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Non-dépôt des comptes annuels : les nouveaux risques

Une société est condamnée en appel pour concurrence déloyale en raison de l'absence de dépôt de ses comptes annuels. Cette actualité s'ajoute à l'obligation explicite adressée au commissaire aux comptes de révéler, le cas échéant, ce fait délictueux.

Non-dépôt des comptes annuels : les nouveaux risques

Dans la pizza à emporter, on ne se fait pas de quartier pour gagner des parts de marché. Guerre des prix, campagnes publicitaires agressives et parfois camouflage de l’information comptable publique. C’est ce qui s’est passé entre Domino’s Pizza France et Speed Rabbit Pizza. La première enseigne, une SAS qui gère un réseau sur le territoire français de 215 points de vente, a refusé de déposer l’intégralité de ses comptes sociaux malgré plusieurs décisions de justice dont une rendue en octobre 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre.

Concurrence déloyale

La Cour d’appel de Versailles a récemment confirmé cette décision pour un motif original : le non dépôt des comptes sociaux est, dans cette affaire, un acte de concurrence déloyale. Les juges considèrent que Domino’s Pizza a capté déloyalement les candidats à la franchise et a manqué au principe de transparence et de loyauté qui doit régir les rapports commerciaux. Ils condamnent le franchiseur à payer 20000 euros à Speed Rabbit Pizza, franchiseur qui gère 110 points de vente, pour préjudice commercial. Nous ne savons pas si cette décision de justice est définitive ou provisoire. Contactée vendredi, la société Domino’s Pizza n’avait pas décidé si elle allait se pourvoir en cassation.

Le Cac doit en principe révéler le non dépôt des comptes

Cet arrêt de la cour d’appel tombe alors que l’actualité autour du dépôt des comptes est déjà riche. En avril, une nouvelle circulaire du ministère de la justice précisait les obligations de révélation des faits délictueux qui s’imposent aux commissaires aux comptes. Or, l’une d’entre elles porte justement sur le non dépôt des comptes annuels (voir le document annexé à la circulaire), sauf dans le cas où l’intention de la société n’est pas frauduleuse. Les entités qui font auditer leurs comptes ont donc, de ce point de vue là, intérêt à respecter leur obligation de dépôt.

D’autres raisons pour déposer

D’autres risques juridiques sont encourus par les entreprises qui ne respectent pas cette réglementation. Le président du tribunal de commerce peut, de sa propre initiative, demander le dépôt des documents financiers sous astreinte (article L 611-2 du code de commerce). Un dispositif d’ailleurs jugé en 2013 constitutionnel dans la mesure où la Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à ce sujet au motif qu’elle ne présentait pas un caractère sérieux. Cette injonction peut également être prononcée à la demande du ministère public ou de tout intéressé. Ce dernier cas a d’ailleurs donné lieu à un contentieux intéressant. En 2012, la Cour de cassation a jugé que l’existence d’un intérêt particulier à demander le dépôt des comptes annuels n’a pas d’incidence sur l’application de ce dispositif. En l’occurrence, un ancien salarié voulait consulter les comptes de son ex employeur pour apprécier l’opportunité d’engager une action prud’homale contre lui.

Nouveau dispositif pour les micro-entités

Enfin, on peut se demander quel sera l’effet de la nouvelle option offerte aux micro-sociétés. Elle leur permet de choisir si les documents comptables déposés sont publiés ou non. « Il se peut que la justice se montre plus dure dans son exigence de respect de la loi », prévoit Thierry Denjean dans une tribune publiée sur le site Finyear (lire l’article). Le législateur veut en effet que le niveau de dépôt des documents comptables augmente. En 2011, 67 % des entités respectaient leur obligation (voir l’étude d’impact du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises).

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