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[Interview] Ange-Pierre Poilane : « Les TPE/PME ne doivent pas repartir à fond les ballons sans se poser la moindre question »

Ange-Pierre Poilane, expert dans la stratégie commerciale et le sauvetage d’entreprise, exhorte les TPE/PME à prendre le temps du recul cet été pour soigner le redémarrage de leur activité et se prémunir du pire. Interview.

[Interview] Ange-Pierre Poilane : « Les TPE/PME ne doivent pas repartir à fond les ballons sans se poser la moindre question »
« La grande problématique de la TPE/PME est de se fixer sur l’immédiateté et absolument pas sur son avenir à moyen et long terme », estime Ange-Pierre Poilane, expert en sauvetage d'entreprise.

« Plus tu pédales moins fort, moins t’avances plus vite ». Notre consultant, notamment accrédité par la CCI Pays de la Loire, Ange-Pierre Poilane, nous a déroulé, pendant plus d’une heure le 29 juin, anecdotes et histoires vraies pour aider les TPE/PME à mener leur barque cet été, à ne pas délaisser le b.a.-ba de côté, en cette période d’ « accalmie » covidienne. Le spécialiste dans le développement commercial et la prise en charge des TPE/PME en difficulté a insisté sur les fondamentaux (orientation stratégique, organisation commerciale, gestion des clients, devis et relance, positionnement prix, etc.). Un rappel des règles de base nécessaire selon lui aujourd’hui.

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Avez-vous été plus sollicité depuis la crise du Covid-19 ?

Ange-Pierre Poilane, consultant fondateur du cabinet Affaires & Missions : Oui mais dans le cadre de mon activité de sauvetage, en tant qu’expert accrédité par les chambres consulaires, j’ai bizarrement eu peu de sociétés en grande difficulté, notamment parce qu’elles ont su profité des aides publiques, en les utilisant ou en les mettant de côté. Certaines d’entre elles ont également vécu sur leur trésorerie. Juste avant le Covid-19, on avait un redémarrage économique qui avait permis d’en emmagasiner. Il va d’ailleurs se passer la même chose en sortie de crise :  il ne faut absolument pas repartir à fond les ballons sans se poser la moindre question sur le devenir de son entreprise !

Trouver le temps de la réflexion en pleine période de reprise…

A.-P. Poilane : C’est impératif. La grande problématique de la TPE/PME est de se fixer sur l’immédiateté et absolument pas sur son avenir à moyen et long terme. Elle produit tout ce qu’elle peut produire et advienne que pourra. Mais jusqu’à quand ? C’est variable selon les métiers mais dans le bâtiment, par exemple, la fin de l’engouement pourrait avoir lieu, selon moi, dans moins de 2 ans. Les indices économiques semblent le démontrer, les investissements, la capacité de financement, le surenchérissement de la vie, la façon dont les taux de crédit ré-augmentent… Moi, je considère aujourd’hui que le présent, c’est le passé.

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… pour se prémunir du pire ?

A.-P. Poilane : On voit bien que le PGE et les aides publiques vont finir par se tarir et que les problèmes vont arriver. La reprise et la récupération des retards accumulés auront une fin. On ne va pas réinventer deux fois les mêmes besoins pour les clients. L’entrepreneur doit dès maintenant s’interroger : « Est-ce que j’ai suffisamment anticipé ? Est-ce que j’ai considéré mes clients ? Qu’est-ce que j’ai fait pour demain et après-demain ? Comment ? ». La TPE/PME « post-Covid » doit aujourd’hui se poser la question de sa croissance (y compris par l’externe), de comment elle peut grossir (en rachetant un concurrent, en élargissant son offre, en s’ouvrant à une clientèle plus large, etc.).

Car il ne faut pas se mentir, cela va devenir David contre Goliath. Les grandes sociétés vont grignoter tout ce qu’elles pourront pour sortir de la crise, y compris dans un pré carré qui n’était pas le leur. Si la TPE/PME ne se pose pas la question, à moins d’être seule sur un marché unique, elle est à risque. Toute société a besoin aujourd’hui de faire de la marge. Même l’administration fiscale aujourd’hui a besoin de faire de l’argent !

« Un consultant vous emprunte votre montre pour vous donner l’heure »

« Un consultant vous pique votre montre et vous vend l’heure »TPE/PME A.-P. Poilane : Un consultant, c’est quelqu’un qui vous emprunte votre montre pour vous donner l’heure. C’est vrai car je n’invente rien. J’invente seulement des méthodologies pour sortir d’une situation de crise ou franchir une étape (lancement de produit, organisation commerciale, etc.). J’invente des méthodes pour trouver les clefs de compréhension de la situation.

