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Manager des commerciaux

La vie d'un commercial peut comporter de beaux moments. Mais elle implique aussi des moments difficiles, comme le jour où l'on vous explique que vous allez devoir "taper dans le dur", c'est-à-dire démarcher, par téléphone ou sur le terrain, des personnes qui sont a priori dans la cible mais qui n'ont pas manifesté d'intérêt particulier pour votre offre...

Manager des commerciaux

La vie du commercial peut comporter de beaux moments. Le jour d’une signature attendue de longue date, bien sûr. Mais aussi le débriefing qui suit une négociation rondement menée, les minutes de satisfaction pendant la relecture d’une proposition bien rédigée, ce petit picotement quand on ouvre la fiche de paie et que le gros chiffre en face de la mention

« Commissions et primes » y figure bien, et plus encore peut-être, le moment de gloire quand un client ou un prospect vous félicite publiquement : « Sans votre commercial, je n’aurais sans doute jamais signé… ».

Mais elle comporte aussi des moments difficiles. La convocation par ce même client qui vous a félicité pour votre efficacité et qui, six mois plus tard, se plaint que le produit ou le service n’apporte pas les bénéfices qu’il en attendait. La réunion commerciale du lundi matin, quand il s’agit d’expliquer des chiffres trimestriels décevants. Le moment où, devant la page blanche, vous vous attelez à la rédaction d’une proposition particulièrement complexe.

Cependant, dans la vie du commercial B to B, le plus dur est probablement le jour où l’on vous explique que vous allez devoir taper dans le dur. « Taper dans le dur » consiste à démarcher, par téléphone ou sur le terrain, des personnes qui sont a priori dans la cible mais qui n’ont pas manifesté d’intérêt particulier pour votre offre. Elles n’ont pas visité votre stand, n’ont pas demandé à être rappelées… Ce sont des contacts « froids ».

Il existe de nombreuses techniques pour les aborder, comme le hardselling qui en est la forme la plus agressive. Dans la plupart des cas, cela demande de la part du commercial une grosse débauche d’énergie. La chasse est une démarche utile, c’est aussi une très bonne école de vente, mais elle peut se révéler usante, pénible, stressante. Il arrive donc parfois que certains commerciaux se montrent peu motivés à l’idée de taper dans le dur. Ils discutent, émettent des réserves, puis, quand ils se font à l’évidence qu’il n’y a pas moyen d’y échapper, demandent un renfort marketing pour les soutenir. Même après cela, la fréquence des appels ou des visites baisse régulièrement. Ils finissent par partir.

Cette réticence au hardselling ou au cold calling semble se développer. Il devient difficile de recruter des commerciaux sur une mission consistant à taper dans le dur. Même les stagiaires refusent. Sur certains sites, il est formellement déconseillé de publier des annonces pour un stage de prospection téléphonique. Les plus pessimistes diront que le philosophe Mircea Eliade avait bien raison, en prédisant que dans les pays riches, le confort tuerait le courage. Il est vrai que les Malgaches, les Tunisiens ou les Roumains, chez lesquels les plateaux d’appels se multiplient, n’ont pas ces réticences. Seulement on ne peut pas toujours tout outsourcer.

Alors, comment motiver des commerciaux internes à la prospection à froid ? Expliquez vos motifs.

– Première question à se poser : la chasse est-elle une bonne méthode commerciale dans votre contexte ? Vous devrez en effet faire œuvre d’explication en interne. Par conséquent, il faut vous vous appuyer sur des arguments rationnels et pas seulement sur un principe.

Le rendement du hardselling est rarement élevé. Il l’est d’autant moins quand les interlocuteurs sont de haut niveau. Les directeurs financiers, par exemple, sont très difficiles à joindre, et encore plus à convaincre. Ils sont habitués à la prise de décision, n’hésitent pas à dire non. Sans compter toutes les précautions dont ils ont appris à s’entourer pour éviter les importuns.

