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Recrutement des TPE/PME : comment attirer et fidéliser les jeunes ?

Lors d’une rencontre organisée par l’AJPME, plusieurs entrepreneurs et spécialistes du recrutement ont partagé conseils et marches à suivre pour attirer et fidéliser les jeunes talents.

Recrutement des TPE/PME : comment attirer et fidéliser les jeunes ?
De gauche à droite : Philippe Mutricy, Luc Pallavidino, Géraldine Dauvergne, Christophe Amouroux et Elsa Groschaus.

« La guerre des talents est absolument phénoménale dans l’ensemble de l’économie », cadre d’emblée Philippe Mutricy, cofondateur de Bpifrance Le Lab et Directeur des études et de l’évaluation de Bpifrance. Une guerre dans laquelle les TPE/PME apparaissent bien esseulées. Sans la maîtrise numérique, le prestige des grands groupes ou le clinquant des start-up, difficiles pour elles – pourtant en mal d’embauches – de passer à l’offensive. Surtout que ces talents que l’on s’arrache à prix d’or sont maintenant issus de la génération Z. Une population volatile de fin d’alphabet dont les aspirations – souvent connectées – bouleversent la culture voire la structure même de l’entreprise. Si la transformation numérique semble un passage obligé pour matcher, d’autres pistes sont à exploiter. Un bon nombre d’entre elles ont été évoquées lors d’une rencontre organisée ce mardi 8 octobre par l’AJPME.

« Sans contrainte de lieu ni d’horaire »

« La nouvelle génération a un besoin fort de liberté », constate Christophe Amouroux, Président de Twelve Consulting, cabinet de conseil en transformation digitale. Ce dirigeant de PME compte 53 salariés. Il affiche un turn-over en dessous de 5 % (20 % en moyenne dans le secteur du consulting). 70 % de ses recrutements ces deux dernières années concerne des jeunes âgés de 23 à 26 ans. « Il ne faut pas les mettre dans un rôle d’exécution même s’ils viennent tout juste de sortir de l’école », conseille-t-il. Cela se traduit par une « autonomie totale sans contrainte de lieu ni d’horaire. »

Même son de cloche du côté de Luc Pallavidino, cofondateur de Yousign, éditeur de logiciel qui propose des solutions de signature électronique. Le jeune CEO ne connait pas de turn-over depuis 6 ans (hors stagiaires et alternants). Tous les salariés sont engagés en CDI depuis le début. « Pas d’horaires fixes sauf en cas de contact avec le client », précise-t-il. Et l’absence injustifiée est autorisée : pas de justificatifs à fournir si l’on souhaite travailler depuis chez soi. D’ailleurs, chez Yousign, le télétravail a une place de choix. Un tiers des employés le sont à distance. « Nous offrons même une place dans un coworking », explique le chef d’entreprise.

Mais cette liberté a un prix. Christophe Amouroux s’évertue à cadrer les jeunes arrivants en prenant le temps de leur expliquer les enjeux, le contexte, les échéances, etc. D’autant plus que pour le CEO, la jeune génération est rétive à certaines réalités capitalistes (profit, rentabilité, bénéfices, etc.). « Notre rentabilité, c’est notre liberté », avance-t-il aux jeunes intéressés. Résultats ? « Moins de temps pour le business, concède-t-il, mais c’est vertueux. » Quant à Luc Pallavidino, « l’important est que le travail soit fait ». Pour s’en assurer, le jeune entrepreneur challenge les employés durant la période d’essai. « Attention, il faut que ce soit des personnes qui maîtrisent le télétravail, prévient-il, nous vérifions l’expérience, l’autonomie et la maturité du candidat. »

« Un impact positif sur la société »

Deuxième critère générationnel : la quête de sens. Si ce n’est l’apanage d’une catégorie d’âge, la volonté d’engagement des jeunes semble particulièrement forte. Pour Christophe Amouroux, il est impératif d’avoir « un impact positif sur la société et l’environnement ». Le cabinet a par exemple mis en place « Twelve Green », une initiative des consultants (et non des associés) qui a pour but de réduire l’empreinte carbone de la société (tri sélectif, fenêtres écoresponsables, etc.). De même, Luc Pallavidino estime qu’il attire la nouvelle génération grâce à ses valeurs. Des valeurs qui se traduisent notamment par une « transparence totale sur les salaires ». « Ça résonne bien chez les jeunes », remarque le jeune entrepreneur. « Tous les chiffres de l’entreprise sont connus par tous et en temps réel », explique-t-il.

