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Le plan de Bercy pour sauver la trésorerie des PME

Le ministre de l’Economie et des Finances, Pïerre Moscovici, a dévoilé son plan pour renforcer la trésorerie des PME, à l’occasion de l’ouverture du salon des Entrepreneurs le 6 février dernier. En 4 leviers et 11 mesures.

Le plan de Bercy pour sauver la trésorerie des PME

Le gouvernement a voulu prendre les devants en annonçant des mesures pour endiguer la dégradation de la trésorerie des TPE et PME, immanquablement provoquée par le ralentissement économique enregistré en 2012. D’autant que le mouvement de réduction des délais de paiement constaté depuis 2008 s’est sensiblement essoufflé depuis 2010, d’après l’enquête de décembre 2012 publiée par l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE), qui  note que « les délais de paiement des clients, en léger repli depuis leur point haut de juillet, restent malgré tout à des niveaux élevés, comparables à ceux de la crise de fin 2008 ».

Le  rapport de Jean-Michel Charpin, Inspecteur Général des Finances, remis à Pierre Moscovici en janvier 2013, pointe les risques associés à des délais de paiement élevés : un coût net pour les entreprises fournisseurs, un risque de propagation des incidents de paiement dans le tissu économique, la constitution d’un canal de transmission et d’amplification des chocs de liquidité. A cet égard, le rapport note l’évolution parallèle entre les retards de paiements et les défaillances d’entreprises.  Enfin, d’après l’enquête semestrielle d’Oséo publiée en janvier 2013, 40% des PME disent avoir rencontré des difficultés de trésorerie dans les six derniers mois et 32 % des PME s’attendaient en  novembre 2012 à une dégradation supplémentaire dans les mois à venir.

Face à ce constat alarmant, le ministre de l’Economie a décidé d’actionner quatre levier déclinés en 11 mesures :

1- Mobiliser immédiatement la Banque Publique d’Investissement

Action 1 : 500M€ de crédits de trésorerie mis à disposition des TPE et des PME par la Banque Publique d’Investissement (BPI)

Depuis le 3 janvier 2013, Oséo, filiale de la Banque Publique d’Investissement, a mis en place un fonds spécifique qui permet de garantir des crédits accordés par des banques privées aux TPE et aux PME.

Sont éligibles les crédits dont la durée normale est comprise entre 2 et 7 ans et qui ont pour objet de financer l’augmentation du besoin en fonds de roulement (BFR) et de consolider les crédits court terme existants. Par ailleurs, les prêts personnels aux dirigeants pour réaliser des apports en fonds propres à l’entreprise sont également éligibles, ainsi que  les opérations de cession-bail immobilières, avec une durée pouvant être portée jusqu’à 15 ans. 

Les PME et TPE intéressées s’adressent directement à leur interlocuteur bancaire traditionnel, qui se retourne vers Oséo pour bénéficier de la garantie offerte par le nouveau fonds. Les décisions sont prises à 100% au niveau local avec un délai de réponse de quelques jours.

Action 2 : mettre en place le préfinancement du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) 

A compter de la publication officielle de l’instruction fiscale détaillant les modalités de calcul du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi, un dispositif  de préfinancement sera mis en place, reposant à la fois sur la BPI et sur les banques privées.  Concrètement, les PME évalueront leur montant prévisionnel de CICE en début d’année, et pourront le faire attester. Sur ce fondement, elles pourront faire une demande de financement, directement auprès d’Oséo, filiale de la BPI, ou auprès de leur banque. Oséo ou la banque notifieront la créance à l’administration fiscale avant de faire une avance de trésorerie à l’entreprise. En fin d’année civile, la banque privée ou Oséo se verront directement rembourser la créance auprès de l’administration fiscale.

2- Aider des entreprises à mieux faire face à leurs besoins de trésorerie 

Le rapport de Jean-Michel Charpin recommande plusieurs pistes d’actions pour aider en particulier les PME et les TPE à faire face à ces besoins.

