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[Coronavirus] Médiateur des entreprises : « Nous sommes submergés par un tsunami de saisines »

Rupture brutale de contrat, pénalités de retard, refus de reconnaissance ou « utilisation abusive » de la force majeure… Enregistrant toujours plus de saisines, le médiateur des entreprises tape du poing sur la table.

[Coronavirus] Médiateur des entreprises : « Nous sommes submergés par un tsunami de saisines »
Si en temps normal la médiation comptabilise une soixantaine de cas hebdomadaires, ces dernières semaines, leur nombre a été multiplié par dix avec près de 600 demandes par semaine. © Adobe Stock

« Nous sommes submergés par un tsunami de saisines, souffle Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, lors d’un webinaire organisé par le MEDEF Île-de-France, jeudi 16 avril. Si en temps normal la médiation comptabilise une soixantaine de cas hebdomadaires, ces dernières semaines, leur nombre a été multiplié par dix avec près de 600 demandes par semaine ». Les nombreuses saisines enregistrées par le médiateur des entreprises concernent aussi bien des différends avec une autre entreprise dans l’exécution d’un contrat que des difficultés dans le cadre de la commande publique (problèmes d’exécution de la commande, pénalités, non-paiement). Premier motif de saisie du médiateur : les délais de paiement.

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« Imposer des pénalités de retard, c’est incompréhensible »

« On peut comprendre les ruptures dans une certaine mesure. Mais arrêter un contrat du jour au lendemain sans dédommagement ni discussion s’avère terrible pour les chefs d’entreprises, s’insurge-t-il. De la même manière, imposer des pénalités de retard alors que la crise empêche de livrer, délivrer voire produire, c’est complétement incompréhensible. »

« On voit mal comment octroyer un prêt garanti par l’État (PGE) à des entreprises qui ne paient pas leurs fournisseurs. »

Pierre Pelouzet exhorte une nouvelle fois les acteurs privés à faire preuve de solidarité en les invitant, dans la mesure du possible, à ne pas suspendre ou décaler leur règlement. Si leur trésorerie ne leur permet pas d’honorer leurs factures, elles ont la possibilité de négocier des moratoires avec leurs fournisseurs, rappelle-t-il. « Les entreprises doivent être d’autant plus responsables en cette période de crise. Si elles peuvent d’ailleurs payer un peu plus tôt que d’habitude ce n’est pas plus mal. »

Surtout que l’attitude non-solidaire peut coûter cher. « Celles qui ne jouent pas le jeu auront du mal à obtenir un prêt bancaire, prévient Pierre Pelouzet. On voit mal comment octroyer un prêt garanti par l’État (PGE) à des entreprises qui ne paient pas leurs fournisseurs. De fait, elles doivent s’engager sur l’honneur à les payer lorsqu’elles font leur demande de PGE ».

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Un « name and honor » pour bouger les lignes

Pour lutter plus efficacement contre les délais de paiement durant le confinement, Bercy a mis en place, le 23 mars, un comité de crise réunissant le médiateur des entreprises, le médiateur national du crédit et les présidents des organisations socio-professionnelles (AFEP, CPME, MEDEF, U2P). Ce comité est chargé de remonter au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, l’identité des bons et des mauvais payeurs.

En attendant un éventuel « name and shame », le comité de crise pour lutter contre les délais de paiement a rendu public dans un communiqué du 16 avril, le nom des 10 premières « entreprises exemplaires qui ont mis en place un paiement accéléré de leurs fournisseurs » : Bouygues Telecom, Danone, EDF, Enedis, Iliad, Jouve, L’Oréal, Orange, Sodexo et Système U. Un « name and honor » qui récompense les entreprises ayant un impact structurel sur l’économie qui « ont fait de la solidarité économique l’arme la plus efficace pour lutter contre les conséquences de la crise ». Selon une enquête réalisée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), 39 % des TPE/PME subissent des retards de paiement[*].

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Les petits bailleurs, pas au rendez-vous ?

Pierre Pelouzet révèle également que beaucoup d’entreprises sont confrontées au silence du bailleur ou prestataire de service lorsqu’elles souhaitent obtenir le report de leurs loyers (bail commercial) – essentiellement dans le monde du commerce – ou la suspension de leurs factures (eau et énergie).

« Quand l’entreprise a affaire à un grand bailleur, cela pose moins de difficultés, note Pierre Pelouzet. Quand c’est un petit bailleur, cela vaut le coup d’avoir une médiation pour essayer de trouver un compromis entre les deux. »

Le gouvernement a par ailleurs demandé le 16 avril aux propriétaires de parcs immobiliers d’annuler 3 mois de loyers dus par les TPE et de prévoir un étalement des loyers sur 2 ans pour les petits commerces.

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Saisir le médiateur

Les chefs d’entreprise ont la possibilité de solliciter le médiateur pour se renseigner sur l’attitude à adopter afin de négocier au mieux avec les partenaires commerciaux, pour savoir vers quel interlocuteur orienter leur demande ou identifier les mesures de soutien du gouvernement dont ils pourraient bénéficier.

Ils peuvent saisir directement le médiateur des entreprises sur son site dédié. La médiation s’engage à leur répondre dans un délai d’une semaine. L’un des 60 médiateurs répartis sur l’ensemble du territoire va alors conseiller le chef d’entreprise sur la marche à suivre, inviter l’autre partie et organiser une médiation.

« Il s’agit d’un dialogue confidentiel assisté par le médiateur pour recréer un lien d’échange et de confiance et trouver une solution amiable. Toute la finesse de la médiation consiste à se faire payer ou à parvenir à un compromis sans se fâcher avec son client. » Le taux de succès de ces médiations – 75% en temps normal – ne se dément pas pour le moment. « On espère le tenir pendant la crise », confie Pierre Pelouzet.

[*] Enquête administrée par la CPME auprès de 3 416 dirigeants du 2 au 12 avril 2020 par questionnaire en ligne.

Charlotte de Saintignon – Matthieu Barry

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