À côté de la noblesse de la cause, se tient l’esprit d’équipe. « Cette génération aime faire les choses ensemble », note le CEO de Twelve consulting. C’est pourquoi, pour fidéliser ses troupes, le conseiller implique ses salariés un jour par semaine dans les affaires de l’entreprise (recrutement, communication, projets internes, etc.). « Ils sont partie prenante de la gestion de l’entreprise », se réjouit-il. Une façon également de varier les plaisirs. « C’est une génération qui zappe beaucoup », juge l’intéressé. Luc Pallavidino organise quant à lui une réunion type « team building » tous les 3 mois.

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« Un site carrière fourni »

À défaut d’adapter son entreprise sur le fond à la nouvelle génération, autant le faire sur la forme. Elsa Groschaus, jeune responsable du marketing chez Welcome to the Jungle – plateforme de recrutement qui aide les entreprises à travailler leur marque employeur –  conseille en premier lieu aux TPE/PME d’avoir « un site carrière fourni » (un site carrière est une page web qui regroupe les offres d’emploi proposées par l’entreprise). « Il ne faut pas que le candidat sorte du site », alerte la communicante. Il est également impératif de soigner sa présentation (photos, nombre d’employés, parcours candidat, etc). Les valeurs ainsi que l’ambiance de l’entreprise doivent être directement comprises par les candidats. Surtout que, selon Philippe Mutricy, la jeune génération est davantage intéressée par l’ambiance au travail que par la rémunération. La promesse employeur ou « l’histoire que l’on va raconter » est primordiale.

Toutefois, il ne s’agit pas de singer maladroitement les start-up, aussi tendances soient-elles. Lors d’un tournage Welcome To Jungle, la marketrice raconte avoir était interpellé par un client pour savoir s’il n’était pas préférable de se mettre en t-shirts ! Amusée, la responsable rappelle que le baby-foot ne fait pas tout. « C’est bien plus profond que ça. » Philippe Mutricy insiste par ailleurs sur le respect de la promesse employeur. « Le moindre écart et c’est la catastrophe », prévient-il. Avec les réseaux sociaux, la diffusion de l’information est instantanée. Pour Elsa Groschaus, répondre aux candidats, bien les accueillir, est de l’ordre du b.a.-ba.

Enfin, les bons outils font les bons ouvriers (CRM, ATS, etc.). Le CRM (Customer Relationship Management) permet de gérer la relation candidat avant que ce dernier postule. L’ATS (Applicant Tracking System) sert au contraire au recrutement une fois la candidature reçue. Pour les plus pressés, comme Luc Pallavidino, il est de plus possible de faire appel à des chasseurs de tête. « Ça nous a bien soulagés », relève-t-il. Le jeune CEO a également mis en place « très vite » la cooptation rémunérée (les employés recommandent des candidats via leur propre carnet d’adresses contre rémunération). Une manière, là encore, d’impliquer les salariés. Win-win.

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« Mettre en valeur son territoire »

Malgré tout, le fondateur de Yousign, basé à Caen, raconte qu’il est difficile d’enrôler les meilleurs. Si la concurrence des start-up n’est pas encore à l’ordre du jour de ce côté-ci de la Normandie, le jeune entrepreneur regrette qu’il n’y ait pas, dans son domaine, « beaucoup de candidats qualifiés et intéressants ». Surtout en ce qui concerne les développeurs. « Les meilleurs sont recrutés [en télétravail] par des grandes boites parisiennes avec des salaires parisiens », déplore-t-il. En pareil cas, Philippe Mutricy, cofondateur de Bpifrance Le Lab, conseille de jouer sur le cadre de vie, « mettre en valeur son territoire ». Comprendre : ne pas hésiter à mettre en avant, dans sa promesse employeur, le ski à Bourg-en-Bresse ou la mer à Quimper, etc.

À retenir, un nouveau dispositif lancé le 22 novembre dernier vise à inciter les étudiants à s’orienter vers les PME ou ETI. Il s’agit du VTE ou Volontariat Territorial en Entreprise. Le VTE, c’est un contrat en alternance de longue durée ou un contrat post-diplômé d’un an minimum proposé par des TPE/PME pour des étudiants de bac + 2 à bac + 5 issus de grandes écoles (ENSAM, IMT, HESAM Université, etc.). Pour déposer des offres de VTE, il suffit de créer un compte VTE France. De quoi facilement organiser sa rencontre du troisième type.

Matthieu Barry

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