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E-réputation : que dit-on de votre PME sur le web ?
Avec la montée en régime du web participatif et des réseaux sociaux en ligne, c'est une petite révolution qui touche les entreprises. Désormais, chaque internaute est susceptible de critiquer ou d'encenser une marque, et de voir ses propos relayés en un éclair auprès d'un grand nombre d'utilisateurs du web. Dépossédées de la maîtrise de leur communication, les entreprises doivent prendre en compte cette nouvelle donne en assimilant un concept délicat: celui de l'e-réputation.
Et si l’image de votre entreprise était à la merci des internautes ? Avec la montée en puissance du web 2.0 et de ses réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) qui stimulent les interactions entre leurs utilisateurs, la toile s’est transformée en un gigantesque café du commerce, où l’on parle de tout. Et beaucoup de produits, de marques et d’entreprises. Que cela soit en bien ou en mal. «Cela fait peur aux entreprises. Avant, elles contrôlaient leur communication dans les médias. Maintenant, ce sont les consommateurs qui deviennent des médias et parlent d’elles, sur des supports qu’elles ne maîtrisent pas», explique Michael Bechler, dirigeant de l’agence web alsacienne Actinium.
Cette liberté d’expression peut avoir des conséquences parfois cinglantes pour l’image des entreprises. Renault épinglée pour le bilan écologique d’un de ses véhicules, vidéo montrant des pratiques douteuses de pizzaïolo de Pizza Hut, Free tancé pour la lenteur de son SAV… Voilà quelques exemples des critiques postées sur le web, et donc relayables et démultipliables à l’infini. Avec des conséquences potentielles importantes, les consommateurs effectuant de plus en plus de recherches sur Google – carrefour de tous les réseaux sociaux, blogs et forums – pour se renseigner sur un produit et préparer leurs achats. «Le risque d’une mauvaise image en ligne se situe surtout dans la relation client. Si on a une mauvaise image à cause d’un passif, cela va coûter plus cher en terme de conquête prospect ou de fidélisation», résume Christophe Asselin, expert en veille internet chez la société parisienne Digimind.
L’étude de l’image en ligne, et la maîtrise des «buzz» («bruits») – négatifs ou positifs – qui y sont liés feraient donc désormais partie intégrante de l’identité numérique des entreprises et de leur stratégie de communication. Ces pratiques sont d’ailleurs désormais rassemblées sous un terme générique: l’e-réputation. Une notion qui revient de plus en plus souvent sous le feu des projecteurs, accompagnant une véritable floraison d’offres et de prestataires spécialisés dans le domaine. De quoi laisser penser d’ailleurs au gonflement d’une nouvelle bulle. «Par rapport à l’état du marché, il y a beaucoup de marketing et de survente derrière tout cela. L’e-réputation ne concerne que peu d’entreprises en 2010», juge ainsi Clément Bourrat, directeur des études du cabinet Cybion, spécialisé dans la veille et l’intelligence économique sur internet. «De plus en plus de PME sont chahutées sur le web, rétorque Christophe Asselin. C’est d’ailleurs mathématique : il y a de plus en plus de membres sur les réseaux sociaux, et ceux-ci s’expriment de plus en plus sur les marques du quotidien».
«Toutes les marques et entreprises ne sont pas égales sur le plan de l’e-réputation et des risques de buzz négatif. Plus la marque est orientée vers la grande consommation et le high-tech, plus elle sera exposée», explique Christophe Asselin, expert en veille Internet et e-réputation chez Digimind. A l’inverse, les entreprises évoluant dans les prestations B-to-B, c’est-à-dire les relations commerciales entre professionnels, bénéficient d’une relative quiétude. Une situation bien résumée par l’expérience du fabricant de matériel de construction Caterpillar, dont les engins ne déchaînent pas les commentaires des internautes, en revanche beaucoup plus prompts à s’exprimer sur la qualité de sa gamme dérivée de vêtements et chaussures.
