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Des inégalités au travail davantage marquées pour les personnes immigrées et leurs descendants

Les immigrés pâtissent d’une situation sociale plus défavorisée que la population sans ascendance migratoire, selon une série d’études publiées par l’Insee le 30 mars. L'institut de statistiques a passé au crible le type d’emploi occupé par ces salariés, leur temps de travail, leur rémunération ainsi que leurs perspectives de carrière.

Des inégalités au travail davantage marquées pour les personnes immigrées et leurs descendants
Les immigrés sont plus souvent en CDD ou en intérim que le reste de la population. © Getty Images

Davantage de CDD, d’emplois peu qualifiés, des rémunérations plus faibles et des conditions de travail plus difficiles… C’est en résumé le constat dressé par l’Insee qui a publié, le 30 mars, une série d’enquêtes intitulée « Immigrés et descendants d’immigrés ». Dans ce portrait social, l’Institut de la statistique et des études économiques constate que les discriminations au travail vis-à-vis de cette population persistent en France.

Premier enseignement : leurs trajectoires se distinguent de celles de la population générale. Ils sont désavantagés dès leur entrée dans le monde du travail. Alors qu’en 2021, 7 % des personnes ni immigrées ni descendants d’immigrés sont au chômage, c’est le cas de 13 % des immigrés. Lorsqu’ils sont originaires du Maghreb, ils sont davantage touchés par le chômage que les actifs venus de l’Europe du sud (16 %, contre 6 %).

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Plus de CDD et d’intérim

Lorsqu’ils ont un emploi, les disparités se poursuivent. Les immigrés sont plus souvent en CDD ou en intérim que le reste de la population. Par ailleurs, ils occupent davantage d’emplois moins qualifiés. Ainsi, 39 % des immigrés sont ouvriers (contre 29 % des hommes ni immigrés, ni descendants d’immigrés). À l’inverse, seuls 35 % d’entre eux sont cadres ou exercent une profession intermédiaire, contre 48 % des hommes sans ascendance migratoire.

Par secteurs d’activité, ils sont surreprésentés dans les métiers d’aide à domicile, de l’aide sociale (pour les femmes) ; dans la construction, l’hébergement-restauration ou dans les services aux entreprises (pour les hommes).

« Sous-emploi »

Autre enseignement : ils sont plus exposés au temps partiel, faute d’avoir pu trouver un temps complet. Autrement dit, ils sont plus souvent en « sous-emploi ». Ainsi, en 2021, 34 % des femmes salariées immigrées travaillent à temps partiel, contre 27 % des femmes sans ascendance migratoire directe.

Toutefois, pour les femmes, ce recours au temps partiel s’amoindrit lorsqu’elles deviennent cadres : 12 % d’entre elles sont à temps partiel, contre 15 % des autres cadres. Les hommes sont également concernés mais dans une moindre mesure (9 %). Mais ils restent plus nombreux à travailler partiellement que les hommes sans ascendance migratoire directe : 9 % pour les premiers, contre 7 % pour les seconds.

11 % d’écart sur les rémunérations

Côté rémunération, là encore les écarts de salaire sont importants. En 2021, le salaire net mensuel médian des immigrés âgés de 15 à 74 ans travaillant à temps complet s’élève à 1 700 €, soit 11 % de moins que celui des personnes sans ascendance migratoire. Des disparités existent aussi entre immigrés. Si les salariés d’origine africaine perçoivent environ 1 600 €, ceux venus de l’Est peuvent prétendre à 1 900 €. Pour expliquer ces écarts, l’Insee identifie plusieurs facteurs. À commencer par la qualification et le secteur d’activité des emplois occupés.

Or, difficile de gagner plus. Car les promotions sont en demi-teinte. Ils sont moins nombreux à déclarer avoir eu une promotion au cours de ces cinq dernières années (22 %) que le reste de la population (29 %). Cela se traduit par un sentiment de « déclassement », exacerbé par le fait qu’ils considèrent occuper un emploi en deçà de leurs compétences. Une situation plus marquée pour les immigrés originaire de Chine ou d’Afrique hors Maghreb que de l’Union européenne.

À noter, le sentiment de déclassement est mécaniquement plus élevé pour les personnes les plus diplômées : plus d’un immigré diplômé d’un bac+1 ou bac+2 sur trois occupe ou occupait un emploi en deçà de ses compétences contre une personne ni immigrée sur quatre détenant le même diplôme.

Mobilité sociale

L’Insee s’est aussi penchée sur les trajectoires des descendants d’immigrés qui représente 11,2 % de la population en France. La mobilité sociale fonctionne-t-elle ?

Côté diplômes, les niveaux sont très proches du reste de la population. Ainsi, 38 % des descendants d’immigrés âgés de 30 à 64 ans possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur, ce qui est le cas de 41 % de la population sans ascendance migratoire.

Par ailleurs, 31 % des descendants d’immigrés sont ouvriers, contre 39 % des immigrés. A contrario, 45 % des descendants d’immigrés sont cadres (35 % des immigrés). Côté rémunération, ils gagnent un peu plus : en moyenne 1 810 €, contre 1 700 € pour leurs parents.

Discrimination à l’embauche

Reste que leur taux de chômage est élevé (12 %, contre 13% pour leurs parents et 7 % pour les personnes sans ascendance migratoire directe). Les discriminations à l’embauche restent vives, notamment pour les candidats d’origine maghrébine.

À niveaux de compétences comparables, ces derniers ont, en effet, 31,5 % de chances de moins d’être contactées par les recruteurs que les personnes portant un prénom et nom d’origine française, tant pour les candidatures féminines que masculines, et ce dans tous les secteurs d’activité, rappelle l’Insee en se référant à l’enquête de la Dares réalisée en 2021 via une vaste opération de testing.

Laquelle consistait à envoyer de nombreuses candidatures fictives en réponse à des offres d’emploi réelles dans onze métiers différents afin d’évaluer quelles candidatures faisaient l’objet d’un appel par les employeurs…

Une immigration plus diversifiée

Avec 7 millions d’immigrés (soit 10,3 % de la population totale), la France se situe dans la moyenne européenne.

À noter, depuis les années 2 000, les origines se diversifient : les flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne et d’Asie progresse, tandis que l’immigration intra-européenne est facilitée par la libre circulation.

En 2021, 48 % des immigrés sont originaires d’Afrique et parmi eux 62 % viennent du Maghreb, une proportion stable depuis les années 1980. Un tiers des immigrés viennent d’Europe, avec des origines de plus en plus variées, en particulier hors Union européenne.

Enfin, 14 % des immigrés sont originaires d’Asie. La migration en provenance de Chine, ainsi que des pays du Moyen-Orient, s’est accrue au cours des dix dernières années.

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Anne Bariet

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