Le ministère de l’Écologie n'a pas publié hier le projet de loi pour la transition énergétique, mais en conseil des ministres puis devant la presse, Ségolène Royal a présenté l'exposé des motifs de ce que sera le "projet de loi de programmation pour la transition énergétique, un nouveau modèle énergétique français". En voici les principales dispositions.
On sait qu’il comporte pour l’instant 8 titres et 66 articles, on a l’exposé des motifs, mais le texte même du projet de loi pour la transition énergétique se fait toujours désirer. Au conseil des ministres qui s’est tenu hier, Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, a pris son tour au chapitre des « communications » et non des « projets de loi ». Elle a ainsi présenté une « communication relative au projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français », et de même quelques minutes plus tard devant la presse. La ministre veut tout « mettre en mouvement », à commencer par les entreprises. « J’ai voulu par ce texte répondre aux attentes des entreprises, en particulier par un volet très important sur l’ensemble des simplifications administratives et des procédures », présente-elle. « Les objectifs fixent un cadre stabilisé et clair, c’est important pour les entreprises, pour qu’elles puissent investir, avoir confiance, mettre en place les formations professionnelles nécessaires… et créer les 100 000 emplois dans le domaine de la transition énergétique et de la transition écologique au sens large. »
« Une conférence de presse ne peut remplacer un projet de loi »
Le projet de loi passera désormais, dans un premier temps entre les mains du CNTE, dont l’avis est attendu le 3 juillet, du Cese (conseil économique social et environnemental) qui doit soumettre au vote un projet d’avis le 9 juillet, et du Conseil d’État. Il devrait ensuite officiellement être présenté en conseil des ministres et déposé au bureau de l’Assemblée nationale pendant l’été. Le débat au Parlement doit débuter à l’automne. « Une conférence de presse ne peut remplacer un projet de loi », rétorque dans un laconique communiqué le député Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Il attend « avec impatience le dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale de ce texte, qui doit porter les conclusions du débat national sur la transition énergétique et engager la France sur un chemin permettant de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement ».
En attendant toutes ces échéances et les nouveaux arbitrages qui peuvent en ressortir, voici résumées les principales dispositions, titre par titre, telles qu’annoncées dans l’exposé des motifs et par la ministre.
Les cinq objectifs |
Ils feront l’objet du titre I du projet de loi.
- Réduire de 40 % les émissions de GES (gaz à effet de serre) d’ici 2030 par rapport à 1990 – ce qui est aussi l’objectif européen ;
- Diminuer de 30 % la consommation d’énergies fossiles en 2030 ;
- Faire passer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % en 2025 ;
- Diviser par deux la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050 par rapport à 2012 ;
- Porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation énergétique finale en 2030, en portant la part de chaleur renouvelable à 38 % de la chaleur consommée, la part des « biocarburants » à 15 % de la consommation de carburants, et la part d’électricité renouvelable produite à 40 % de la production totale d’électricité.
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Titre II — Les économies d’énergie
Dérogations aux règles d’urbanisme en cas de travaux d’isolation par l’extérieur (saillie des façades, rehaussement des toitures). |
Exemplarité énergétique pour tous les nouveaux bâtiments publics. |
Le PLU (plan local d’urbanisme) peut imposer des bâtiments à énergie positive, ou du moins faiblement énergivores. |
Obligation d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment à chaque fois que des travaux importants sont réalisés (ravalement de façade, réfection de toiture, aménagement d’un garage). |
Création d’un « fonds de garantie pour la transition énergétique ». |
Obligation de mettre en place des compteurs individuels pour les consommations de chaleur, de froid, d’eau chaude (transposition de la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique). |
Réforme du dispositif des CEE (certificats d’économies d’énergie) en vue de la troisième période d’obligations (2015-2017). |
Titre III — Transports propres/qualité de l’air
Déploiement des véhicules électriques dans les flottes publiques. |
Possibilité d’expérimentation de circulation sur la voie publique de véhicules innovants. |
Déploiement des bornes de recharge pour véhicules électrique et hybrides. |
Augmentation de la part des énergies renouvelables dans les transports, avec des « biocarburants avancés ». |
Réduction des émissions de GES des entreprises de la grande distribution (obligation de panneaux photovoltaïque sur les toitures). |
Mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air. |
Prime à la conversion pour le remplacement des véhicules les plus polluants par des véhicules propres, conditionnée par des critères sociaux et géographique. |
Développement du covoiturage : généralisation de « plans covoiturage » dans toutes les grandes entreprises. |
