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Accident du travail : comment prouver que l'on n'est pas un tiers responsable?
La victime d'un accident du travail lors d'une prestation chez un client peut faire jouer la responsabilité de droit commun. Pour l'entreprise cliente, il s'agit alors de prouver que l'action est irrecevable, puisqu'elle n'est pas un "tiers" mais que la victime était au contraire sous sa direction.
M. M est employé par une entreprise de nettoyage. Il intervient ainsi chez une entreprise cliente. Alors qu’il nettoie les vitres de cette entreprise, il est victime d’un accident du travail. Il décide d’engager une action en justice contre, non pas son employeur, mais contre la société dans laquelle il intervenait. Une action intentée au titre des principes de droit commun de responsabilité : la victime souhaite que la société soit reconnue comme tiers responsable afin d’obtenir réparation des préjudices qui n’ont pas été couverts par la sécurité sociale. Pour la société visée, il s’agit alors de prouver qu’au moment de l’accident, la victime était sous sa direction et son contrôle effectif. Cela lui permet de rendre l’action intentée contre elle irrecevable : si elle ne peut pas être un « tiers » – et donc a fortiori un « tiers responsable » –, elle peut bénéficier de la même immunité qu’un employeur, qui ne peut faire l’objet d’une action en responsabilité sur le fondement du droit commun.
Pouvoir exercé et statut de « tiers »
« L’accident s’est produit dans le cadre de l’exécution d’un contrat de nettoyage », constatent les juges. Et ce contrat donne une certaine latitude, quant aux décisions liées à la sécurité, à la société utilisatrice, qui a recours aux services des salariés de l’entreprise de nettoyage. Selon le contrat entre les deux entreprises, la société cliente valide les produits et matériels utilisés par les salariés de la société de nettoyage, décide de leurs horaires et de leur affectation à tel ou tel service. Une « notice en matière de sécurité et de protection de la santé » prévoit même que, pour les entreprises qui interviennent chez elle, elle « se réserve le droit de demander aux entreprises des interventions hors horaires publics pour la réalisation des tâches présentant des caractères dangereux », remarquent les juges en appel. Lorsqu’ils exécutent leurs tâches, les salariés de l’entreprise de nettoyage suivent les consignes générales, le règlement intérieur et les consignes de sécurité en vigueur dans la société où ils interviennent . Des éléments prouvant que la victime de l’accident du travail – M. M – était « sous la direction et la surveillance de la société cliente », qui ne peut donc être qualifiée de « tiers », toujours selon les juges de la cour d’appel.
De l’importance du constat au moment de l’accident
La Cour de cassation ne conteste pas cette conclusion. La société utilisatrice perd la qualité de tiers dans les cas où elle exerce sur le salarié un pouvoir de direction ou de surveillance. Il n’est ainsi pas possible de se retourner contre elle en application du droit commun de la responsabilité civile. Toutefois, les hauts magistrats cassent et annulent le jugement de la cour d’appel, qui a statué ainsi, « sans constater qu’au moment de la survenue de l’accident, la société B était responsable des conditions d’exécution du travail de la victime ».
Immunité de l’employeur en responsabilité civile
Si elle n’est pas considérée comme un tiers, cela signifie que l’entreprise utilisatrice peut éventuellement bénéficier de la même immunité qu’un employeur. Un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne peut en effet pas engager une action en responsabilité sur le fondement du droit commun contre son employeur – principe posé par l’article 451-1 du code de la sécurité sociale. Mais là encore, le constat est de toute façon défaillant pour statuer, juge la Cour de cassation. Elle rappelle qu' »une société qui n’est pas l’employeur de la victime ne peut bénéficier de l’immunité profitant à l’employeur que sous réserve qu’il soit établi qu’au moment même de l’accident la victime ait été sous la direction et le contrôle effectif de cette société ».
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