Action 3 : améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit en France

Le rapport de Jean-Michel Charpin pointe que le marché de l’assurance-crédit ne couvre que 10% des entreprises de plus de 10 salariés. Par ailleurs, il apparaît que l’organisation du marché de l’assurance-crédit ne permet pas d’atteindre efficacement l’ensemble des PME et des TPE. Le rapport estime que le fonctionnement de l’assurance-crédit en France pourrait être amélioré, notamment pour éviter qu’une révision brutale de l’exposition d’un assureur-crédit sur une entreprise ne contribue à la déstabilisation de sa situation financière. 

Lle Ministère de l’Économie et des Finances engagera une consultation de l’ensemble des acteurs, en particulier les assureurs-crédit et les organisations professionnelles avec pour objectif  de favoriser le développement de l’assurance-crédit par le biais de contrats de filières.  Par ailleurs, dans ce cadre, Pierre Moscovici souhaite améliorer le fonctionnement du marché de l’assurance-crédit et voir examinées les propositions visant par exemple à obtenir l’engagement des assureurs crédit à informer préalablement les entreprises de la réduction de leur note. 

Action 4 : favoriser le développement de l’affacturage à un coût compétitif  pour les TPE et les PME

Le financement de court terme des entreprises françaises repose principalement sur le financement bancaire : en France, les outils de mobilisation du poste-client comme l’affacturage ne représente que 7% du PIB. Le rapport de Jean-Michel Charpin note par ailleurs que l’affacturage pourrait cependant représenter un outil de financement à moindre coût pour les entreprises.

Le Ministère de l’Économie et des Finances engagera une concertation avec les organisations professionnelles et les sociétés d’affacturage pour améliorer la diffusion de ce dispositif  aux PME et

TPE et en limiter le coût. En particulier, le développement de nouvelles solutions en ligne, simples d’accès pour les entreprises devrait être favorisé.

Action 5 : mettre en place de nouveaux dispositifs pour faciliter l’accès des TPE à des solutions alternatives de financement

L’un des principaux constats du rapport de Jean-Michel Charpin est la difficulté pour les PME et les

TPE à accéder à des outils alternatifs de financement de leurs besoins de court terme.  Pour répondre à ce besoin, Oséo, filiale de la BPI  pourra faciliter l’accès à un produit d’affacturage garanti d’un montant maximal de 200 000€ pour l’ensemble des entreprises, indépendamment de leur nombre de salariés. La BPI développera également un nouveau fonds spécifique pour faciliter le recours aux cautions des entreprises de moins de vingt salariés. Nicolas Dufourcq, Directeur Général de la BPI, est chargé par le Ministre de l’Économie et des Finances de lui faire des propositions opérationnelles de mise en œuvre de ces deux recommandations pour le mois de mars prochain.

Action 6 : soutenir le besoin en fonds de roulement des PME et ETI exportatrices.

Les dispositifs publics proposés par Oséo et Coface pour soutenir les PME et ETI dans le financement de leurs exportations seront rationnalisés et simplifiés, dans la cadre de la mise en œuvre de la BPI. En parallèle, un groupe de travail sera constitué afin d’étudier la création de nouveaux produits visant à renforcer la trésorerie des PME et ETI exportatrices lorsque l’offre du secteur privé est défaillante. En particulier, l’escompte des crédits fournisseurs sera rendu plus accessible pour les PME et ETI, afin de leur permettre d’offrir des délais de paiement à leurs clients tout en stabilisant leur fonds de roulement.

3- Améliorer les délais de paiement de la sphère publique

Pour ce qui concerne le secteur public, l’Observatoire des délais de paiement note une amélioration très significative des délais de paiement de l’État en 2012 avec un repli de 35 % du délai global de paiement en 2012 (DGP) à 23 jours. 