Si elle est donc encore en émergence pour la globalité des PME françaises, l’e-réputation semble aujourd’hui appeler une prise de position. «D’ici un ou deux ans, cela sera indispensable pour beaucoup d’entreprises. D’ailleurs, les réticences exprimées aujourd’hui, on les entendait déjà lors du lancement du web. Et aujourd’hui, plus personne ne voit rien à redire sur le sujet. Il est donc important de prendre l’antériorité et de se former à ces nouvelles pratiques. L’e-réputation n’est pas un danger, c’est surtout un très bon moyen d’inscrire son entreprise dans une démarche d’excellence», estime Michael Bechler. La balle étant dans le camp des consommateurs, pourquoi ne pas en effet prendre quelques mesures simples pour établir un dialogue constructif avec eux…
La loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique a réaménagé les modalités du droit de réponse en ligne. Elle stipule que «toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service». Applicable aux particuliers, cette disposition est également valable pour les entreprises.
La demande de droit de réponse doit être adressée à la personne physique ou au représentant légal du propriétaire du blog ou du site, responsable pénal des contenus. La responsabilité de l’hébergeur du blog ou du site peut être engagée si jamais il est prouvé qu’il a effectivement connaissance du «caractère illicite ou de faits et circonstances» et qu’il n’a pas «agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible». Enfin, il faut réagir vite en cas de diffamation en ligne. Ce délit est prescrit civilement et pénalement au bout de trois mois.
D’autres instruments juridiques peuvent être utilisés afin de protéger la réputation des entreprises sur internet :
– diffamation et injure (loi du 29 juillet 1881)
Il s’agit des allégations ou imputations d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. Le diffamation peut se faire via les produits.
– Dénigrement (article 1382 du Code civil)
Le fait de décrier un concurrent ou ses produits, en portant atteinte à sa renommée dans l’esprit des consommateurs.
– Contrefaçon de marque
Elément important du patrimoine incorporel, la marque doit être protégée de la contrefaçon, par reproduction, imitation ou détournement.
– Parasitisme
C’est un acte de concurrence déloyale consistant à s’approprier la réputation ou le savoir-faire d’un concurrent créant ainsi une confusion dans l’esprit de sa clientèle avec la marque ou les produits parasités.
Si vous disposez en interne de ressources familières du web et que vous êtes peu ou moyennement exposé aux interactions des internautes, vous pouvez utiliser des outils gratuits permettant de faire de la veille sur des mots clefs liés à votre entreprise, votre secteur d’activité ou vos concurrents. Vous pouvez ainsi, entre-autres, placer une veille sur Google (via le service Google Alert), Twitter (Twitter Search), Wikipedia (service Wiki Alarm).
N’oubliez pas également de visiter régulièrement blogs et les forums influents. Si vous le jugez nécessaire, vous pouvez choisir d’avoir également recours à des outils de veille payant et automatisés. De tels outils permettent de systématiser la recherche sur toutes les sources, alors que l’humain peut en oublier ou en privilégier selon son intérêt personnel. Reposant généralement sur des serveurs externalisés hébergés en salles blanches, ces outils peuvent se facturer de 150 à plus de 7000 euros par mois en fonction de leur puissance.
Avant de mettre en place votre stratégie de communication, plongez-vous dans le web et cherchez à savoir comment on y parle de vous grâce à des outils payants ou gratuits. Ce travail doit vous permettre d’identifier les forums et réseaux sociaux influents afin de pouvoir interagir ultérieurement avec eux, en répondant par exemple aux commentaires. N’oubliez pas de vous intéresser aux blogueurs, qui constituent souvent de bons leaders d’opinions. «Ils n’ont pas forcement un très gros pouvoir d’achat. En revanche, certains ont un réel effet d’entraînement et de prescription», témoigne Clément Bourrat, directeur des études du cabinet de veille et d’intelligence économique en ligne Cybion. Profitez de ce travail pour aller au-delà de votre propre marque. Regardez comment on parle de vos concurrents sur le web et essayez de comprendre pourquoi ils y sont encensés ou critiqués.
Mettez en place des outils de contact
Une fois les forces et faiblesses de votre e-réputation analysées, mettez en place des outils pour rentrer en contact avec les internautes. À votre disposition: création d’un blog ou d’un forum – reliés ou non à votre site corporate – et ouverture d’un compte réseaux sociaux (Twitter, Facebook). «Les outils de base sont pour moi les plus anciens: le blog et le forum. C’est là que se font encore la grande majorité des conversations.
