleur équilibre entre temps de travail et qualité de vie ». Une disposition qui aurait, en outre, le mérite de contribuer à une plus « grande égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ».
Par ailleurs, la commission propose, en lieu et place du chômage partiel, de réduire le temps de travail pour sauvegarder l’emploi. Avec une compensation salariale versée par l’Etat. Un dispositif proche des accords de maintien pourtant peu utilisés.

Développer le compte épargne-temps

Surtout d’autres formes de RTT pourraient être envisagées, par exemple, avec un compte épargne-temps qui permettrait d’organiser son temps de travail sur plusieurs années. « Les jours de congés ainsi épargnés pourraient alors permettre aux salariés de prendre des congés plus longs pour motifs personnels (naissance d’enfants, périodes sabbatiques, parents âgés à prendre en charge) ou être utilisés à des fins professionnelles (allègement de fin de carrière, congé pour formation, gestion de transitions professionnelles) ». Thierry Benoît, député UDI d’Ille-et-Vilaine, président de la commission d’enquête, va même plus loin en estimant que le temps de travail doit être appréhendé à l’échelle d’une vie, via un « compte social universel » portable. A la manière du compte personnel de formation.

Retrouvez plus d’informations sur la durée légale du travail.

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