Interview

Patrick Lenancker, "Les Scop impliquent une gestion prudente de l'entreprise"

Patrick Lenancker, président de la Confédération générale des Scop (Sociétés coopératives et participatives), nous explique le fonctionnement de ces sociétés et l’impact de la loi sur l’Économie sociale et solidaire (ESS) sur ce type d’entreprises.

Patrick Lenancker,

1)     Tout d’abord, quelles sont les spécificités d’une Scop par rapport à une entreprise « classique » ?

Les Scop se démarquent des autres sociétés par trois caractéristiques principales : les salariés sont associés majoritaires de l’entreprise dont ils détiennent au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote. Les décisions sont prises collectivement selon le principe « une personne = 1 voix », indépendamment du nombre de parts sociales détenu. Au moins 16 % des bénéfices doivent être conservés en fonds propres.

Outre ces trois points, les Scop sont des sociétés commerciales de type SARL, SA ou SAS dont les statuts sont adaptés. Une Scop peut être créée dès lors qu’il y a deux associés.

2)     Pourquoi choisir de créer une Scop plutôt qu’une société traditionnelle ?

Les salariés associés d’une Scop ont généralement trois objectifs : avoir un boulot, le garder, et vivre décemment. Un tiers des Scop sont des reprises d’entreprises, dont certaines se font à la barre du tribunal, lorsque ces sociétés sont en difficultés. La reprise de ces entreprises par les salariés permet aux salariés de sauver leur entreprise et donc leurs emplois.

Plus généralement, les Scop enregistrent un meilleur taux de pérennité que les sociétés traditionnelles : 77 % des Scop existent toujours trois ans après leur création, contre 65 % des autres entreprises. Les Scop impliquent une gestion prudente de l’entreprise, la preuve en est de la proportion des bénéfices consacrés aux fonds propres : alors que la loi impose que cette proportion soit de 16 %, elle est en moyenne de plus de 40 % !

3)     La loi Hamon sur l’Economie sociale et solidaire instaure la création de Scop d’amorçage. En quoi consiste cette nouvelle forme de société coopérative ?

La Scop d’amorçage a été créée à la suite d’un constat : dans certains cas de reprise d’entreprises, les salariés souhaitaient reprendre la société mais avaient des difficultés à apporter le capital lors de la reprise. La Scop d’amorçage est un statut temporaire pour pallier ce problème : ainsi, les salariés de l’entreprise désirant reprendre leur entreprise peuvent le faire et ont 7 ans pour atteindre les 51 % de parts sociales requis dans les Scop. Pendant cette période, ou du moins jusqu’à ce que cette proportion soit atteinte, tous les bénéfices seront dédiés à l’acquisition de ces parts sociales, sans qu’aucun dividende ne soit versé. Toutefois, les associés salariés sont bel et bien, dès le départ, les gérants de la société. On a dissocié le fait que les salariés soient associés et le fait d’apporter la majorité du capital.

Jusqu’à 2014, certaines entreprises mettaient la clé sous la porte faute de repreneurs. Désormais, nous avons cet outil qui pourra contribuer à sauver quelques emplois.

4)     Qui finance cette avance auprès des salariés ?

Ce sont des fonds d’investissement publics comme la Banque publique d’investissement, la Caisse des dépôts, des fonds régionaux à destination des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Il faut savoir que nous ne nous attendons pas à avoir des créations de Scop d’amorçage massives, mais plutôt quelques dizaines par an. Ces fonds seront donc en quantité suffisante.

5)     Le gouvernement a clairement adopté une ligne en faveur du développement des Scop. Pensez-vous que cette forme de société puisse peser en faveur de l’emploi et de la croissance ?

En France, 350 000 entreprises comptent au moins un salarié… Et il y a 2 300 Scop dans le pays. Les Scop n’ont donc pas la prétention d’influer sur l’emploi global en France. Toutefois, je pense que la solution est la diversité économique. Plus l’économie est riche d’entreprises de toutes tailles et de toutes natures, mieux l’économie se porte. L’actionnariat salarié est important pour que les salariés puissent bénéficier des fruits de leur travail. Les Scop sont des entreprises commerciales, dont certaines se développent à l’export. La Scop est une solution qui fonctionne, qui permet d’être à la fois dans la coopération et la compétition.

Propos recueillis par Sophie Roy

 

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