La prospection « push » est cependant la seule démarche qui permet de maîtriser l’alimentation du pipe commercial. Salons, articles de presse, référencement web, emailing… autant de très bonnes techniques mais dont les résultats sont aléatoires et peuvent varier d’une campagne à l’autre. D’autre part, la chasse présente l’avantage de remonter des informations utiles, lesquelles peuvent être prises aussi bien auprès de secrétaires ou de collaborateurs qu’auprès du décideur lui-même. Faites-vous une idée par vous-même Une fois que vous avez déterminé que cette démarche est nécessaire au regard de vos objectifs, vous devez prendre conscience, vous-même, de la difficulté de la tâche. Beaucoup trop de décideurs se permettent des jugements de valeur sur leurs vendeurs sans oser mettre eux-mêmes la main à la pâte.

– Participez à une action de phoning ou de démarchage au bureau ou, pour le moins, prenez le temps d’imaginer ce que faire du hardselling signifie concrètement : stress généré par les refus et barrages, mépris d’une pratique mal considérée par ceux qui la subissent (et parfois même par ceux qui la commandent), lassitude issue de la répétitivité de tâches à très faible valeur ajoutée, inconfort physique (déplacements, téléphone à l’oreille…). Le métier est sans pitié avec ceux qui n’ont pas les qualités requises pour l’exercer : il révèle rapidement les insuffisances, et c’est alors la situation d’échec, qui peut mener à la dépression.

– Pratiquez régulièrement la prospection avec vos équipes. Vous serez alors en mesure de comprendre ce dont elles ont réellement besoin et ce qui, dans leurs demandes, est superflu.

– Ne craignez pas la comparaison: vous n’obtiendrez probablement pas d’aussi bons résultats qu’eux, mais à chacun son rôle et ses qualités. Ce benchmark ne pourra au contraire que les valoriser et les encourager à cultiver leur savoir-faire.

– Formalisez les règles du jeu : toute démarche difficile et complexe demande à être balisée. Etablissez les règles du jeu le plus en amont possible, dès le recrutement. Pendant l’entretien, puis au moment de rédiger le contrat d’embauche, décrivez de façon précise les objectifs a minima de chasse (par exemple : nombre d’appels dans le dur par semaine, nombre de rdv pris en hardselling, etc.), quitte à les modifier par la suite par voie d’avenant. Ces objectifs doivent être adossés à des contreparties : prime, avantage qualitatif. Ne vous fiez pas aux déclarations d’intention d’un candidat. En situation de recrutement, tout commercial vous dira qu’il est né avec un téléphone vissé à l’oreille et qu’il adore passer les barrages. Equipez vos commerciaux Facilitez autant que possible le travail du chasseur en le harnachant de pied en cap. Parmi le minimum à fournir : logistique (territoire, base d’appels ou liste des rues avec préparation des entreprises à visiter), outils (téléphone à casque pour éviter les torticolis, logiciel CRM, voiture en bon état), argumentaires et supports de vente, formation initiale. Il n’y a pas que ça dans la vie Quelles que soient vos précautions, un commercial pur hardseller risque fort de se lasser très rapidement si son seul job consiste à se casser les dents sur des barrages.

– Variez les plaisirs. Proposez-lui régulièrement des missions annexes à plus forte valeur ajoutée pour rompre la monotonie. Attention cependant à ne pas trop lâcher de lest : l’un des ressorts importants de la chasse est l’effet d’entraînement. On passe d’un appel à l’autre, d’une visite à l’autre plus facilement s’il n’y a pas d’évènement pour vous distraire. Autre moyen de justifier l’effort présent : évoquer une récompense à venir. Par exemple une évolution de poste, sous réserve que les objectifs initiaux soient atteints. Rares sont ceux qui veulent rester hardseller indéfiniment. Offrez des perspectives à vos vendeurs…

– Et tenez vos engagements. Vous découvrirez peut-être qu’il est certes douloureux de promouvoir votre meilleur chasseur à un poste où rien ne prouve qu’il sera aussi efficace ; mais qu’il l’est bien davantage de le perdre complètement, ainsi que la confiance de toute l’équipe, si vous le maintenez de force à son poste en dépit de vos promesses. Un vrai métier En somme, comme souvent quand un sujet technique est géré par des hommes, il devient rapidement indispensable de confier le travail à un spécialiste.

Le management d’une équipe de chasseurs, internes ou externes, VRP ou agents, est un vrai métier, qu’il est préférable de confier à un cadre expérimenté.

Philippe Guihéneuc Directeur associé – Highburry

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