Actu

Pour une majorité d'indépendants, le problème est la protection sociale

Les droits sociaux sont au cœur des réflexions sur la condition des indépendants et en particulier de ceux qui se lancent. En dépit de conditions de travail parfois très difficiles, peu d’entre eux font requalifier leur relation de travail en salariat. Mais ils sont nombreux à rejoindre des collectifs ou des syndicats pour faire évoluer leurs droits à la protection sociale.

Pour une majorité d'indépendants, le problème est la protection sociale

« J’ai perdu 10 kg en un mois », raconte Édouard Bernasse, livreur chez Deliveroo lors d’une table ronde sur « l’économie des plateformes » avec l’association des journalistes de l’information sociale le 7 décembre 2017. Ce diplômé en droit a choisi de devenir indépendant pour gagner sa vie en pédalant d’une course à l’autre, car « c’était relativement simple ». Mais peu de temps après son inscription comme auto-entrepreneur, le livreur est « rapidement très fatigué » de ce travail très rythmé. « Juste après mon inscription, Deliveroo a instauré un système de rémunération à la course et non plus à l’heure ».  Edouard Bernasse se rend compte qu’il ne peut pas travailler pour d’autres plateformes. Ni ailleurs. « Vous voyez les incompatibilités de la profession avec la flexibilité que l’on vous vend ». Pire : « Etre auto-entrepreneur, ce n’est socialement pas grand-chose. Que se passe-t-il si je tombe ? ». La question posée par celui qui a cofondé le Collectif des livreurs autonomes de Paris (Clap) résume ce qui taraude tous ceux qui veulent se lancer comme indépendants, ou qui ont du mal à lier les deux bouts et se trouvent confrontés à un souci de santé.

Auto-entrepreneur, par ailleurs salarié ou totalement indépendant ?

« La population des indépendants est très variée », note Alexis Masse, secrétaire confédéral CFDT. Entre les auto-entrepreneurs que l’on peut ranger dans la catégorie « pluri-activités » et les 600 000 qui sont par ailleurs salariés, les besoins sont différents. Selon lui, peu d’indépendants qui travaillent pour des plateformes veulent faire requalifier leur activité en relation de travail. Peu d’entre eux, d’ailleurs, sont syndiqués, préférant les collectifs comme le Clap, même si Alexis Masse souligne que son organisation syndicale « accueille aussi des indépendants » et travaille en étroite collaboration avec eux pour trouver des solutions pragmatiques et faire évoluer leurs droits. Car finalement, qui sont ces indépendants des nouveaux métiers de services ?  Olivia Montel, chargée d’études à la Dares et auteure d’un rapport sur l’économie collaborative, reconnaît « que le phénomène est particulièrement difficile à saisir pour les économistes ». De quoi parle-t-on ? De l’économie du partage ou des plateformes de biens et services marchands ? Ces dernières cherchent en effet à faire du profit et environ un tiers d’entre elles intermédient entre les « producteurs indépendants » et les consommateurs.

Dans cet univers dématérialisé – qui n’est pas nouveau puisqu’il a pris ses racines avec les « nouvelles technologies dans les années 90 – « l’externalisation extrême de la production » ne parvient pas à identifier totalement ces fameux producteurs. La comptabilité nationale ne parvient pas à isoler ces plateformes et ces pourvoyeurs de production ne représenteraient qu’entre 1 et 1,5 % du travail « même s’il est en très nette augmentation ». Jean-Jacques Arnal, fondateur de la plateforme Stootie qui met en relation des personnes qui proposent leurs services à ceux qui en ont besoin, confirme ce rêve croissant pour l’entreprenariat. « Uber n’est pas rentable, on constate 90 % d’échecs de starts-up et pourtant, on constate une appétence de toute la jeunesse pour créer ».  Selon lui, faciliter l’accès au droit, « écrit pour les juristes et non pas pour les citoyens », serait un progrès. Proposer ses services devrait être la seule ambition des ces entrepreneurs d’aujourd’hui, pas forcément enclins à passer le cap de l’auto-entreprenariat qui implique d’autres démarches administratives. « La partie réglementaire du droit devrait être nativement numérique », poursuit-il. Pour lui, la simplification devrait être impérativement mise en œuvre pour ne pas freiner l’initiative. Et surtout, conscient que la protection sociale de ces indépendants est nulle ou très faible, Jean-Jacques Arnal milite pour qu’elle soit transférée sur la consommation de l’activité plutôt qu’elle reste à la charge de celui qui la produit.

Claire Padych

 

Laisser un commentaire

Suivant