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Haro sur la campagne de communication de l’Ademe

À la veille du Black Friday et à l’approche des fêtes de Noël, la campagne de l’agence de la transition écologique qui vante la sobriété et incite les Français à ne plus acheter du neuf au profit du recyclé suscite les plus vives polémiques et l’ire des commerçants. À tel point qu’ils ont demandé le 21 novembre dernier le retrait des quatre spots publicitaires qui devraient être diffusés du 14 novembre au 4 décembre selon le dossier de presse de l’Ademe.

Haro sur la campagne de communication de l’Ademe
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a affirmé refuser de retirer les spots litigieux. © Capture d'écran de la vidéo de l'Ademe.

« Hésitez pas si vous avez besoin que je vous déconseille d’autres achats, ça soulagera les ressources de la planète et vos placards ». Les publicités de l’Ademe mettent en scène sur un ton plutôt humoristique les acheteurs potentiels d’un polo, d’une ponceuse, d’un lave-linge et d’un téléphone face à un « dévendeur » qui leur suggère de se tourner vers d’autres alternatives que l’achat, comme la réparation, la location ou la seconde main ou le non-achat.

Si le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a jugé jeudi 23 novembre la campagne « maladroite […] vis-à-vis du commerce, surtout le commerce physique qui se bat et que nous soutenons, particulièrement en centre-ville », son homologue à la Transition écologique Christophe Béchu, qui assure la tutelle de l’Ademe, a de son côté affirmé refuser de retirer les spots litigieux.

Allant même jusqu’à signer une tribune dans les colonnes du Monde appelant les Français à revoir leur rapport à la consommation et appelant à un « green Friday ». Pour lui, cela ne fait pas de sens de supprimer cette campagne « sur la sobriété ». Cette campagne, qui s’accompagne d’un lien vers un site recensant des adresses pour louer ou réparer : epargnonsnosressources.gouv.fr, ne revient pas selon lui à dire « acheter, c’est mal ». Mais « acheter, ce n’est pas la seule solution » », s’est-il défendu sur son compte X (anciennement Twitter).

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« Une véritable gifle aux commerçants »

Les commerçants, eux, ne l’ont pas pris sur le même ton. Vent debout contre cette campagne de communication qu’ils jugent « maladroite et stigmatisante » envers eux qui sont « explicitement visés », ils ont tout bonnement demandé le « retrait immédiat » des quatre spots publicitaires.

Dans son dernier communiqué, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a ainsi demandé aux pouvoirs publics son arrêt pur et simple : « Une telle campagne à l’approche des fêtes de Noël est une véritable gifle aux commerçants qui subissent l’inflation de plein fouet et s’inquiètent d’une activité économique qui donne des signes de ralentissement ».

« Que dire de ces industriels français, pleinement engagés dans la transition écologique, qui se battent au quotidien pour faire vivre et dynamiser le made in France ? »

Pour l’organisation patronale, ce stigmatisme est « particulièrement malvenu lorsque l’on sait les difficultés que rencontre ce secteur qui multiplie pourtant les initiatives pour limiter son empreinte carbone. Et que dire de ces industriels français, pleinement engagés dans la transition écologique, qui se battent au quotidien pour faire vivre et dynamiser le made in France ? », s’interroge-t-elle.

L’Alliance du commerce, qui regroupe grands magasins et importantes enseignes de l’habillement et de la chaussure et représente 27 000 magasins, s’insurge elle aussi contre cette campagne, qui « traite de manière inconséquente et injustifiée du secteur du commerce, et en particulier celui de la mode », écrit-elle dans un communiqué. Sur Linkedin, Yohann Petiot, son directeur général, a lui aussi réagi : « Quelle stupeur ce matin en voyant cette campagne de publicité financée par l’Ademe », écrivait-il en préambule de son post.

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« Finir de tuer le commerce de la mode ? »

« En discréditant les commerçants, notamment physiques, en stigmatisant le travail de milliers d’entreprises et de leurs salariés, en pointant du doigt un secteur économique entier. Quel est l’objectif de cette publicité ? Finir de tuer le commerce de la mode ? Alors que le secteur traverse une crise exceptionnelle du fait des problèmes du pouvoir d’achat, qu’il subit une concurrence internationale exacerbée, cette campagne de publicité est inadmissible, déconnectée de la réalité économique des entreprises et des attentes des Français. Oui à une consommation plus responsable, mais pas au prix de la stigmatisation et de la mise au ban de tous les commerçants ! Le commerce contribue à la création de richesse, à l’emploi et au dynamisme des territoires. Soyons-en fier! », a-t-il écrit.

« Le moment devait être celui de la motivation des acteurs, dont les commerçants, pour se transformer mais pas pour stigmatiser une activité, ses entreprises et ses millions de collaborateurs ! »

Et de taguer les membres du gouvernement concernés – Olivia Grégoire, Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Agnès Pannier-Runacher – en leur demandant in fine de « retirer de toute urgence cette publicité ! »

De son côté, Emmanuel Le Roch, délégué général de la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé (Procos), s’est déclaré sur le réseau professionnel « complètement d’accord » avec les propos de Yohann Petiot et s’est lui aussi interrogé sur le fait de savoir comment l’Ademe pouvait « faire une publicité de cette teneur. Le moment devait être celui de la motivation des acteurs, dont les commerçants, pour se transformer mais pas pour stigmatiser une activité, ses entreprises et ses millions de collaborateurs ! », a-t-il ainsi signalé.

Avant de rappeler au ministre Christophe Béchu, également en charge de la Cohésion des territoires, « la vitalité des magasins est vitale […], pousser à les détruire rapidement n’apparaît comme une solution qui a du sens ».

Si la CPME reconnaît dans son communiqué qu’il convient d’encourager les démarches vertueuses pour l’environnement et notamment d’« inciter les consommateurs à se tourner vers la réparation ou les produits éco-compatibles », elle conclut qu’il ne faut pas pour autant « alimenter des polémiques stériles et contreproductives ». Elle pose la question : « Cette campagne précédera-t-elle une autre campagne financée cette fois-ci par le ministère chargé des PME et du commerce incitant les consommateurs à se tourner vers les commerçants de proximité et à privilégier les produits français ? »

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Charlotte de Saintignon

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