Apportez du contenu
Lorsque vos outils sont mis en place, veillez à les faire vivre en y apportant du contenu. Attention! Démarquez-vous de la communication institutionnelle fermée où le contenu s’apparente à une simple plaquette. Ce que vous mettez en ligne doit créer le dialogue, engager une conversation, faire réagir l’internaute afin de mieux connaître ses attentes ou son sentiment. Vous pouvez ainsi sortir du cadre strict des produits de l’entreprise, et interpeller l’internaute sur des sujets plus vastes. Plutôt que de défendre son image corporate et ses filiales, Véolia Environnement a ainsi choisi d’actionner un dispositif en ligne invitant les internautes à s’exprimer sur les conditions de vie en ville.
Mobilisez des ressources
Le contenu que vous apportez doit être «frais». Veillez donc à le renouveler régulièrement, sans vous en faire une montagne. «Pour une PME, un renouvellement par mois peut suffire dans le cadre d’un blog», souligne ainsi Christophe Asselin. En revanche, si vous choisissez de partir à l’offensive sur les réseaux sociaux, l’exigence de ressources se fait davantage sentir, puisqu’il s’agit alors de gérer une vraie stratégie communautaire. À moins de disposer en interne d’un collaborateur habitué aux nouveaux usages du web, vous pouvez choisir d’externaliser cette tâche auprès d’agences spécialisées, de recruter un spécialiste, voire de confier cette mission dans le cadre d’un stage.
1. Estimez le danger potentiel : Analysez la portée du forum concerné ou le réseau d’influence du blogueur qui a pris position. Si jamais le public touché est réduit et que les propos saisis n’ont que peu de risques de créer un «buzz» négatif, évitez de souffler sur les braises et de nourrir la polémique de façon publique.
2. Établissez le dialogue : Engagez-le de manière directe, par mail, ou si cela est possible, par téléphone, avec l’auteur du propos critique. Essayez de connaître les raisons de son mécontentement et d’y répondre. Si la polémique a pris de l’ampleur, vous pouvez même vous engager personnellement, à l’image de Frédérique Biousse, le DG de la marque de vêtements Sandro, monté au front alors que les bottines produites par sa société étaient dans la ligne de mire d’une blogueuse très influente. Ce dirigeant est ainsi intervenu en son nom propre sur le blog, s’est excusé, a reconnu l’existence de ratés et s’est engagé à mieux suivre le web pour mieux connaître les retours clients. Les internautes ont réellement apprécié la démarche et la crise a été désamorcée.
3. Évitez la menace : Une des plus grosses erreurs est de faire parvenir à un blogueur ou au responsable d’un groupe de discussion en ligne une lettre d’avocat réclamant le retrait d’un billet critique. «L’effet obtenu est généralement inverse à celui souhaité. Le blogueur va souvent choisir de communiquer autour de cette pression juridique, cela va nourrir la polémique et va même parfois renforcer le crédit de la critique exprimée», estime Christope Asselin, de Digimind.
4. Utilisez le référencement : En cas de crise majeure, lorsqu’une entreprise est particulièrement exposée, le recours au référencement payant est désormais de mise. Ikea a opté en février dernier pour cette stratégie assez novatrice, afin de contrer le buzz négatif entourant un mouvement social d’importance dans ses rangs. Afin de s’imposer au milieu des critiques émises en ligne par les internautes, le groupe a eu recours aux «liens sponsorisés», qui permettent à un annonceur de placer, contre rétribution, des liens promotionnels en tête des résultats formulés par les moteurs de recherche pour certains mots donnés. Ces fameux liens pointaient vers un texte rédigé par l’entreprise, où elle décrivait sa vision de la situation. Objectif avoué? Reprendre le contrôle du buzz. «Attention: il n’y a pas de miracle. Cette méthode ne permet que de corriger partiellement le tir, d’autant que les internautes font de mieux en mieux la différence entre les liens de référencement naturel et ceux sponsorisés», prévient Christophe Asselin. Et de conseiller: «Eviter ou réduire une crise passe par la production régulière de contenu positif, pensé pour un référencement naturel, qui viendra alimenter les résultats des moteurs de recherche et y rendra plus difficile et lente la montée en puissance d’un buzz négatif».
Dossier réalisé par Sébastien Payonne
Le Journal des Entreprises
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