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Transition écologique : la CPME veut alléger les indicateurs liés à la CSRD

La CPME émet des propositions pour accompagner les entreprises sur la transition écologique et leur permettre d’avancer « sans ployer sous le fardeau des normes environnementales ».

Transition écologique : la CPME veut alléger les indicateurs liés à la CSRD
Les entreprises de taille moyenne qui n’étaient pas soumises à la loi française de Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) vont l’être dès 2024, soit également « par capillarité, les plus petites entreprises », indique François Asselin, Président de la CPME. © Bertrand GUAY / AFP

« On s’essouffle dans nos PME à essayer de respecter la réglementation, prévient Eric Liglet, président du directoire de la PME du Val-de-Loire Ligérienne Granulats. Pour François Asselin, président de la CPME, il ne faut pas « décourager, par une méthodologie qui n’est pas en adéquation avec la réalité du terrain et une temporalité trop rapide, ceux qui ont envie d’y arriver », faisant référence aux nouvelles exigences de reporting extra-financier et à la mise en place des indicateurs liés à la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui vont s’imposer aux entreprises de plus de 250 salariés à partir du 1er janvier 2024.

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« Nous sommes volontaires mais nous ne voulons pas être noyés, assommés par un tsunami administratif, insiste le président qui souhaite que la transition écologique soit « basée sur la confiance plus que sur la défiance ». Pour lui, la CSRD, qui va obliger les entreprises à communiquer annuellement leurs informations relatives aux problématiques RSE, ne compte « pas moins de 12 standards de reporting déclinés en 86 indicateurs et potentiellement 1 500 points de données ». C’est entre autres sur ces indicateurs que l’organisation patronale souhaite se mobiliser.

« 95 % des PME concernées par la CSRD savent à peine que ça va leur tomber dessus »

Sans faire de demande inconsidérée, elle plaide pour un nombre « raisonnable », soit « 15 ou 20 » indicateurs tout au plus, fait valoir Guillaume de Bodard, président de la commission Environnement et Développement durable de la CPME. Pour le Monsieur Environnement de l’organisation patronale, l’enjeu est d’autant plus important qu’il y a une méconnaissance des entreprises sur le sujet. « 95 % des PME concernées par la CSRD savent à peine que ça va leur tomber dessus », poursuit-il.

D’autant que jusqu’à maintenant, ces entreprises de taille moyenne (250-400/500 salariés) qui n’étaient pas soumises à la loi française de Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) vont l’être, soit également « par capillarité, les plus petites entreprises », indique François Asselin.

« Pause réglementaire »

De manière générale, la CPME déplore les mesures coercitives prises par le gouvernement : « Il y a plus de contrôleurs que d’accompagnateurs » regrette le chef de file de la CPME qui avertit des effets de bord possibles, tels que de la concurrence déloyale avec les autres pays d’Europe qui contourneraient l’obligation, ou encore le risque de concentration économique avec des « PME à bout de souffle pour appliquer toutes ces normes qui iront se mettre à l’abri sous plus gros qu’elles ».

En ce sens, la CPME plaide pour octroyer aux PME « une pause réglementaire », pour leur permettre de s’adapter à l’ensemble de ces exigences.

« La transition écologique demande beaucoup de temps et d’énergie »

Bien engagée dans la transition écologique, Catherine Guerniou, dirigeante de la Fenêtrière, qui fabrique des fenêtres pour les professionnels du bâtiment et emploie 14 salariés à Champigny-Sur-Marne, confirme que cela lui demande « beaucoup de temps et d’énergie ». D’autant qu’il lui faut « régulièrement revoir les choses », avec la mise en place de nouvelles contraintes.

Et de citer en exemple la filière REP bâtiment entrée en vigueur en 2023 qui oblige les producteurs des produits et matériaux de construction du bâtiment d’en assurer la fin de vie. « On a intégré cette écotaxe. Aujourd’hui elle n’est pas très haute mais demain on annonce du fois dix ». Et pour l’heure, « il n’y a pas encore de service derrière », poursuit-elle.

Autre sujet de taille, le décret tertiaire qui impose aux bâtiments ou locaux d’activité à usage tertiaire dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m² de réduire de 40 % leur consommation d’énergie pour 2030, de 50 % en 2040 et 60 % en 2050.

Lire aussi Les entreprises françaises prennent le chemin des achats responsables » (P. Pelouzet)

Un coût qui ne se répercute pas dans les résultats

Pour y parvenir, la chef d’entreprise a réalisé un bilan énergétique en 2022 et un bilan carbone pour son bâtiment de 1 053 m². Comptant moins de 20 salariés, elle n’a pas pu bénéficier de l’aide de la Bpifrance et a dû prendre en charge les coûts afférents, soit 5 000 € pour faire le bilan carbone et 4 500 € pour le diagnostic énergétique. Bilan, l’entreprise, qui a réalisé 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaire (CA) en 2022, doit prévoir un investissement de 600 000 €, notamment pour rénover sa toiture et faire une isolation thermique par l’extérieur.

Si elle a déjà « investi lourdement dans la transition écologique » en engageant 30 000 € de frais, la chef d’entreprise confie que cet investissement ne va pas améliorer sa productivité : « aujourd’hui je ne peux pas le valoriser. Je ne le vends pas dans le coût de la menuiserie ». Sachant que dans le même temps elle a dû faire face à la crise des matériaux avec la flambée des prix qu’elle n’a pas pu répercuter.

« Il faut avoir un modèle économique extrêmement solide pour absorber de tels investissements »

Eric Liglet, qui a finalisé en 2022 la DPEF de son entreprise confirme que le coût ne se répercute pas dans les résultats de l’entreprise : « Pour l’instant c’est un surcoût que nous n’avons pas répercuté au niveau de nos marges ». « Il faut avoir un modèle économique extrêmement solide pour absorber » de tels investissements, commente François Asselin.

Ces investissements sont également humains. Pour l’accompagner sur le sujet, Catherine Guerniou a ainsi embauché une alternante en développement durable.

Approche sectorielle

Pour faciliter la montée en compétences, la CPME plaide pour la mise en place de formations afin que « les entreprises comprennent leurs obligations sous la CSRD et collectent les données ESG exigées ».

Rappelant également que la RSE doit venir du terrain et le rôle majeur des organisations professionnelles, la CPME préconise une « approche sectorielle ». « C’est aux branches professionnelles de prendre en main la transition écologique et de s’acculturer », insiste François Asselin.

« Il faut des outils opérationnels faciles d’usage et gratuits, comme des guides d’application pour faciliter la tâche des entreprises »

Autres conditions de réussite de la CSRD : « Il faut des outils opérationnels faciles d’usage et gratuits, comme des guides d’application pour faciliter la tâche des entreprises », insiste Guillaume de Bodard ; ou encore le développement de financements et d’accompagnements adaptés via l’Ademe ou Bpifrance.

Enfin, l’organisation patronale plaide pour la mise en cohérence des dispositifs législatifs et des divers standards et labels existants.

Charlotte de Saintignon

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