Interview

Nicolas Schulé, dirigeant de Sati, entreprise de torréfaction à Strasbourg (67)

Ce torréfacteur, à la tête d’une entreprise familiale créée en 1926, a tissé depuis deux ans un partenariat avec deux associations. Loin du mécénat, cette coopération économique a permis aux différents acteurs de rogner sur leurs coûts. Ce qui permet d’envisager une relation durable, même pendant les périodes de crise…

Nicolas Schulé, dirigeant de Sati, entreprise de torréfaction à Strasbourg (67)

Comment êtes-vous venu au partenariat ?

Notre premier partenariat avec l’association Libre Objet a été mis en place sur leur sollicitation. En effet, nous sommes une PME familiale et notre objectif premier, c’est la pérennité de l’entreprise, afin de pouvoir transmettre un jour l’activité à la génération suivante. Dans cette optique, faire du mécénat, c’est bien pendant les belles années, mais il faut être clair : quand on subit une crise comme dans les années 2010-2011 avec une hausse des prix de matières premières, le premier budget qu’on coupe, c’est celui des dons aux associations. Alors qu’avec le partenariat, c’est du gagnant-gagnant.

Comment s’est mis en place le premier partenariat ?

Un jour, en 2010, l’association Libre Objet est venue nous voir avec des sacs-cabas qu’ils avaient conçus à partir d’emballages de paquets de café et qu’ils souhaitaient vendre. C’était une idée intéressante, mais d’une part cela nous gênait d’apparaître avec la concurrence et d’autre part, ces sacs étaient constitués avec des paquets usagés, donc abîmés. Ce n’était pas très beau et ça risquait de nuire à notre image.
On s’est alors demandés ce qu’on pourrait faire et on a trouvé une solution : nos machines éjectent régulièrement 0,5 à 1 % d’emballages vides non conformes (dates pas bien marquées, soudures mal faites…). Il faut savoir que ces paquets sont constitués de plastique et d’aluminium et qu’aucun acteur du recyclage en France n’en veut. Plutôt que de payer pour leur destruction, on a donc proposé à Libre Objet de les récupérer.

Comment s’est concrétisé le partenariat ?

Il a fallu se réorganiser en interne et mettre en place des poubelles avec d’un côté les emballages Sati et de l’autre ceux des distributeurs pour lesquels nous travaillons et qui ont également souhaité s’engager dans cette démarche. Les gens travaillent un peu différemment, ils perdent un peu de temps parfois, mais c’est un partenariat qui s’inscrit dans la durée car tant qu’on fabriquera des paquets de café, on alimentera l’association.
De notre côté, on est clients des produits Libre Objet à notre marque. C’est devenu un outil marketing très apprécié lors des événements organisés pour nos clients et fournisseurs, ainsi que sur les salons grand public, même si je m’aperçois qu’on utilise assez mal cette image. Et puis on en distribue aussi au personnel, ainsi qu’aux anciens salariés retraités.

Comment vos équipes ont-elles réagi à l’annonce du projet ?

Au début, ça a un peu grincé car cela nécessitait de changer les habitudes de travail. Mais, très vite, les équipes se sont senties impliquées.
Le partenariat a été mis en place en 2010, à une époque où l’on se prenait pas mal de claques : les marchés étaient difficiles à emporter du fait de la hausse des prix. Du coup, cela nous a apporté une bouffée d’air frais de côtoyer des personnes qui font autre chose que regarder des indicateurs économiques. Cela a permis de ré-humaniser le travail.

Vous avez ensuite mis en place rapidement un autre partenariat. Lequel ?

C’est encore une histoire de rencontre. Après le départ à la retraite d’un de nos salariés chauffeur, on s’est retrouvé avec un camion qui n’était plus vraiment aux normes IFS (International food standard : norme pour les produits alimentaires, NDLR). Il ne valait plus grand-chose, mais on a essayé de le vendre. Une association, « Les jardins de la montagne verte », qui cultive des légumes bio et vend des paniers via des dépôts, en a eu vent et, de façon assez culottée, est venue nous demander de le lui donner. Au départ, on s’est dit « pourquoi pas ? », mais à la réflexion, on s’est dits que si l’on faisait ça, ce serait du « one shot ». C’est alors, en visitant leur usine, qu’on a vu leurs sacs de jute. C’était un premier pas vers une relation durable puisque cela représente quelques palettes par an.
Puis, il s’est trouvé que la pellicule qui entoure les grains de café représente un engrais formidable, très azoté, et bio. Et du coup, comme ils passent toutes les semaines pour le récupérer on est devenus un point de dépôt de leurs légumes et notre personnel en profite !

Quelle suite envisagez-vous ?

Je pense qu’on va s’arrêter à deux partenariats. Je trouve que c’est bien de travailler avec ces deux associations mais on ne peut pas tout faire avec tout le monde. On ne veut pas mettre les gens en concurrence et il ne faut pas que ça devienne lourd en termes d’organisation. Il faut garder l’enthousiasme du personnel, ne pas trop tirer sur la corde pour conserver un niveau de qualité dans nos relations avec ces associations.

Recommanderiez-vous le partenariat à d’autres entreprises ?

Oui, à condition d’en avoir envie et d’avoir de véritables atomes crochus avec une association.

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

Zoom sur les partenariats entreprises-associations
Selon une étude Entreprises & Territoires réalisée en 2010, pour une entreprise, les enjeux auxquels un partenariat est susceptible de répondre sont multiples : amélioration de son image, ancrage territorial, mobilisation des collaborateurs, innovation sociale e sociétale, mais aussi augmentation de la performance opérationnelle, comme chez Sati.
Selon les données de l’Observatoire national des partenariats associations & entreprises, en 2011, 21 % des entreprises ont mis en place des partenariats, soit environ 200.000 structures. Une pratique récente, surtout chez les petites et moyennes entreprises.
Mutuelle des acteurs de l’économie sociale, Chorum a réalisé en novembre 2011 un référentiel. Très pratique, il constitue un outil précieux pour les entreprises et associations intéressées par le partenariat.
Il aborde en effet les principales thématiques concourant à la mise en place de partenariats associations-entreprises, telles que les enjeux des relations, les différents partenariats possibles, les facteurs clés de succès. Avec un objectif : que chaque acteur y trouve son compte.

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