Une entreprise vient me voir en me disant : « J’ai mal à mon CA, j’ai mal à ma marge, j’ai mal à mon organisation, j’ai mal quelque part » ou « j’ai besoin d’arriver de passer d’une situation A à une situation B ». Souvent, elle identifie le problème mais ne sais pas comment s’en sortir. C’est là que j’interviens.

Je propose du « comment » depuis 19 ans : une expertise en stratégie commerciale et un accompagnement complet basé sur des diagnostics, des plans d’action et des outils de contrôle et de pilotage qui permettent de valider la direction prise par le dirigeant et le choix des acteurs. Pour une TPE, un diagnostic offre/organisation/orientation stratégique peut durer entre 2 et 4 demi-journées.

Comment les entreprises en difficulté peuvent-elles vous contacter ?

A.-P. Poilane : Soit l’on me trouve directement sur internet via mon site, soit je suis contacté par les chambres consulaires (CCI). Les CCI forment les TPE/PME, apportent des aides financières et identifient en amont les problématiques car elles connaissent très bien leur territoire. Avec mon accompagnement, iI y a une prise en tenaille tout à fait intéressante.

On m’atteint également via les réseaux d’entrepreneurs et le bouche à oreille. Mes clients m’amènent énormément de clients. Je conseille vivement les entrepreneurs à se mettre en réseau pour ne pas être seul. Aujourd’hui, il existe pléthore de réseaux d’entrepreneurs et de structures locales.

Attention toutefois, il faut que l’entrepreneur reste prudent lorsqu’il demande des conseils dans son réseau, car apporter des conseils sans prise en compte d’une globalité et sans apporter des méthodologies adaptées peut être dangereux. J’ai vu des sociétés aller au tapis à cause de ça. Le diagnostic de l’un n’est pas le diagnostic de l’autre ! Là où l’entrepreneur doit entrer en communication avec d’autres, c’est sur les résultats. Sont-ils probants ? Le consultant a-t-il fait son job ?

Lire aussi [Dossier Covid-19] Réaliser un diagnostic commercial (forces, faiblesses)

L’absence de stratégie est un problème que vous rencontrez souvent ?

A.-P. Poilane : Il s’agit de la première question de mon diagnostic : « Pouvez-vous m’expliquer en moins de 200 mots votre stratégie générale et comment vous la déclinez en stratégie commerciale ? ». Bizarrement, j’ai souvent des silences sur cette question. Elle refroidit dès le début, ils me disent : « Aïe, ça y est ça commence ! ». Pourtant, il y a des questions simples à se poser pour définir sa stratégie. Comme celle de l’offre et de la demande. Est-ce que l’offre est supérieure à la demande, est-ce que la demande est supérieure à l’offre ?

Aujourd’hui, dans le monde du bâtiment, si je veux faire construire mon garage, j’ai 6-8 mois de délais. J’ai une offre inférieure à la demande. Ce n’est pas pour autant, qu’en tant que maçon, je vais me mettre la tête dans le sable en me disant : « Tout va bien » ! Au contraire, tout ne va pas bien. Si l’offre est inférieure à la demande, les données vont inévitablement s’inverser un jour ou l’autre.

D’une manière générale, sans réflexion stratégique avant de se mettre en chantier, on risque de creuser sa tombe. J’ai récemment eu une entreprise cliente qui lançait un nouveau produit. Le dirigeant me dit : « C’est super, je le vends. ». Je lui dis : « Combien tu gagnes ? ». « Ça peut paraître incongru mais je n’y avais pas pensé », me répond-il. « Très bien, comment as-tu constitué ton prix de vente ? ». « Ce n’est pas très difficile, j’ai pris en compte le prix de la matière première, la rapidité à laquelle ma salariée peut le faire et la petite marge que je compte mettre de côté pour moi ».

Cette façon de faire est une vue de l’esprit. Il ne faut pas vendre quelque chose par rapport à ce que ça nous rapporte, ou à ce que ça nous coûte, sans tenir compte du marché et des attentes du client ! Rien qu’une simple étude de marché, concurrentielle, comme regarder sur Amazon, Ebay, sur Internet ou au magasin du coin, prouvait que des produits concurrentiels 30 % moins cher étaient sur le marché. Son positionnement prix n’était pas bon. Or, si les fondamentaux sont défectueux, si l’entreprise n’utilise pas le moindre outil de contrôle qui permet de vérifier sa rentabilité et son marché, elle creuse sa tombe. Ce sont des règles de gestion élémentaires. S’il y a un défaut d’analyse au début, une incapacité de savoir si le produit peut se vendre et à quel prix, inévitablement à un moment ou à un autre, l’entreprise peut aller au tapis. Et avant qu’elle s’en rende compte, il peut se passer des mois et des mois.

