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Les restaurateurs divisés entre résignation et révolution

Depuis octobre, les restaurateurs sont contraints de fermer leurs établissements. Pour faire entendre son mécontentement, la profession est divisée sur le modèle à suivre. Ceux qui décideraient de rouvrir leurs portes en dépit des restrictions en vigueur pour lutter contre l'épidémie de Covid-19 risquent de se voir appliquer de nouvelles sanctions.

Les restaurateurs divisés entre résignation et révolution
Plusieurs restaurateurs et patrons de discothèques marseillais ont battu le pavé le 26 novembre en arborant une pancarte sur laquelle est inscrit : « Si on reste au rang, la faim est proche » (si les restaurants restent fermés, la fin est proche, ndlr). © CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

« Les Al-Capone de la restauration ». C’est ainsi que Jean Terlon, vice-président de la branche restauration à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), qualifie les restaurateurs qui bravent l’interdit. Pour montrer leur “ras-le-bol”, ils ont décidé, un peu partout en France, malgré les restrictions en vigueur, d’ouvrir les portes de leur établissement.

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Les organisations professionnelles vent debout devant ces agitateurs

Lancé par Stéphane Turillon, restaurateur installé dans le Doubs, le mouvement de protestation aurait finalement été assez peu suivi – il faut dire aussi que la plupart du temps, ces professionnels préfèrent rester discrets – mais trouve un large écho sur les réseaux sociaux. Le principal intéressé s’est finalement incliné le jour J devant la présence des gendarmes et les menaces de sanction de Bercy. En revanche, Katia Boucher, patronne du restaurant la Bohème à Ligescourt, une commune de la Somme, est allée jusqu’au bout et a ouvert son restaurant lundi 1er février en dépit de l’exhortation du gouvernement. Elle a servi 70 plats entre vente à emporter et restauration sur place en respectant les règles sanitaires avec des clients placés en quinconce et des tables espacées de 2m50.

« Je proteste pour avoir le droit de travailler dans mon entreprise, pour la vie et pour la liberté et ne compte pas en rester là. »

L’État, comme les organisations professionnelles, fustigent ces trublions : la restauratrice a reçu à trois reprises la visite des gendarmes pour relever les identités des clients présents en vue de leur verbalisation. « Je suis effaré. À l’heure où le président de la République tente d’éviter un troisième confinement, ce n’est pas le moment de s’amuser à faire ce genre d’opérations, juge Jean Terlon. On ne soutient pas ces initiatives au vu des conséquences dramatiques qu’elles peuvent engendrer. De telles ouvertures dans les conditions sanitaires actuelles s’avère stupide puisque car il n’y aura pas de rentabilité à la clé ».

Mieux vaut donc se résigner, voire faire du click and collect pour ceux qui le souhaitent et continuer à percevoir les aides de l’État dans la mesure du possible. Mais certains restaurateurs, comme Katia Boucher, n’ont reçu aucune aide : « Je dois travailler à l’extérieur pour pouvoir payer les charges fixes de mon restaurant », explique-t-elle. Celle qui n’a donc plus rien à perdre assume ses choix. « Je proteste pour avoir le droit de travailler dans mon entreprise, pour la vie et pour la liberté et ne compte pas en rester là. Je ne veux pas que cela reste une ouverture éphémère », plaide la restauratrice qui a ouvert son établissement en juin 2019 en y investissant toutes ses économies.

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Arrêt du fonds de solidarité et fermetures administratives

Car tous ceux qui décident de braver l’interdit subissent des verbalisations et risquent une fermeture administrative. Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a en outre annoncé au micro de RTL que ces restaurateurs « clandestins » pourraient être privés pendant un mois des aides du fonds de solidarité, cette aide publique de 10 000 € par mois pour les entreprises fermées par l’administration ou de 20 % du chiffre d’affaires 2019, dans la limite de 200 000 € par mois. En cas de récidive, celle-ci pourrait même être supprimée. Le 29 janvier, le Premier ministre Jean Castex a promis que les contrôles seraient encore renforcés.

« On exerce un métier passion et ce n’est pas parce que l’on nous donne de l’argent que cela ira mieux dans nos têtes ».

De l’autre côté, il y a ceux qui choisissent de ne pas faire de vagues et de rester fermés. « L’immense majorité » de la profession respecte les règles, a salué le ministre, ajoutant que leur situation « extrêmement dure moralement et économiquement […] ne justifie en rien de ne pas respecter des règles qui sont d’abord des règles sanitaires. » Restaurateur en colère lui aussi, Gérard Viau, à la tête de l’établissement l’Arcade dans le village de St Michel de Chabrillanoux en Ardèche avoue ne rien comprendre. « Il y a deux poids deux mesures : les gens ont le droit de s’entasser dans le métro et dans les grandes surfaces quand nous qui respectons les gestes barrières n’avons pas le droit d’ouvrir. »

Le restaurateur, qui confie n’avoir touché qu’une seule fois 1 500 € et n’a pas obtenu de PGE explique qu’au-delà de cette question pécuniaire, c’est avant tout une question de survie morale : « On exerce un métier passion et ce n’est pas parce que l’on nous donne de l’argent que cela ira mieux dans nos têtes ». Ainsi, il comprend certains de ses collègues qui vont « à l’extrême » : « Moi je suis tout seul dans mon établissement mais quid de ceux qui ont une famille et des salariés… », plaide le gérant.

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Charlotte de Saintignon

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