Interview

Sophie Henry, Secrétaire générale du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris

Secrétaire générale de l’un des principaux centres européens de gestion et de résolution des conflits commerciaux, le CMAP propose aux entreprises, de recourir notamment à la médiation pour résoudre leurs différends, à un coût maîtrisé. Une solution souple, rapide et confidentielle, particulièrement intéressante pour les PME…

Sophie Henry, Secrétaire générale du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris

Qu’est-ce que le CMAP et à quoi sert-il ?

Le Centre de médiation et d’arbitrage a été créé en 1995, par la chambre de commerce et d’industrie de Paris, afin d’offrir aux entreprises des voies de résolution des conflits rapides, en dehors des voies judiciaires.
L’arbitrage, qui ne concerne pas les TPE, s’apparente à une procédure judiciaire classique, mais c’est une décision de justice privée. Les entreprises choisissent un arbitre, un lieu… C’est une procédure sur mesure qui peut être assez chère.
La médiation, quant à elle, est un dispositif beaucoup plus souple : les deux entreprises en désaccord vont demander l’aide d’un médiateur indépendant, impartial, qui va aider les parties à trouver une solution équitable à leur litige, avant de recourir à une procédure judiciaire, le tout pour un coût très maîtrisé. Le taux horaire, partagé entre les deux parties, est en effet de 300 euros de l’heure. Et pour les petits litiges, inférieurs à 30.000 euros, il existe des forfaits.
Il faut généralement une quinzaine d’heures pour arriver à un protocole d’accord, contre 6 mois, voire un an, pour une procédure judiciaire… D’autant que, souvent, les TPE et PME attendent qu’il y ait le feu pour recourir à la justice… Elles signent leurs contrats sans tout lire, et lorsque le conflit arrive, il faut trouver une solution dans l’urgence. L’intérêt de la médiation, c’est justement de permettre d’anticiper un peu l’ouverture ou la gravité d’un conflit.
Autre avantage : le médiateur et les parties sont tenues à la confidentialité, alors que devant le juge, l’affaire est portée devant la place publique.

Comment se déroule une médiation ?

Il faut compter en général un délai de deux mois entre la désignation du médiateur et la rédaction d’un protocole d’accord, mais parfois, même pour des enjeux complexes, le litige peut être réglé en un jour. Il n’y a pas de règle ; on ne peut pas dire que pour un petit litige on aura une durée courte, mais en tout cas l’idée est que ce soit rapide. Ensuite, les entreprises sont très actives : elles sont assistées du médiateur, mais restent maîtresses de la procédure.

Cette procédure est-elle réservée aux entreprises parisiennes ?

Non. Notre nom complet est le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris, mais nous avons une vocation nationale, voire internationale. Par ailleurs, si nous étions les seuls acteurs en 1995, désormais il existe d’autres institutions en France.

Comment les PME peuvent-elles accéder à la médiation ?

De deux manières. Soit elles ont prévu dans leurs contrats une clause médiation et elles mettront en œuvre cette clause. Mais c’est assez rare dans les PME. Soit elles peuvent nous saisir directement, nous, ou l’organisme de leur choix, ou encore un médiateur ad hoc, mais elles doivent alors veiller à ce qu’il soit formé à la médiation. Il appartient ensuite à l’institution d’organiser la procédure.

Quel est le profil des médiateurs qui interviennent ?

La médiation n’est pas une fonction réglementée. Il existe néanmoins deux textes législatifs de référence : la loi du 8 février 1995 qui prévoit l’encadrement de la médiation, mais pas de formation ou de diplôme, et la directive européenne du 21 mai 2008 qui doit être transposée cette année et qui donne une définition de la médiation.
Cela veut dire qu’en théorie, tout le monde peut être médiateur. En revanche, il faut avoir suivi une formation aux techniques de médiation. C’est un process en cinq étapes, très précis, qui vient d’Harvard. Sans oublier l’aspect déontologique.
Nous, nous avons choisi de faire passer un examen. Nos médiateurs sont des chefs d’entreprise, des directeurs commerciaux, des gérants, des avocats ou des magistrats de tribunaux de commerce. Nous restons donc dans le monde de l’entreprise et du droit. Nous demandons en outre à ce qu’ils aient au minimum dix ans d’expérience professionnelle avant de suivre la formation.

Doivent-ils connaître le secteur d’activité des entreprises auprès desquelles ils interviennent ?

Les entreprises sollicitent souvent des spécialistes de leur domaine d’activité car cela les rassurent. Mais pour moi, ce n’est pas forcément une bonne chose : il y a un risque que le médiateur devienne un expert. Toutefois, c’est vrai que pour certaines matières – notamment en propriété intellectuelle ou industrielle –, cela vaut mieux.
Dans la pratique, cela se passe au cas par cas. On demande aux entreprises leur profil puis on délègue le choix à une commission d’agrément et de nomination, présidée par un magistrat de la cour de Cassation pour éviter les risques de « copinage ». Ou alors on présente une liste avec plusieurs noms et l’entreprise choisit.

Peut-on changer de médiateur en cours de processus ?

Oui, mais il faut une raison valable, le comportement partial d’un médiateur par exemple.
Ceci dit, c’est très rare : en 15 ans, c’est arrivé une fois. Il faut dire que le médiateur n’a aucun pouvoir…

Quelle est la typologie des conflits réglés par la médiation ?

La majeure partie provient de problèmes d’exécution contractuelle, pour des contrats de longue durée ou récurrents. La médiation peut permettre de pérenniser la relation contractuelle. En effet, soit on arrête le contrat, mais cela s’effectue dans de bonnes conditions et les entreprises pourront retravailler ensemble, soit parfois, cela peut même être l’occasion de trouver des solutions innovantes. Par exemple, de faire le point sur le contenu du contrat, voire de réfléchir à de nouveaux marchés, de nouvelles marges.
Souvent, à l’origine des litiges, il y a un problème de communication ; les entreprises ne se sont pas comprises ou l’une des parties a des soupçons de mauvaise foi à l’égard de l’autre. Le travail du médiateur, c’est justement de faire entendre la position de l’autre.

Quels sont vos résultats ?

Il n’y a rien de magique mais, une fois que les deux entreprises ont accepté la médiation, 70 % des dossiers aboutissent à une solution et parmi les 30 % restants, certains nous rappellent parfois 3 ou 6 mois plus tard en nous disant que cela a ouvert la discussion.
Depuis 15 ans, nous avons traité 1800 à 2000 dossiers. Toutefois, la médiation ne commence à être connue que depuis cinq ans. Auparavant, les entreprises, mais aussi les avocats et les magistrats méconnaissaient le dispositif. Aujourd’hui encore, si, dans l’absolu, les juges peuvent proposer la médiation à tous les stades, et alors même qu’une procédure judiciaire est engagée depuis la loi de 1995, dans les faits ils l’utilisent de manière très irrégulière.
Depuis 4-5 ans, nous traitons environ 300 dossiers par an. Une goutte d’eau au regard du nombre de contentieux…

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

 

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