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Comment analysez-vous l’impact de la crise sur vos TPE/PME clientes ?

A.-P. Poilane : Il y a bien sûr des sociétés qui ont été gravement impactées. Mais de grâce, essayons de voir ce que cette crise apporte. Ne voyons pas que le côté négatif. Le Covid-19 a permis d’installer un formidable réservoir de créativité dans pleins de domaines. Un formidable réservoir pour ceux qui ont la capacité de faire autre chose que l’autruche.

Un exemple concret. Le gérant d’un hôtel restaurant m’a contacté lors de la première vague, en mars 2020, me disant « j’ai mal à mon restaurant ». Je l’appelle et lui pose la question de sa communication : Es-tu visible sur Facebook ? Non. Il y a combien d’entreprises autour de chez toi ? Je ne sais pas. Comment s’organisent les entreprises autour de chez toi pour les repas des salariés et les repas d’affaires durant cette période ? Je ne sais pas.

Un mois plus tard, nous avons commencé à livrer les sociétés locales en repas avec la camionnette de l’entreprise. En avril 2020, avant le click and collect généralisé, nous avons affiché tous les jours le menu sur Facebook et avons envoyé le menu par mail aux entreprises aux alentours. Les salariés qui s’occupaient des chambres ont été préposées au téléphone pour la prise de commande. Aujourd’hui, ce restaurant a deux activités. Son activité classique d’hôtel-restaurant et la livraison. Une avancée fabuleuse que cet entrepreneur souhaite faire perdurer.

Pour s’en sortir, j’invites les dirigeants TPE/PME à se poser la question : « Si jamais j’avais une baguette magique, qu’est-ce que je ferais pour mon activité ? ». Qu’est-ce que vous avez fait durant cette période d’inactivité ? Qu’est-ce que vous avez fait de votre fichier client ? Quelles relations avez-vous eues avec les clients ? Où en êtes-vous au niveau de la détection de leurs besoins ? Dans votre communication ? Dans vos outils de pilotage ? Dans vos règles de gestion ? Dans votre offre ? Comment a évolué votre concurrence ?

En tant que salle de sport, avez-vous au moins repeint le mur de la salle de musculation ou mis un peu de graisse sur le tapis de course ? La plupart du temps, jamais ! Qu’est-ce que vous avez fait pour garder le lien avec vos clients ? Si j’ai des clients, je dois les aimer, les considérer et maintenir un lien. Quelle que soit la situation économique de l’entreprise, il faut garder un lien fort avec ses clients. Ils doivent faire partie de la vie et la culture de l’entreprise.

Lire aussi [Dossier Covid-19] Lancer le redémarrage

Les clients doivent faire partie de la vie et la culture de l’entreprise.

Notre consultant insiste sur l’importance pour les TPE/PME aujourd’hui de rester proches de leurs clients, de les considérer. Selon lui, 68 % des clients se détournent des entreprises parce qu’ils ne se sentent pas considérés. © Adobe Stock

La gestion client semble être également un problème récurrent…

A.-P. Poilane : Les dirigeants TPE/PME sont aujourd’hui à juste titre dans le jus pour essayer d’être sur tous les fronts et n’ont qu’une seule idée en tête, légitime, celle de produire du chiffre pour ne pas s’écrouler. Mais ils ne tiennent plus toujours compte ainsi des règles fondamentales de gestion, parce qu’ils ne les voient plus. Prenons l’exemple du devis. Il est complétement inconcevable pour un client de recevoir des devis 3 mois après le premier contact. La règle d’hygiène de vie entrepreneuriale minimum : 1 devis maximum à J+5, J+7 après contact. Il y a des cycles de vie différents selon la technicité exigée, certes, mais au moins définir un temps maximum et s’engager sur ce premier délai.

Ensuite, prévoir dès l’envoi du devis, la date de relance. Deux possibilités ici : soit je me le note sur mon calendrier Outlook « relancer madame Dupont tel jour » (si je n’ai pas d’autres outils type CRM ou autres), soit je m’y astreins vraiment en m’engageant le jour de devis devant le client. En lui disant par exemple : « Monsieur, je vous rappellerai tel jour et nous commenterons ensemble le devis ». Comme je me suis engagé, je suis face à ma propre responsabilité donc je dois le faire. La première des règles : a minima envoyer une proposition et la relancer. Et être joignable, visible.

