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L'avenir de l'auto-entreprise n'est pas en danger

Nous revenons sur l'amendement sénatorial soi-disant destiné à supprimer la présomption de non-salariat associée aux auto-entrepreneurs. Ce texte n'aurait en réalité aucune conséquence juridique pour ces entrepreneurs, actuels comme futurs.

L'avenir de l'auto-entreprise n'est pas en danger

Les auto-entrepreneurs vont-ils devenir présumés salariés ?  En effet, un amendement adopté mi-avril par le Sénat, en 1ère lecture du projet de loi sur l’artisanat, le commerce et les TPE (voir le dossier législatif), laissait penser au quotidien économique Les Echos que le système de présomption de non salariat allait disparaître pour ces entrepreneurs. Une analyse que nous ne partagions pas pour les auto-entrepreneurs futurs mais pour laquelle nous étions d’accord pour ceux existants sauf quand ils exercent une activité artisanale à titre principal.

Un amendement inutile dans l’immédiat

Une nouvelle analyse laisse à penser que le fameux amendement ne changerait, toute chose égale par ailleurs, aucunement le système de présomption de non salariat des auto-entrepreneurs actuels comme futurs — une analyse d’ailleurs partagée par la direction de la réglementation de l’Acoss. Et ce, même si Mireille Schurch, sénatrice auteur du texte, veut instaurer un régime de présomption de salariat. Techniquement, son amendement abrogerait l’article L 8221-6-1 du code du travail qui stipule que « est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre ». Cet article a été instauré en août 2008 par la loi de modernisation de l’économie qui a elle-même créé ce nouveau régime entrepreneurial. Mais juridiquement, il n’apportait aucune novation. En effet, un autre dispositif du code de travail, plus ancien, indique que sont présumées ne pas être salariées les personnes physiques immatriculées auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales (1° du I de l’article L 8221-6 du code du travail). Or, ce dispositif d’immatriculation s’impose, depuis l’origine du régime, à tous les auto-entrepreneurs.

Un dossier avant tout politique

Est-ce à dire que l’amendement sénatorial, qui doit désormais être examiné en commission mixte paritaire, car il divise les deux assemblées parlementaires, ne servirait à rien ? Juridiquement, la réponse est affirmative dans l’immédiat. Mais l’avenir pourrait changer la donne. Dans l’hypothèse où le gouvernement souhaiterait exonérer totalement les auto-entrepreneurs de cotisations d’allocations familiales, et donc probablement d’immatriculation aux Urssaf pour cette charge, la présomption de non salariat tomberait… sauf que, comme nous l’indiquions la semaine dernière, ce même projet de loi sur l’artisanat, le commerce et les TPE, prévoit de généraliser l’immatriculation des auto-entrepreneurs au RCS (répertoire du commerce et des sociétés) ou, le cas échéant, au répertoire des métiers. Or, ce dernier dispositif d’immatriculation, qui a été adopté par les deux assemblées, même s’il peut en théorie être ensuite censuré par le Conseil constitutionnel, produit aussi l’effet de considérer les personnes physiques comme des non salariés, toujours en vertu de l’article L 8221-6 du code du travail. Autrement dit, les auto-entrepreneurs resteraient, dans cette hypothèse de dispense d’immatriculation aux Urssaf mais d’immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers, présumés non salariés… sauf pour ceux qui exercent en libéral car ils ne sont immatriculés ni au RCS ni au répertoire des métiers !

Arnaud Montebourg favorable à l’amendement

A court terme, ce dossier est donc surtout rhétorique : si l’article L. 8221-6-1 du code du travail tombait, les auto-entrepreneurs seraient exclusivement considérés, dans les textes, comme des travailleurs non salariés et non plus — aussi — comme des travailleurs indépendants. Une distinction qui ne change rien sur le fond. Pourtant, Arnaud Montebourg s’est rallié à cette nouvelle rhétorique. Le ministre de l’économie a soutenu, au Sénat, l’amendement de la communiste Mireille Schurch. Mais Laurent Grandguillaume, député socialiste apprécié des entrepreneurs individuels pour sa vision destinée à simplifier leurs régimes, compte faire disparaître cette disposition. La bataille rhétorique n’est pas terminée.

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