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Secteur HCR : les doléances patronales entendues en partie par le gouvernement

Bruno Le Maire a confirmé le 4 janvier devant les représentants patronaux du secteur HCR, la non-réouverture des cafés, hôtels et restaurants le 20 janvier. Les aides seront « maintenues en l’état jusqu’à ce que la situation sanitaire soit rétablie ». Le remboursement des échéances bancaires sera reporté d’un an. Réactions.

Secteur HCR : les doléances patronales entendues en partie par le gouvernement
Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire (au centre), et Alain Griset, ministre chargé des PME (à gauche) ont reçu lundi 4 janvier à Bercy les représentants patronaux du secteur HCR dont le président du GNI HCR, Didier Chenet, le président du SNRTC, et le vice-président confédéral de l'UMIH, Hervé Becam. © ERIC PIERMONT / AFP

« On vit une situation inédite que l’on a du mal à gérer. On n’a aucun horizon donc forcément lorsque l’on est entrepreneur c’est compliqué, confie Alain Fontaine, restaurateur parisien. Il ne nous restera en termes de richesse que la passion de notre métier et la fierté de le faire mais cela s’arrête là et ne nous permet pas de vivre. » L’entrepreneur du secteur HCR, à la tête de l’établissement Le Mesturet à Paris dans le 2e arrondissement, a déjà brûlé les deux PGE qu’il a contracté et le prêt Résilience de la région, soit 325 000 € par rapport à une affaire payée 450 000 € il y a vingt ans.

S’il sait que les mois à venir vont être difficiles et qu’il lui faudra se battre, notamment avec les banques et les fournisseurs, et faire des échéanciers, il estime pouvoir s’en sortir grâce au bouclier économique et social que sont le fonds de solidarité et le chômage partiel qu’il a déclenché pour ses 22 employés. Passé ce cap difficile, les perspectives sont bonnes avec la coupe du monde de rugby en 2023 et les JO en 2024 « qui vont faire venir des touristes. Mais psychologiquement on est tous atteints. Heureusement, j’ai la fierté de ne pas partager mes angoisses avec ma famille et mes enfants. »

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Deux restaurants sur trois menacés

En revanche, pour beaucoup de restaurateurs, la situation est déjà « pliée et s’ils n’ont pas encore déposé le bilan, c’est qu’ils sont encore sous perfusion et attendent », poursuit le restaurateur. Ainsi, si la Banque de France estime que les redressements et les liquidations judiciaires d’hôtels et restaurants ont baissé de 26 % entre mars 2019 et novembre 2020, les perspectives avancées lors d’une enquête commune sur les défaillances d’entreprises réalisée en novembre sont nettement moins bonnes avec 65,3 % des répondants qui « craignent que cette 2ème fermeture administrative puisse condamner leur établissement ».

« Deux entreprises sur trois se sentent menacées ; et ce même les plus solides d’entre elles », avance Franck Trouet, conseiller du président du GNI, groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration. Si les professionnels avaient en tête de pouvoir travailler à nouveau pour récupérer de la trésorerie et pouvoir faire face à leurs échéances, Bruno Le Maire a annoncé aux restaurateurs mardi 4 janvier à Bercy que la date de réouverture du 20 janvier était caduque sans qu’il y ait à ce jour de date connue de réouverture.

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Report des échéances de prêts bancaires

Et déjà l’on s’approche à grands pas de la date anniversaire de la première fermeture des restaurants. Néanmoins, les fédérations professionnelles sont reparties du ministère avec une meilleure visibilité sur les aides apportées par le gouvernement. L’angoisse des professionnels concernait notamment la reprise prévue des remboursements des échéances bancaires alors que les banques qui avaient consenti à deux reprises à leur report « se refusaient à tout effort supplémentaire ». Les organisations ont obtenu un report automatique d’un an, Bruno Le Maire ayant affirmé qu’il « en faisait son affaire », explique Franck Trouet.

« Certains ne sont plus en capacité de payer leur loyer ou leur facture d’eau ou d’électricité. Une lassitude s’installe, on ne voit pas le bout du tunnel. »

Si les restaurateurs ne sont pas surpris par ce report d’ouverture, ils demeurent néanmoins fortement préoccupés par la situation. « Certains ne sont plus en capacité de payer leur loyer ou leur facture d’eau ou d’électricité. Une lassitude s’installe, on ne voit pas le bout du tunnel, grince Franck Trouet. Le seul espoir, qui semble encore inaccessible, est l’immunité collective par la vaccination mais la campagne de sensibilisation tourne au fiasco et l’approvisionnement et la mise à disposition semblent difficiles ».

Reste plusieurs questions en suspens, notamment le plafond de 20 % du chiffre d’affaires de 2019 versé au titre du fonds de solidarité qui s’applique par groupe et non par entreprise et pose problème pour les restaurateurs détenant plusieurs restaurants. D’autres ajustements concernant le fonds de solidarité sont encore nécessaires pour les entreprises saisonnières ou nouvellement créées dont le traitement est décidé manuellement sans aucun critère. « Résultat : certains n’ont reçu aucune aide en octobre ou novembre », regrette Franck Trouet.

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« La malbouffe a une autoroute devant elle »

Autre mesure de bon sens qui devrait être annoncée prochainement : « la possibilité de minorer les amortissements en fonction du chiffre d’affaires pour éviter les dévalorisations d’entreprises », avance le conseiller. D’autre part, les dix jours de congés payés acquis pendant le chômage partiel pourront être pris en février ou mars et non plus seulement entre le 1er et le 20 janvier comme indiqué au départ.

« Tous ceux qui investissent pour des emplois qualifiés, pour prendre des apprentis ou se fournir auprès de petits producteurs risquent de disparaître au profit de restaurateurs qui n’en sont pas. »

Parmi les autres doléances de la profession, le reliquat de charges employés « que l’on ne pourra pas payer et d’autres charges qui ne sont pas exonérées comme les caisses de prévoyance de retraite », interpelle Alain Fontaine qui a dû faire face à un contrôle d’huissier le mois dernier de la part de sa caisse de prévoyance alors qu’il avait demandé un échéancier.

« Je suis en colère quand j’entends les économistes dirent que la crise va épurer le marché car cela va se faire au détriment de la qualité. Tous ceux qui investissent pour des emplois qualifiés, pour prendre des apprentis ou se fournir auprès de petits producteurs risquent de disparaître au profit de restaurateurs qui n’en sont pas. La malbouffe a une autoroute devant elle. » Autre issue possible : la réouverture par secteur géographique dans les départements clairement identifiés par le ministère de la santé comme des endroits où le virus circule peu ou pas du tout.

Le recours au Conseil d’État de l’UMIH a été rejeté début décembre

L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) avait demandé au Conseil d’État de suspendre la fermeture des bars et restaurants en France, décidée par le Gouvernement le 29 octobre dernier. S’appuyant une étude scientifique publiée dans la revue Nature en novembre, le juge des référés n’a pas suspendu le mois dernier la fermeture au motif que « les restaurants et bars (comme les hôtels et les salles de sport) présentaient un risque significativement plus élevé de transmission du virus que les autres lieux de brassage de population, commerces notamment ».

Le Conseil d’État a également avancé la situation tendue à laquelle sont confrontés les hôpitaux et a rejeté l’hypothèse d’un couvre-feu pour le secteur HCR qui « ne serait pas susceptible d’aboutir à un effet sanitaire comparable à celui attendu de la fermeture ».

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Charlotte de Saintignon

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