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Rapport Gauvain : les PME dans les mailles du filet américain ?

Rien de plus qu’un paiement en dollars, un Smartphone à la pomme, un mail qui transite par un serveur américain ou un séjour business aux states pour que la superpuissance de l’Ouest s’octroie le droit de croquer sa proie. Explications.

Rapport Gauvain : les PME dans les mailles du filet américain ?
Des enquêtes « contestables », des sanctions « disproportionnées », des règles « contournées »... Le rapport Gauvin relance le débat de l'extraterritorialité du droit américain. © Adobe Stock

« Aucune transaction commerciale ou financière réalisée dans le monde n’est complètement à l’abri de la compétence des autorités de poursuite américaines », constate le rapport Gauvain sur la protection des entreprises françaises contre les lois et mesures à portée extraterritoriale, remis ce mercredi 26 juin au Premier ministre. Pour l’heure, seules de très grandes entreprises sont directement sanctionnées par les autorités américaines.

Mais les start-up et PME françaises (sous-traitantes par exemple) – qui se lancent à l’international – sont tout aussi touchées par cette mainmise américaine qui grandit à mesure que la globalisation se globalise. « Les États-Unis d’Amérique ont entraîné le monde dans l’ère du protectionnisme judiciaire », observe le rapport. La Chine et la Russie risquent à leur tour de s’engouffrer dans la brèche. Bref, un nouveau paradigme s’installe. Avec le tout numérique, le critère territorial se délite et le multilatéralisme s’effrite. La France « en situation de très grande vulnérabilité » ne baisse pas les bras.

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Rapport Gauvain : les PME touchées par ricochet

Levier de croissance pour les PME, le développement international est de plus en plus prisé par la gente entrepreneuriale. Des start-up « born global » issues de la tech visent même les US dès leurs créations. Or, le nouveau rapport sur la question de l’extraterritorialité américaine du parlementaire Raphaël Gauvain a de quoi ternir l’enthousiasme. L’extraterritorialité américaine « empêche nos entreprises de commercer librement », déplore le rapport. À charge, ce dernier regrette pêle-mêle : des enquêtes « contestables », des sanctions « disproportionnées », des règles « contournées », une interprétation « large et mouvante » de la compétence américaine à l’international, etc. En clair, la mission parlementaire confirme « l’instrumentalisation des procédures judiciaires américaines [par l’autorité états-unienne] à des fins économiques ou commerciales ».

« La seule utilisation du dollar peut caractériser un lien rattachement au territoire américain », rappelle le sénateur. Pire, « il suffit d’avoir effectué un appel téléphonique ou envoyé un e-mail en direction ou à travers le territoire des États-Unis (par exemple, un e-mail ayant transité sur un serveur situé sur le territoire américain) pour être considéré comme étant présent sur le territoire américain », enchérit-il. La peur du juge (et celle de la perte du marché américain) suffit à faire plier l’entreprise. « Les entreprises françaises sont prises en otage par ces procédures américaines, coincées entre le marteau et l’enclume dans un processus de « négociation » de façade, aggravé par un chantage à l’accès au marché américain : in fine, elles n’ont d’autre choix que de s’auto-incriminer en payant des sommes astronomiques au Trésor américain », cingle le rapport.

Les autorités françaises donnent depuis de longues années le sentiment de la passivité et l’impression d’avoir renoncé.

S’il est peu probable que les PME soient écartées d’un claquement de doigt par l’autorité américaine, chaque entreprise ayant des activités internationales est toutefois dépendante de près ou de loin des velléités sur la scène internationale de l’administration Trump. Toutes les entreprises « y compris les grosses PME [sont tenues] de se tenir au courant des dernières évolutions et de mettre en œuvre sans faille l’ensemble des mesures prévues », rappelle Raphaël Gauvain. Dans les zones sous embargo américain, le refus des banques françaises, des assureurs, des transporteurs ou des grands groupes français de travailler avec les PME est monnaie courante.

Et ces difficultés ne se sont pas près de s’estomper. « [Ce] sujet en voie de développement rapide pourrait concerner de manière massive non plus seulement des pays marginaux sur la scène économique mondiale [comme l’Iran], mais des pays de premier plan, partenaires économiques importants de la France, tels que la Russie ou la Chine », prévient le rapport. D’une part, les cibles américaines risquent de se multiplier. D’autre part, toutes les grandes puissances risquent de mimer la méthode états-unienne.

Rapport Gauvain : le temps de la compliance totale est arrivé

« La compliance totale est de mise, car les sanctions pour les contrevenants sont nombreuses et les montants concernés élevés ». La loi du plus fort gagne le droit conçu comme une arme géopolitique et commerciale sur la scène internationale. La mise en conformité (ou compliance) avec le droit américain devient presque incontournable. Mais ça ne s’arrête pas là. « Tout indique que d’autres pays pourraient se doter à l’avenir de lois à portée extraterritoriale leur permettant d’agir de la même façon : la Chine, l’Inde, la Russie pourraient bien figurer dans cette liste », souligne le sénateur.

L’Union Européenne a récemment créé l’instrument de souveraineté INSTEX. Pas encore mis en œuvre, ce mécanisme permettrait aux entreprises européennes de ne pas être affectées par les sanctions américaines dans leurs échanges avec l’Iran (biens alimentaires et médicaments). Quant à la France, sa réponse « n’est pas à la hauteur ». Malgré la loi Sapin 2 qui participe à rétablir la souveraineté judiciaire du pays sur l’échiquier international : « Les autorités françaises donnent depuis de longues années le sentiment de la passivité et l’impression d’avoir renoncé », estime Raphaël Gauvain.

C’est pourquoi, la mission parlementaire livre 3 grandes recommandations : étendre le RGPD aux personnes morales (pour que l’Europe protège les données des entreprises), protéger les avis juridiques des entreprises (via la création d’un statut d’avocat d’entreprise) et renforcer la loi de blocage (loi de 1968 en l’état peu dissuasive qui interdit sur le papier de communiquer des documents ou renseignements sensibles à des autorités publiques étrangères). Comply or die

Matthieu Barry

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