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Cotation de la Banque de France : comment ça marche ?

La Banque de France effectue chaque année une cotation sur 300 000 entreprises françaises pour évaluer leur solidité financière et leur risque de défaut de paiement. À quoi sert-elle ? Quels indicateurs sont pris en compte ? Est-elle rendue publique ? Réponses de la Banque de France apportées aux journalistes de l’AJPME (Association des journalistes des PME) lors d’un atelier du 25 mai.

Cotation de la Banque de France : comment ça marche ?
Concrètement, cette cotation se fait pour les entreprises qui réalisent un CA HT supérieur ou égal à 750 000 €. © Getty Images

Depuis le 8 janvier 2022, la Banque de France a fait évoluer son échelle de cotation. Une exigence de la Banque Centrale européenne afin d’harmoniser les standards français et européens d’appréciation du risque des crédits accordés par les banques aux entreprises. Résultat, les niveaux d’appréciation sont passés de 13 à 22 (de 1+ pour les entreprises jugées « excellentes » à P pour celles jugées « défaillantes »).

Soit une granularité « plus fine » dans l’appréciation de la situation de l’entreprise, qui repose sur quatre thèmes d’analyse financière : activité et capacité bénéficiaire, autonomie financière, solvabilité et liquidité et sur un double, voire un triple regard : « Nos cotations sont vues par deux, voire trois personnes, dont des experts financiers qui évaluent les actifs et les risques des entreprises et prennent en compte les particularités de leur secteur d’activité », explique Emilie Quema, directrice des entreprises de la Banque de France. Concrètement, cette cotation se fait pour les entreprises qui réalisent un CA HT supérieur ou égal à 750 000 €. En 2022, 64 % d’entre elles étaient éligibles, avec une cote de crédit comprise entre 1 + et 4 +, attestant de leur très forte capacité à honorer leurs engagements financiers.

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Cotation à caractère privé ou presque

Cette cotation, qu’Emilie Quema décrit comme une « évaluation du risque de crédit, soit une appréciation portée sur la capacité d’une entreprise française à honorer ses engagements financiers à un horizon d’un à trois ans », ne s’assimile pas pour autant à la cotation d’une agence de notation comme les autres. Si les méthodologies et la vocation sont communes, la cotation de la Banque de France « n’est pas publique, rappelle-t-elle. Elle est gratuite et communiquée seulement à l’entreprise » et à une poignée d’acteurs comme les banques, les assureurs-crédit, les plateformes de crowdfunding, certaines administrations et conseils régionaux, dans le cadre de l’octroi d’aides.

« Tout dirigeant peut demander un entretien pour comprendre sa cotation »

La cotation facilite en cela le dialogue prêteur-entreprise. « Les banques peuvent s’appuyer sur la cotation Banque de France parmi d’autres indicateurs-clés. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’une entreprise bien notée aura un crédit, et inversement », avertit Emilie Quema. Pour les dirigeants, c’est d’abord « un regard extérieur venant d’une institution indépendante », « une référence dans la relation avec les établissements de crédit et les autres prêteurs » et « une aide pour identifier les facteurs influant sur une analyse externe de la situation financière de son entreprise, notamment par rapport à un risque de crédit », liste la directrice des entreprises.

Notons que « tout dirigeant peut demander un entretien pour comprendre sa cotation, précise-t-elle. Nous menons ainsi milliers d’entretiens par an à la demande des entreprises ».

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Batterie d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs

Mais pour Emilie Quema, la Banque de France dispose d’une « batterie d’indicateurs très large pour avoir une appréciation aussi fiable que possible ». Elle utilise ainsi les données comptables et extra-comptables de l’entreprise (liasses fiscales 2033 et 2050, bilans consolidés, liens financiers, etc.). « Le cas échéant on aura également des informations venant des greffes du tribunal de commerce notifiant les événements judiciaires ou autres événements concernant l’entreprise, et des informations provenant des établissements de crédit qui nous alimentent tous les mois sur les crédits mobilisés et mobilisables, les engagements de garantie accordés et les éventuels incidents de paiement sur effets de commerce », liste Vanessa Doucinet, adjointe au chef de service de méthodologie d’analyse des entreprises de la Banque de France.

« Cela nous permet d’avoir chaque mois une photo de la situation des en-cours de crédit de l’entreprise »

« Cela nous permet d’avoir chaque mois une photo de la situation des en-cours de crédit de l’entreprise », ajoute Emilie Quema. Outre des informations détaillées sur l’identité de l’entreprise provenant de l’Insee –secteur d’activité, catégorie juridique, situation géographique…–, la Banque de France prend également en compte certaines données qualitatives telles que l’évolution du marché sur lequel opère l’entreprise, son positionnement, la solidité de son actionnariat, la stratégie de l’équipe dirigeante, la RSE, ses perspectives à moyen terme, la transparence de la communication ou ses comportements de paiement.

De l’importance des délais de paiement

« Il y a un vrai impact de l’ensemble de ces données qualitatives sur la cotation », prévient Vanessa Doucinet. La Banque de France collecte ces données qualitatives via des contacts directs avec les dirigeants. Elle mène ainsi chaque année plus de 40 000 entretiens de cotation et récupère depuis la crise covid 20 000 questionnaires par an qu’elle envoie aux entreprises. Si ces entretiens menés par son millier d’analystes sur le terrain ne sont pas obligatoires, « c’est dans l’intérêt des dirigeants d’accepter une demande de la Banque de France, prévient Vanessa Doucinet, sinon nous allons coter en fonction des seuls éléments en notre possession. En cas de doute, nous envisagerons la solution la plus prudente en termes de risque de crédit ».

Objectif ? « Connaître et comprendre l’entreprise, connaître son histoire et les faits qui ont marqué ces dernières années, comprendre son marché et sa concurrence, sa stratégie prix, produit, ses relations avec ses clients et ses fournisseurs, ses délais de règlement, sa gouvernance, son organisation, ses relations financières, ses perspectives de CA, de marge, son endettement, ses investissements et sa RSE », détaille Vanessa Doucinet.

« 16 Md€ de trésorerie étaient indument captés par les grandes entreprises qui paient au-delà du délai légal sur les bilans à fin 2021 »

« Depuis 2022 on tient compte davantage des délais de paiement eu égard à la loi sur les délais de paiement. On a procédé à des premières dégradations – 10 % de notre cible, soit 250 entreprises –, commente Emilie Quema. L’idée étant qu’une entreprise ayant suffisamment de trésorerie et ayant la solidité financière pour régler ses fournisseurs dans les délais et qui ne le fait pas s’est vue dégrader d’un cran la cotation que l’on avait préalablement envisagée ».

Selon la Banque de France, 16 Md€ de trésorerie étaient ainsi indument captés par les grandes entreprises qui paient au-delà du délai légal sur les bilans à fin 2021. « La Banque de France a son rôle à jouer pour que cette trésorerie ne soit pas bloquée et que cela ne pénalise pas les PME qui restent les bons élèves en la matière avec deux tiers d’entre elles qui paient dans les temps », conclut Emilie Quema.

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Charlotte de Saintignon

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