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Le licenciement non motivé n'est pas synonyme de licenciement sans motif

Parmi les cinq ordonnances réformant le code du travail, l’une semble tricotée sur-mesure pour les petites entreprises, peu habituées à la motivation d’un licenciement. Ainsi, le litige ne sera plus fixé par la lettre de licenciement. Mais l’employeur doit demeurer vigilant en ce qui concerne « les précisions » susceptibles d’être demandées par le salarié lors d’un contentieux.

Le licenciement non motivé n'est pas synonyme de licenciement sans motif

Les ordonnances de la loi Travail seront soumises à un vote solennel de l’Assemblée nationale le 28 novembre. En attendant, l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 assouplit les conditions du licenciement et notamment l’obligation de motivation de ce dernier. « Depuis très longtemps, il était admis par la jurisprudence que « la lettre de licenciement fixe les limites du litige », ce qui signifie qu’une fois le licenciement notifié, l’employeur ne pouvait plus rien changer », rappelle   Patrick Berjaud, associé du département droit social du cabinet KGA Avocats.  « Si le licenciement était insuffisamment ou pas motivé, il entraînait inéluctablement un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». L’automaticité de la peine encourue ne posait pas de problème aux grands groupes qui travaillent avec des cabinets spécialisés en droit social. En revanche, de nombreux employeurs de petites et moyennes entreprises découvraient, lors d’un procès au conseil des prud’hommes, combien un oubli, une omission ou une mauvaise rédaction, de bonne ou de mauvaise foi, pouvaient coûter. Avec pour conséquence, des dommages et intérêts qui sont passés « en moyenne de 25 000 à 30 000 euros lors des dix dernières années en France, avec des jugements homogènes en première instance sur tout le territoire, contrairement à ce que l’on dit parfois », indiquait le bâtonnier de Paris, Frédéric Sicard, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale le 27 octobre dernier.

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Les nouvelles modalités du licenciement : un vrai « cadeau » pour les employeurs ?

Dans les différents projets qui ont abouti à l’ordonnance actuelle, il a été question pour l’employeur d’avoir la possibilité de modifier, après le licenciement, le motif de celui-ci. Ce « droit à l’erreur », cher au président de la République, devait permettre à l’employeur d’aller jusqu’à la rectification du motif. Le gouvernement a-t-il estimé que le fossé était trop important avec la jurisprudence actuelle qui consacre encore la lettre de licenciement comme l’alpha et l’oméga du litige ? La version finalement adoptée permettra à l’employeur de justifier et d’apporter des précisions lors du contentieux éventuel. Certes, le licenciement devrait être facilité par l’envoi d’un document « Cerfa » qui pourrait reléguer à tout jamais aux oubliettes la jurisprudence actuelle avec la fameuse lettre de licenciement. Mais les décrets ne sont toujours pas parus sur cet aspect. Il est probable, en cas de contentieux, que l’employeur soit obligé de donner des précisions. Si elles sont trop éloignées de la réalité, une irrégularité de fond pourrait être soulevée et, comme aujourd’hui, « le salarié pourrait obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse », analyse maître Patrick Berjaud. « Je conseillerais aux employeurs de préciser, dès l’envoi de la lettre de licenciement au salarié, que celui-ci peut solliciter des précisions sur le motif de la rupture ». Quant aux PME et TPE, pour éviter d’être condamnées au nom de la simplification, il leur faut conserver en mémoire une règle que les ordonnances n’ont pas abolie : tout licenciement doit avoir un motif, qui doit pouvoir être démontré devant un juge, même s’il n’a plus l’obligation d’être rédigé.

Claire Padych

 

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