Interview

Anthony Arrivé, expert-comptable et commissaire aux comptes

Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire proposé par Benoît Hamon prévoit le droit d'information des salariés deux mois avant la cession d'une entreprise. Anthony Arrivé, commissaire aux comptes et expert-comptable associé du cabinet Steco, membre du groupement Audecia, nous explique les conséquences éventuelles d'une telle obligation.

Anthony Arrivé, expert-comptable et commissaire aux comptes

1) Quels sont les risques d’un éventuel droit des salariés à être informés en cas de cession d’entreprise ?

La problématique est la confidentialité. C’est crucial pour le déroulé des négociations d’une cession d’entreprise. Cela permet de gagner en sérénité. Aujourd’hui, pour les entreprises de moins de dix salariés, l’information de la cession d’une entreprise n’est divulguée au personnel que lors de la présentation du repreneur, c’est-à-dire après les négociations. Même si les salariés ont une obligation de discrétion envers leur employeur, le risque de fuites vers des personnes extérieures à l’entreprise, et par conséquent d’échec de la cession, est très important. Et plus grave encore, la pérennité de l’entreprise peut être engagée, si des clients ou des fournisseurs décident de rompre leurs relations avec l’entreprise à céder.

2) L’objectif affiché de Benoît Hamon est de favoriser la reprise d’entreprises par les salariés. Pensez-vous qu’il existe d’autres moyens d’aller dans ce sens ?

Tout d’abord, je pense que les deux mois que préconise le projet de loi de Benoît Hamon ne seraient pas suffisants pour que des salariés soient prêts à reprendre l’entreprise pour laquelle ils travaillent. On ne devient pas chef d’entreprise du jour au lendemain, même si les salariés sont des cadres élevés dans la hiérarchie. Le dirigeant d’entreprise est un chef d’orchestre, il intervient sur de nombreuses thématiques. Les salariés qui reprennent une entreprise ont besoin de se former et de se faire accompagner.

Par ailleurs, je pense que certaines aides ouvertes aux créateurs d’entreprises devraient être élargies aux repreneurs d’entreprises, et notamment à ceux qui étaient salariés auparavant. Pour bénéficier d’aides comme l’Accre (aide aux demandeurs d’emploi créant ou reprenant une entreprise) ou la capitalisation des droits Pôle emploi pour la création d’une entreprise, il faut être chômeur. Aujourd’hui, les salariés qui reprennent une entreprise n’ont pas de cadre pour les accompagner.

3) Que pensent vos clients dirigeants de TPE-PME de ce projet de loi ?

Pour le moment ce n’est pas encore une préoccupation pour eux car le texte doit encore passer à l’Assemblée nationale. Toutefois, nous les sensibilisons à cette probable évolution du droit, et en cas d’adoption de la loi, il est possible que certaines cessions d’entreprise s’accélèrent pour éviter de se soumettre au devoir d’information des salariés.

Propos recueillis par Sophie Roy

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