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Scrutin TPE : l'abstention sera-t-elle enrayée ?
Le scrutin dans les TPE se déroule du 25 novembre au 9 décembre. Plus de 5,4 millions de salariés sont invités à voter pour l'une des 25 organisations syndicales candidates. Explications sur cette avant-dernière brique de mesure de l'audience des organisations syndicales.

Le cru 2024 démentira-t-il les précédents ? Le scrutin organisé dans les très petites entreprises (TPE) qui a débuté lundi 25 novembre* connaît généralement une très faible participation. En 2021, seuls 266 000 salariés, sur un corps électoral de 5 millions, avaient pris la peine de voter par correspondance ou par mode électronique.
La participation à cette élection particulière affiche une baisse continue depuis sa création :
- 5,4 % en 2021 ;
- 7,3 % en 2017 ;
- 10,3 % en 2012.
Il faut dire que l’enjeu du scrutin peut ne pas sauter aux yeux des salariés concernés.
D’une part, en l’absence d’élections professionnelles et d’instances représentatives dans les TPE, ce scrutin sert à compléter la mesure d’audience globale des organisations syndicales, qui détermine la représentativité des organisations, et donc décide de leur capacité ou non à négocier et à signer des accords au niveau national interprofessionnel et dans les branches.
L’enjeu est donc réel sur le plan du dialogue social national et conventionnel, car ce sont bien les syndicats qui négocient les conventions collectives qui fixent les conditions de travail des salariés des TPE. Mais qui, parmi les salariés de ces petites entreprises, souvent très éloignés de tout contact syndical, est au fait de ce mécanisme et de ses enjeux ?
Des représentants dans des commissions régionales interprofessionnelles
D’autre part, cette élection ne désigne pas, comme c’est le cas pour les entreprises à partir de 11 salariés, et plus encore à partir de 50 salariés, des représentants du personnel amenés à dialoguer directement avec l’employeur et donc à même d’apporter des réponses ou des avancées au personnel.
Le scrutin TPE, organisé sous forme de choix d’une étiquette syndicale (on parle d’une élection de sigles, et non de personnes), permet de désigner des représentants au sein des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), représentants chargés de porter les intérêts des salariés.
Il s’agit d’instances paritaires (10 représentants d’organisations patronales et 10 d’organisations syndicales) où ont lieu des échanges sur l’emploi, la formation, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), les conditions de travail et la santé au travail, l’égalité femmes/hommes, etc. Les conséquences de ces discussions sur les conditions d’emploi des salariés des TPE sont, dirons-nous, très inégales selon les régions.
Certes, les syndicats s’appuient sur l’exemple des commissions de l’artisanat pour expliquer qu’il est possible d’apporter, via ces commissions, des activités sociales et culturelles aux salariés des très petites entreprises. On peut aussi soutenir que le scrutin TPE permettra aux syndicats de mieux représenter les salariés lors des discussions au niveau des conventions collectives, donc dans les branches.
Il y a enfin, on ne saurait l’oublier, un impact sur les prud’hommes de cette élection, et cela peut constituer une motivation de vote. En effet, dès lors que le scrutin TPE concourt à mesure de l’audience syndicale, il participe aussi à la désignation des conseillers prud’hommes par les organisations syndicales**.
Tout cela est vrai, mais ce n’est guère comparable à l’action et à l’impact des élus CSE et des délégués syndicaux dans une entreprise.
« Il faudra tirer les enseignements du scrutin »
Dès lors, comment inciter les salariés à voter ? Une évolution vers un scrutin direct dans les TPE voire un renforcement des attributions des CPRI est-elle envisageable ?
Interrogée lors du point presse sur le scrutin TPE le vendredi 22 novembre, la ministre du travail a répondu très prudemment : « Il faudra tirer les enseignements de cette élection pour voir avec les partenaires sociaux comment avancer », a dit Astrid Panosyan-Bouvet. De son côté, la DGT semble miser sur la simplicité du vote électronique, l’électeur pouvant s’identifier via France Connect.
Cela étant dit, le ministère du travail et la Direction générale du travail (DGT) n’entendent pas laisser dire que rien n’est fait pour assurer la publicité de ce scrutin. L’État organise une campagne de communication avec des spots radio, perçu par le ministère comme un média de proximité, et des podcasts, mais aussi des visuels et vidéos partagés sur les réseaux sociaux et un affichage public. Le message consiste à vanter les mérites et les résultats concrets de l’action syndicale auprès des salariés des TPE comme on le voit sur les images ci-dessous.

© Ministère du travail
De quoi assurer un rebond de la participation ? Même la ministre ne s’y risque pas : « Un objectif chiffré ? A minima, il faut déjà enrayer la baisse de participation, et si possible l’augmenter », nous répond-elle. Cette année, le scrutin compte 500 000 inscrits de plus qu’en 2021, du fait selon la Direction générale du travail de l’effort de communication fait par les partenaires sociaux sur les inscriptions, la ministre remerciant au passage l’U2P, l’organisation patronale des très petites entreprises.
Au total, ce sont 5,4 millions de salariés et apprentis (dès 16 ans révolus, quelle que soit leur nationalité) qui sont invités à choisir l’une des 25 organisations syndicales candidates, parmi lesquelles figurent les Gilets jaunes, une présence contestée par les confédérations syndicales mais finalement admise par les juges.
Sur ce total, 4,6 millions de salariés sont employés dans des TPE et 730 000 sont employés à domicile par des particuliers.
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Le calendrier pour les résultats et la mesure de l’audience
Après la clôture du scrutin TPE le 9 décembre à 17h, le dépouillement aura lieu du 13 au 19 décembre, et les résultats seront annoncés le 19 décembre.
Ils seront pris en compte pour la détermination globale de l’audience syndicale dans le secteur privé. « Ce sera l’avant dernière brique de la représentativité syndicale », comme le dit Pierre Ramain, le DGT. Il reste en effet l’élection aux chambres d’agriculture prévue en janvier 2025. Ensuite, l’administration du travail pourra mouliner tous les résultats (élections CSE, TPE, chambres d’agriculture) pour annoncer enfin la nouvelle mesure de l’audience des organisations syndicales. Ce devrait être fait en avril 2025.
Les arrêtés de représentativité, très nombreux dans les branches, seront publiés entre juin – date prévue pour la nouvelle répartition des sièges dans les conseils de prud’hommes résultant du nouveau rapport de forces syndical – et décembre 2025.
* Les salariés pourront voter par mode électronique du lundi 25 novembre 2024 à 15 heures au lundi 9 décembre 2024 à 17 heures et par correspondance du lundi 25 novembre 2024 au lundi 9 décembre 2024 inclus pour l’envoi des bulletins de vote. Sur les modalités de vote, voir le site d’information du gouvernement.
** La détermination du nombre de sièges de chaque section de chacun des conseils prud’hommes se fait en fonction de l’audience syndicale pour le collège des salariés et de l’audience patronale pour le collège des salariés. En ce qui concerne le collège des salariés : pour chaque organisation syndicale, sont pris en compte les suffrages retenus pour la mesure de l’audience au niveau national et interprofessionnel, déclinés au niveau des départements et des sections.
Les résultats du scrutin TPE de 2021 |
Bernard Domergue
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