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Médiateur des entreprises : « Beaucoup d’entreprises sont en difficulté car leurs clients ne les paient pas »

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« Le dialogue et la médiation deviennent des valeurs clés, des valeurs refuges comme l’or en temps de crise », estime le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, qui table sur « le dialogue et la solidarité économique comme clés de sortie de crise ». © ERIC PIERMONT / AFP

« On a vu un tsunami des demandes d’aides entre sollicitations et médiations, a entamé Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises lors d’une conférence en ligne le 2 février. Avec 9 615 demandes de sollicitations et de médiations en 2020, le volume d’activité a été quatre fois supérieur à celui de 2019. 2020 a été une année exceptionnelle ». Dans le détail, la médiation a traité 6 075 sollicitations – réponses personnalisées aux demandes d’information, orientations vers des dispositifs tiers, préparations à la médiation – et géré 3 540 demandes de médiation. Avec un taux de succès de ces dernières qui s’élève à 70 %.

80 % des saisines proviennent des entreprises de moins de 25 salariés

Le médiateur des entreprises note que celles-ci proviennent essentiellement des TPE/PME, en particulier des entreprises de moins de 25 salariés – artisans, commerçants et professions libérales – qui représentent plus de 80 % de l’ensemble. « Le dialogue et la médiation deviennent des valeurs clés, des valeurs refuges comme l’or en temps de crise », estime Pierre Pelouzet qui table sur « le dialogue et la solidarité économique comme clés de sortie de crise. Les entreprises ne doivent pas avoir le même comportement qu’avant la crise ».

« Tout ce qui touche au processus de paiement et de facturation est problématique. »

Pour l’heure, parmi les principales problématiques relevées, les conditions de paiement, sujet plus large que les seuls délais de paiement, qui restent le poids lourd de l’activité du médiateur : ces dernières concernent 57 % des saisines. « Tout ce qui touche au processus de paiement et de facturation est problématique. Beaucoup d’entreprises sont en difficulté car leurs clients ne les paient pas. Nous devons les aider. Il y a beaucoup de problèmes liés la réception des travaux ou à des bons de commande qui ne sont pas approuvés », confirme Pierre Pelouzet.

Pour éviter les catastrophes en cascade, la médiation avait créé le 23 mars un comité de crise sur les délais de paiement focalisé sur les grandes structures. « Il a été très actif notamment avant l’été avec une quarantaine d’entreprises structurantes qui ont été épinglées parce qu’elles étaient en défaut de paiement soit parce qu’elles ont voulu profiter de la crise pour garder de la trésorerie, soit parce qu’elles rencontraient de réelles difficultés opérationnelles ou financières.

Si le comité reste actif, l’activité est plus calme aujourd’hui : il n’a fait l’objet aucune saisine ce dernier trimestre, se félicite Pierre Pelouzet. Nous sommes revenus à la normale dégradée. » A contrario, le comité a mis en avant 16 entreprises exemplaires, telles qu’Orange, Bouygues Telecom, Iliad Free, Engie ou Jouve qui ont mis en place un paiement accéléré de leurs fournisseurs.

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Les baux commerciaux tiennent le haut du pavé

Un nouveau sujet est également apparu avec la crise, celui des baux commerciaux. Une problématique qui a concerné 11,3 % des demandes de médiation en 2020. « La part des différends en médiation entre entreprises privées s’est considérablement accrue, passant de 69 % en 2019 à 83 % en 2020 ». Cette augmentation est en partie due à l’apparition des différends liés aux loyers. « Les commerçants, notamment, les salles de sport, hôtels et restaurants ont du mal à payer leur loyer », signale Pierre Pelouzet.

Si chaque cas est différent, avec des petits et des grands bailleurs, la problématique reste la même. « Il faut permettre aux bailleurs et aux locataires de discuter et de trouver un point d’entente pour continuer à travailler ensemble », appelle le médiateur qui relève une évolution dans la nature des dossiers, passant de simples demandes de remises de loyers et d’échéanciers étalant les dettes à des « remises à plat des relations entre bailleurs et locataires ».

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Aides aux secteurs les plus sinistrés

De manière générale, si le médiateur estime que certaines entreprises se retrouvent en difficultés, d’autres « sont au-dessus de la ligne de flottaison » en termes de trésorerie car elles ont vu leurs « difficultés très amoindries » du fait des nombreuses aides qu’elles ont reçues. Il faudra « être vigilant pendant la période de reprise car elles doivent avoir suffisamment de ressources pour pouvoir repartir : la sortie de crise passera également par l’afflux de trésorerie. Il ne s’agit pas d’un problème de trésorerie immédiate mais d’un problème de trésorerie à venir », estime-t-il.

Enfin, le médiateur pointe la difficulté que rencontrent certaines entreprises pour obtenir lesdites aides. Pour y remédier, Bruno Le Maire a confié à la médiation et aux CCI une mission d’accompagnement des entreprises relevant des secteurs particulièrement impactés par la crise – à l’arrêt ou en situation de sous-activité prolongée tels que les bars-restaurants, l’hôtellerie, les voyagistes, traiteurs, salles de sports, discothèques et l’événementiel –. Depuis décembre, la médiation a géré de manière personnalisée 285 sollicitations. « Même s’il y a des aides prévues, il faut dialoguer pour s’assurer qu’elles vont vers toutes les entreprises, y compris les plus petites », reconnaît Pierre Pelouzet.

Saisir le médiateur

Les chefs d’entreprise ont la possibilité de solliciter le médiateur pour se renseigner sur l’attitude à adopter afin de négocier au mieux avec les partenaires commerciaux, pour savoir vers quel interlocuteur orienter leur demande ou identifier les mesures de soutien du gouvernement dont ils pourraient bénéficier.

Ils peuvent saisir directement le médiateur des entreprises sur son site dédié. La médiation s’engage à leur répondre dans un délai d’une semaine. L’un des 60 médiateurs répartis sur l’ensemble du territoire va alors conseiller le chef d’entreprise sur la marche à suivre, inviter l’autre partie et organiser une médiation.

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Charlotte de Saintignon

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