68 % des clients quittent les entreprises parce qu’ils ne se sentent pas considérés. Moi-même j’ai quitté ma banque au bout de 42 ans parce que le énième conseiller clientèle que l’on m’a attribué me considérait comme un numéro. En fait, je n’étais même pas un numéro mais une vache à traire. Mais en réalité, je veux bien qu’on me traie un peu, à condition que je sois considéré ! Mon dernier conseiller de clientèle ne cherchait pas à savoir qui j’étais, mais ce que je devais lui rapporter. Considérer les clients, c’est fondamental.

Un velux de « spécialiste »

Un velux de « spécialiste » TPE/PMEA.-P. Poilane : J’ai personnellement eu besoin de me faire poser un velux dans ma cuisine. Trois TPE/PME arrivent pour me faire un devis. Le premier « spécialiste » ne monte même pas dans le grenier pour voir s’il y a des poutres ou des bois d’allumettes dans ma charpente, s’il y a de l’électricité, etc. Il me propose tout de suite le top du top avec une cellule photovoltaïque pour ouvrir le velux : 6 000 €. Il ne m’a jamais relancé.

Le deuxième « expert » monte dans le grenier (il y a des fils électriques bien visibles, mais il ne les voit pas ou ne veut pas les voir) et me propose un équipement avec une cellule photoélectrique rechargeable au soleil : 6 500 €.

Je décide ensuite d’aller voir un charpentier près de chez moi que je croise régulièrement dans le quartier. Il accepte de m’aider et monte dans le grenier et me dit : « vous avez une installation électrique, c’est parfait, nous allons pouvoir brancher votre velux au courant » : 2 000 €.

Les deux premiers « experts » ne m’ont jamais passé un coup de fil pour savoir si j’avais envie de travailler avec eux. Le charpentier m’a laissé le lendemain son devis dans ma boite aux lettres. Puis quand je l’ai vu quelques jours plus tard, il m’a salué et m’a demandé si j’étais disponible le mois prochain pour la pose. Il m’a relancé ainsi. Il a fait son boulot de commercial et son boulot d’humain. Si les deux premiers ont aujourd’hui des problèmes, il ne faut pas chercher bien loin. L’entrepreneur doit se poser la question de l’adéquation de son offre avec le client, sa capacité de confiance, celle de communiquer et la capacité des clients à payer.

Visible en termes d’e-notoriété ?

A.-P. Poilane : C’est très bête à dire mais j’ai des petites sociétés qui ne sont absolument pas visibles, ne serait-ce que sur les pages jaunes ou sur internet. La seule chose que je vois sur elle se trouve sur « infogreffe.fr » ou ce type de recensement. Sites sur lesquels je vois souvent leur bilan, pour la plupart négatif, alors même qu’elles ne sont même plus obligées de le publier. Elles veulent ainsi plus de clients et vendre plus cher que les autres pour renflouer leur trésorerie ! Mais où se trouve le capital confiance ?

C’est vraiment une question que les entrepreneurs doivent se poser. Quels sont les fondamentaux qui me permettent de créer mon capital confiance ? Lorsque vous avez achetez votre dernière voiture, votre dernière maison, sur quoi votre décision s’est-elle basée ? Sur le doute ou la confiance ? Sur la confiance. Confiance dans la marque, confiance dans la communication, confiance dans l’expérience, confiance dans vos pairs, confiance dans votre croyance, etc.

Un commentaire tranchant

Un commentaire tranchant TPE/PMEA.-P. Poilane : Je regarde une fois la notoriété Google d’une entreprise cliente, à savoir les petites étoiles à coté de son nom ainsi que les commentaires de ses clients. « Je suis très déçu de l’entreprise. Ce dirigeant est particulièrement fou même si les produits sont bons. Je suis venu lui dire que je n’étais pas content et il m’a dit que si je continuais, il me sortirait à coup de tronçonneuse ». Voici le premier commentaire visible sur son entreprise sur Google. Le dirigeant a beau être paysagiste, ce n’est pas possible ! Je lui dis de faire quelque chose pour ça, il s’en fiche. Puis, il me dit que personne ne veut travailler pour lui et qu’il a du mal à recruter !

