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Barème indicatif des indemnités prud'homales : un caractère facultatif anxiogène pour les TPE

Le référentiel indicatif d’indemnités prud’homales vient d’être présenté au Conseil supérieur de la prud’homie. Si de nombreuses organisations patronales appelaient de leurs vœux ce plafonnement, le résultat ne les convainc guère. En cause : le caractère « indicatif », anxiogène pour les TPE.

Barème indicatif des indemnités prud'homales : un caractère facultatif anxiogène pour les TPE

La loi Macron du 6 août 2015 n’a pas fini de provoquer la discussion. Le dernier débat  porte sur un projet de décret, présenté le 13 septembre au Conseil supérieur de la prud’homie, en application de l’article L1235-1 du code du travail. Il institue un « référentiel d’indemnités indicatif » en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le critère de la taille de l’entreprise, qui avait été  jugé inconstitutionnel lors d’une précédente tentative de plafonnement des indemnités prud’homales, a été abandonné. Désormais, le projet de décret prévoit des indemnités qui varient selon l’âge, la situation et l’ancienneté du salarié : un mois de salaire par an de 0 à 5 ans, 0,5 année par année supplémentaire entre 6 et 29 ans et 0,25 année par année supplémentaire de 30 à 43 ans d’ancienneté. Un mois supplémentaire peut être accordé au salarié âgé d’au moins 50 ans au moment de la rupture du contrat de travail. L’article précise encore que « ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles. Si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel. Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Mais tout est dit dans l’article : ce décret applicable devant le bureau de jugement (1) laisse au juge prud’homal son libre-arbitre. La formation a la possibilité de se soustraire à ce référentiel.

Un barème parfois défavorable au salarié par rapport à la situation actuelle

La CGT doute de cette liberté des conseillers prud’homaux. « Les juges ont les mains liées ! Ils ne sont plus libres de décider du montant des indemnités allouées au salarié s’ils jugent son licenciement injustifié. Le barème, qui devait être obligatoire, devient indicatif. Cependant, au regard de la composition paritaire des conseils de prud’hommes (moitié salariés – moitié employeurs) et de son caractère de juridiction de compromis, le barème aura tendance à s’imposer. Il est très peu probable que les représentants des employeurs acceptent d’attribuer une indemnité supérieure à celle prévue par le barème », souligne l’organisation syndicale. Par ailleurs,  jusqu’alors, sur la base de l’article L1235-3 le code du travail précise que le salarié qui a plus de deux ans d’ancienneté et qui travaille dans une entreprise de plus de 11 salariés bénéficie d’une indemnité qui ne peut pas être inférieure à 6 mois de salaire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Or, dans le projet de décret, s’il est licencié trois ans après son embauche, il touchera trois mois de salaire, peut-être quatre s’il est âgé de plus de 50 ans. Soit 50 % en moins.

Pourquoi un caractère facultatif à la barèmisation ?

« C’est une excellente idée qui ne servira à rien ! », s’insurge de son côté Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat Des Indépendants (SDI). « Le montant indicatif est une erreur. Pourtant, le SDI était porteur depuis des années de cette demande et avait fait de nombreuses propositions dans ce sens, issues de la vraie vie, des réalités que vivent les entreprises et les salariés », déplore-t-il. Quid de la sécurisation du chef d’entreprise lorsqu’on revient à un barème facultatif ? « C’est le caractère obligatoire qui stabilise une relation. Nous allons continuer à nous battre pour que cette avancée, qui n’en est pas une, évolue. Nous allons continuer à plaider pour un barème obligatoire réaliste », conclut Marc Sanchez.

Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle anglais ?

« Le barème ? On le vit en Angleterre. Le chef d’entreprise va sur un site et sait immédiatement combien la rupture va lui coûter. C’est un modèle honnête, connu de tous et sans surprise », indique Marc Schillaci, fondateur et PDG d’Oxatis (plateforme qui propose aux TPE et PME un outil de commerce en ligne). « Et quand on veut rompre à l’amiable, le chef d’entreprise paye les honoraires de l’avocat du salarié, les parties se mettent d’accord, ce qui permet de ne pas avoir de contestation ultérieure. C’est un système pragmatique », précise-t-il. « Les erreurs de recrutement existent, le chef d’entreprise doit être capable de les assumer. Encore faut-il lui retirer l’incertitude liée à ce risque », souligne Marc Schillaci. Pour beaucoup d’organisations salariales, patronales et pour les chefs d’entreprises, le verdict sur le barème des indemnités prud’homales est donc le même : projet de décret à revoir avant sa publication au Journal Officiel.

 

(1) Un autre projet de décret modifiant le barème de l’indemnité forfaitaire de conciliation fixé à l’article D 1235-21 du code du travail propose, en procédure de conciliation (qui nécessite l’accord des deux parties) : 2 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté inférieure à 1 an ; 3 mois de salaire pour une ancienneté au moins égale à un an, auxquels s’ajoute 1 mois de salaire par année supplémentaire jusqu’à 8 ans d’ancienneté 16 mois de salaire pour une ancienneté entre 19 et moins de 23 ans et 24 mois de salaire pour une ancienneté au moins égale à 30 ans.

 

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