Action 7 : étendre progressivement les services facturiers pour réduire à 20 jours les délais de paiement de l’État et aider les collectivités locales à réduire leurs délais de paiement

L’État procèdera progressivement, à compter, de  2013 à l’extension de centres de traitement et de paiement unique des factures, que l’on appelle les services facturiers. Ces services facturiers sont des services spécialisés placés sous l’autorité d’un comptable public et chargés de recevoir,  d’enregistrer les factures et de les mettre en paiement. Des services facturiers traitent d’ores et déjà les dépenses de plusieurs ministères en administration centrale, ainsi que celles des services déconcentrés des ministères économiques et financiers, du ministère de la Culture et des ministères sociaux. Le délai global de traitement des services déconcentrés de ces ministères est de 17 jours en 2012. Les services facturiers les plus performants parviennent à respecter des délais globaux de paiement inférieurs à 15 jours. 

4- Accroître l’efficacité de la loi pour le respect des délais de paiement

Action 8 : renforcer les contrôles des délais de paiement : 2000 établissements contrôlés en 2013

Les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont d’ores et déjà la possibilité de contrôler le respect des délais de paiement légaux par les agents économiques. En 2012, sur  plus de 1850 établissements contrôlés, le taux d’anomalie était de 29%.

Le Ministre de l’Économie et des Finances a fait de cette action la mission prioritaire de la DGCCRF dans le cadre de son plan annuel de contrôle pour l’année 2013. En 2013, 2000 établissements seront contrôlés par les agents de l’État, avec un ciblage  particulier sur les grandes entreprises, soit une augmentation des contrôles de plus de 10%. 

Action 9 : mieux sanctionner les délais de paiement par des sanctions administratives financières 

Le dispositif  de sanction des infractions aux règles encadrant les délais de paiement est aujourd’hui insatisfaisant, puisqu’il implique que l’entreprise victime d’un retard poursuive son client devant le juge commercial, engageant un contentieux potentiellement long et risquant de remettre en cause sa relation d’affaire avec son donneur d’ordre.  Une proposition législative a fait l’objet d’une  consultation avec l’ensemble des organisations professionnelles entre décembre 2012 et janvier 2013. Au terme de cette consultation, le dispositif  qui sera intégré dans le projet de loi sur la consommation au printemps prochain, permettra à l’autorité chargée de la concurrence, de la consommation et  de la répression des fraudes, après constat, par procès-verbal des agents habilités de la DGCCRF, d’un manquement aux règles relatives aux délais de paiement, de prononcer une amende administrative, dont le montant maximum sera par infraction de 75 000€ pour une personne physique et de 375 000€ pour une personne morale.

 Une procédure contradictoire de contestation du manquement et de l’amende, ainsi qu’une procédure de recouvrement de l’amende par les comptables publics, seront également mises en place. 

Action 10 : adapter la législation à la situation spécifique du secteur du bâtiment

Le rapport de l’Observatoire sur les délais de paiement note en particulier que le secteur du BTP est pénalisé par une évolution dissymétrique de ses délais de paiement puisque les entreprises du secteur qui ont écourté leurs règlements fournisseurs n’ont pu bénéficier en échange d’une baisse de leurs délais clients. Cela contribue à accentuer les tensions sur la trésorerie des entreprises du secteur qui subissent par ailleurs une conjoncture économique dégradée.

Un groupe de travail avec la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), devrait remettre sous deux mois des propositions de modification du cadre législatif en vigueur visant à améliorer la situation de trésorerie du secteur. En particulier, devra être examinée la possibilité d’obliger les maîtres d’ouvrage qui concluent un marché de travaux privés de payer chaque mois les travaux exécutés par l’entrepreneur sur la base des demandes de paiement mensuelles qu’il présente. De même, la généralisation de la pratique des avances et acomptes dans le bâtiment devra faire l’objet d’une attention particulière. 

Action 11 : favoriser la dématérialisation progressive des factures dans l’économie

En France, seules 5% des factures sont émises électroniquement, en dépit des assouplissements de la réglementation fiscale qui permettrait sont développement.  Le forum de la facturation électronique remettra ses propositions au Ministre de l’Économie et des Finances en juin 2013.  

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