Toute entreprise aujourd’hui au coin de la rue peut se faire identifier gratuitement sur Google ainsi que sur la carte de France afin d’avoir une mini e-notoriété. Le « acte 1 » d’un redémarrage est aussi de penser à son e-notoriété. Inscrivez sur Google votre adresse, votre spécialité, et faites attention aux commentaires de vos cibles ! Au besoin, renforcez les bons messages pour amoindrir les mauvais… Le critère de confiance sur internet est incontournable.

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Vous parliez, plus tôt, d’une hygiène de vie entrepreneuriale, de quoi s’agit-il ?

A.-P. Poilane : La vie d’une TPE/PME est une montagne russe, une courbe sinusoïdale. Souvent, les commerciaux en baisse de régime me disent : « Aïe, je vais mal » et leur dirigeant me disent qu’ils ne font plus rien. Dans ces cas-là, ils sont souvent en bas de la courbe parce qu’ils n’ont pas anticipé les actions commerciales qui permettent de produire le business de demain. Le commercial qui est en bas de la courbe avec le moral dans les chaussettes est pris dans un entonnoir : « Par où vais-je sortir de cette souricière ? ». Il sait qu’il a devant lui, un mur à monter de 40 % de dénivelé.

En même temps, il dit que pour remonter cette côte, il doit viser les plus grosses affaires. Hors les grosses affaires sont les plus dures, elles nécessitent de la croyance, du moral, et ce n’est pas lorsqu’on est en bas, dans le ruisseau, le bec dans l’eau, que l’on va y arriver. Donc on se plante. Je dis souvent à mes clients cette galéjade : « Plus tu pédales moins fort, moins t’avances plus vite ». Pour ne pas tomber dans cette grande sinusoïdale délétère, il faut réussir à équilibrer les charges pour maintenir une petite sinusoïdale.

Pour ce faire, il faut agir avec régularité (tant dans les actions de prospection que dans les actions de suivi des clients) et utiliser des outils de pilotage pour identifier les éventuelles alertes. J’accompagne actuellement une société qui ne va pas bien. L’intégrité de ses fondamentaux d’organisation commerciale sont absents : peu de visibilité sur son territoire, aucune ressource pour aller devant les clients, un processus de devis défectueux, aucune relance des devis, aucune visibilité sur les paiements de ses clients… Il s’avère après expertise que plus de 40 % du CA de l’année est dehors et que l’entreprise ne le savait pas. Aucun indicateur n’était utilisé pour avoir une vision précise des fondamentaux de l’entreprise. Cela n’est toujours pas conscientisé par les dirigeants.

Le travail d’un commercial ou d’un dirigeant TPE/PME aujourd’hui est un travail d’hygiène. L’hygiène du commercial ou du dirigeant est de faire chaque jour quelque chose pour son entreprise. Qu’il ait 3 ou 6 mois de boulots devant lui, 2 ou 8 jours, il doit faire chaque jour quelque chose pour son entreprise. Je ne lui demande pas d’établir des objectifs pour faire décoller une fusée, ça ne sert à rien. Simplement se poser régulièrement ces questions : « Est-ce que j’ai le bon produit pour le bon client au bon moment au bon prix ? Est-ce que je sais encore où je conduis mon entreprise ? ».

Les grenouilles à la casserole

A.-P. Poilane : Vous prenez deux grenouilles et deux casseroles. On verse de l’eau bouillante dans l’une et de l’eau tiède dans l’autre, puis l’on met le tout à réchauffer. La grenouille dans la casserole d’eau tiède nage tranquillement tandis que l’eau se réchauffe. « Ah mince, l’eau devient brûlante, il faut que je sorte », dit-elle trop tard. Elle n’a pas le temps de sortir car elle s’est laissée attendrir par la douceur de l’eau. Et elle va cuire.

De l’autre côté, la grenouille jetée dans l’eau bouillante, a en revanche de grande chance de sortir de la casserole car elle se brûle les pattes. Elle a des brûlures mais aura plus de chance d’être vivante car elle ne s’est pas laissée cuire dans le bouillon de la facilité.

L’entreprise est semblable, elle peut se laisser attendrir par les aides et la promesse des jours heureux. Car peu seront les TPE/PME qui seront les premières ou les meilleures. Calculez dès à présent votre capacité à vous faire cuire comme la grenouille et celle de sauter de la casserole, réagissez et anticipez !

Lire aussi [Livre blanc Covid-19] TPE/PME : comment surmonter la crise et assurer la reprise ?

Propos recueillis par Matthieu Barry

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