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La notion d’intérêt propre et l’acte anormal de gestion
Deux arrêts du Conseil d’Etat rappellent l’importance de la notion d’intérêt propre au regard de la théorie de l’acte anormal de gestion. Celle-ci doit en effet être appréciée en fonction des circonstances.
Le respect de la liberté de gestion des entreprises gouverne, en principe, l’action de l’administration fiscale est, en principe. Les choix que l’entreprise fait sont souverains. De ce fait, l’administration n’a pas à s’immiscer dans sa gestion. Ce principe n’est toutefois pas absolu. La théorie de l’acte anormal de gestion est une illustration des limites de ce principe, comme le soulignent deux récents arrêts du Conseil d’Etat du 18 novembre 2008 (n° 308.449 et n° 91.041).
Dans la première affaire (n° 308.449), une société A avait cédé les titres d’une société B dont elle était actionnaire majoritaire à deux sociétés C et D, coactionnaires de la société B, pour un prix inférieur à la valeur vénale des titres. L’administration fiscale avait estimé qu’il y avait acte anormal de gestion et, de ce fait, réintégré au résultat de la société A les sommes correspondant à l’insuffisance du prix de cession. Se posait toutefois la question de savoir si la société A avait eu un intérêt propre à agir de la sorte, représentant une contrepartie équilibrée à cette renonciation à recette. A cet égard, elle a affirmé que cet avantage était nécessaire au maintien de l’implication personnelle des associés des sociétés cessionnaires dans le développement des titres de la société B. Le Conseil d’Etat a considéré que cela ne saurait suffire, au cas présent, à caractériser la poursuite d’un intérêt propre pour l’entreprise A, l’entreprise B n’ayant pas de difficulté particulière.
Dans la seconde espèce (n° 91.041), une société à responsabilité limitée (SARL) avait acheté à une personne physique une société anonyme (SA) exerçant l’activité d’administrateur de biens. Un an plus tard, la société avait revendu les parts de cette SA à cette même personne, moyennant un prix inférieur de moitié au prix d’acquisition. En outre, compte tenu des difficultés financières du cessionnaire, elle avait accepté un différé de paiement de sept ans sans intérêt, garanti par une hypothèque sur un immeuble lui appartenant. L’administration a admis le caractère normal de l’opération d’achat puis de revente de ces parts sociales, mais a qualifié l’abandon des intérêts d’acte anormal de gestion. La SARL a donc vu réintégrés dans ses résultats les intérêts auxquels elle avait renoncé. Le Conseil d’Etat a, au contraire, estimé que la SARL avait un intérêt à agir comme elle l’a fait et qu’il n’y avait donc pas acte anormal de gestion. Selon lui, si la SARL n’a pas souhaité conserver ses parts dans la SA, c’est en raison de la mauvaise situation financière de celle-ci. En raison de la crise immobilière, le vendeur initial était le seul acquéreur possible des parts, d’où l’intérêt pour la SARL de lui consentir un différé de paiement sans intérêt.
Ces deux arrêts du Conseil d’Etat rappellent l’importance de la notion d’intérêt propre au regard de la théorie de l’acte anormal de gestion qui doit être appréciée en fonction des circonstances. En effet, l’existence d’un tel intérêt permet à un acte qui pourrait être constitutif d’un acte anormal de gestion d’être considéré comme relevant d’une gestion normale.
Marine Payet, Master II de Droit Fiscal
Vincent Chaulin, avocat au Barreau de Paris et spécialiste en Droit Fiscal
Cabinet Chaulin
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