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Incendie de Notre-Dame : ne clouons pas les PME au pilori

Qui est responsable de l’incendie de Notre-Dame ? La question hante les esprits. Les TPE-PME participant à la rénovation seront-elles clouées au pilori de la responsabilité ? Depuis que la stupeur laisse place à la réflexion, les premières constatations semblent indiquer que les ouvriers auraient respecté les règles de sécurité. Mais ces règles sont-elles suffisantes ?

Incendie de Notre-Dame : ne clouons pas les PME au pilori
Les incendies dans les monuments historiques en travaux se multiplient mais nul ne semble en tirer les leçons (© Bertrand GUAY / AFP)

Une semaine après le drame, les pompiers spécialisés et les enquêteurs transmettent leurs premiers résultats sur l’incendie de Notre-Dame. Mais la voix d’un historien d’art et journaliste qui a enquêté sur les chantiers patrimoniaux s’élève pour pointer la responsabilité d’une législation largement insuffisante au regard des multiples départs de feu dans des monuments en travaux ces dernières années. Un constat qui contribuerait à exonérer au moins en partie les petites entreprises de leur responsabilité.

Notre-Dame : la responsabilité des PME de travaux en question

Depuis plusieurs jours, on a pu voir sur les écrans le patron de la PME lorraine d’échafaudage, traumatisé par cette affaire, affirmer que ses ouvriers n’étaient plus dans la cathédrale au moment où le feu s’est déclaré. Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour destruction involontaire par incendie. Un chef d’accusation puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par le code pénal.

Les enquêteurs de la brigade criminelle cherchent à déterminer tout d’abord l’origine du départ de feu. Les ascenseurs du chantier qui mènent au toit sont scrupuleusement examinés.  Il faudra également retracer les dernières manipulations qui ont eu lieu avant le drame sous les toits de Notre Dame : soudures, branchements, etc.

Si la responsabilité d’une TPE-PME de travaux venait à être mise au jour, l’entreprise pourrait bien ne jamais se remettre de ce supplice. L’image des petites entreprises du secteur du bâtiment et de la rénovation en sortirait sérieusement écornée, et pour longtemps, alors qu’un marché considérable va s’ouvrir pour la reconstruction de la cathédrale. Pour l’heure, une voix s’élève pour relever que des incendies sur les chantiers de rénovation se sont déjà produits (la basilique Saint-Donatien de Nantes par exemple) et qu’aucune leçon n’en a été tirée. La législation n’imposerait que très peu de règles de sécurité.

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Notre-Dame : une voix pour demander une réforme législative

Didier Rykner suit depuis plusieurs années les chantiers de rénovation patrimoniaux. Il expliquait ces derniers jours que ses multiples alertes sur les départs de feu et les risques encourus par les monuments lors des chantiers de rénovation n’ont jamais été entendus. L’historien de l’art et journaliste (que nous avons contacté) nous a apporté de nombreuses précisions sur l’insuffisance de la législation en vigueur. En effet, les textes protègent tantôt le public, tantôt les ouvriers (ce qui est en effet souhaitable), mais très peu le monument lui-même. De l’installation des détecteurs de fumée à la pose des alarmes incendie, jusqu’aux rondes des gardiens de nuit, très peu de choses sont imposées par la loi ! Ces mesures sont le plus souvent exigées par les compagnies d’assurance sur les plus gros contrats.

De même, toujours selon Didier Rykner, qui tient à ce sujet un site très bien renseigné, La Tribune de l’Art, la législation ne prescrit pas l’intervention d’entreprises spécialisées dans les monuments historiques. Il a ainsi vu une entreprise non spécialisée comme Bouygues  intervenir dans la rénovation de l’hôtel Lambert à Paris (hôtel qui a lui aussi pris feu après le début de travaux de rénovation). Il en va de même du stockage des liquides inflammables : aucun texte n’impose aux entreprises de travaux de les stocker à part, dans un local isolé. La législation n’est pas plus contraignante que pour un bâtiment classique.

Didier Rykner pointe un autre élément très inquiétant : aucune règle ne régit le nombre de corps de métiers qui travaillent simultanément sur un chantier de monument historique. Or, trop d’interventions en même temps créent un risque de non-respect des ouvrages en place et des procédures. Une information qui fait froid dans le dos alors que les dons pour reconstruire Notre-Dame approchent du milliard d’euros.

Il est donc souhaitable que les TPE-PME ne portent pas seules le fardeau de la responsabilité dans l’incendie de Notre-Dame et dans la reconstruction à venir. En matière de travaux sur les monuments historiques comme ailleurs, que chacun porte sa croix…

Marie-Aude Grimont

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