Mise en place de la base légale pour fixer des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques en 2020, 2025, 2030, via un Prepa (plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques). |
Renforcement des outils de planification territoriale pour la qualité de l’air, les PPA (plans de protection de l’atmosphère). |
Titre IV — Économie circulaire
Objectif de transition vers une économie circulaire, avec des objectifs quantifiés de prévention et de gestion des déchets. |
Interdiction de discrimination en l’encontre des matières issues du recyclage. |
Principe de proximité dans la gestion des déchets et autosuffisance des territoires qui doivent pouvoir éliminer tous les déchets non valorisables qu’ils produisent. |
Meilleure valorisation des déchets de bois. |
Titre V — Énergies renouvelables
Nouveau dispositif de soutien : possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite, en bénéficiant d’une prime, appelée « complément de rémunération » (et modification du régime des appels d’offres pour en tenir compte). |
Possibilité pour les collectivités territoriales de participer au capital d’une société produisant des énergies renouvelables sur leur territoire. |
Les porteurs de projets d’énergie renouvelables devront obligatoirement proposer aux habitants du territoire concerné la possibilité d’entrer au capital de la société. |
Concessions hydroélectriques : création de sociétés d’économie mixte (public-privé) hydroélectriques et regroupement en une concession unique les aménagements d’une même vallée. |
Titre VI — Sûreté nucléaire
Information et transparence renforcées, notamment via la Cli (commission locale d’information) et l’obligation pour l’exploitant d’une INB (installation nucléaire de base) avec un plan particulier de prévention d’envoyer des informations aux riverains. |
Refonte de l’encadrement de la mise à l’arrêt définitif et du démantèlement des INB, pour que le démantèlement ait lieu plus rapidement. |
Nouvelles possibilités de sanction pour l’ASN (autorité de sûreté nucléaire), notamment des astreintes administratives journalières. |
Plus de compétences pour l’ASN, notamment concernant les déchets non radioactifs, les produits et équipements à risques (zone Atex), les produits chimiques. L’exposé précise que « cette possibilité sera approfondie par le gouvernement ultérieurement ». |
Titre VII — Simplification
Délais de recours pour les énergies renouvelables en mer limités. |
Nouvelles règles de consultation du public pour les ouvrages de transport d’électricité. |
Le Conseil d’État devient compétent en premier et dernier ressorts pour les contentieux sur ces ouvrages en mer. |
Valorisation du « bénéfice apporté par les entreprises électro-intensives au système électrique », en leur permettant de moins payer les coûts de réseaux. |
Titre VIII — Gouvernance
Mise en place d’une stratégie nationale bas-carbone et de « budgets carbone » pour renforcer la gouvernance du changement climatique et favoriser les investissements bas-carbone. |
Fixation d’objectifs sur 15 ans. |
Comité d’experts pour conseiller le gouvernement dans le pilotage des émissions de GES. |
Mise en place d’une PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) qui fusionne et complète les documents de programmation existants (PPI électricité, PPI gaz, PPI chaleur). |
Réforme de la CSPE (contribution au service public de l’électricité) avec le renforcement de sa gouvernance (meilleur contrôle du dispositif par le Parlement). |
Comité « d’experts indépendants chargé d’éclairer les enjeux de la transition énergétique », avec une amélioration de la transparence en permettant la diffusion des données relatives à la production et la consommation d’énergie aux porteurs de politiques publiques. |
Objectif de prise en compte des impacts de la transition écologique et énergétique dans les champs des politiques de l’emploi et du dialogue social, tant dans les branches professionnelles que dans les entreprises. |
Affirmation du rôle de la recherche et de l’innovation dans la politique énergétique. |
Pilotage du mix énergétique : modification du régime de l’autorisation d’exploiter les installations de production d’électricité, afin de « le recentrer sur les aspects énergétiques ». La mesure « permet à l’autorité administrative de limiter la durée de fonctionnement d’une installation afin que les valeurs limites d’émissions fixées par voie réglementaire soient respectées ». |
Plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire (63,2 GW). Toute autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité d’origine nucléaire doit respecter ce plafond. |
Définition d’un « plan stratégique » pour « les exploitants produisant plus du tiers de la production d’électricité nationale ». |
Transition énergétique dans les territoires : élaboration d’un PCAET (plan climat air énergie territorial) dans tous les territoires, par des « autorités organisatrices de l’énergie » (AOE), c’est-à-dire les établissements publics de coopération intercommunale adoptant ce PCAET. |
Objectif de 200 projets de territoires à énergie positive engagés en France en 2017. |
Droit à un déploiement expérimental d’un ensemble de solutions de réseaux électriques intelligents dans une zone géographique. |
Dispositions spécifiques aux outremers. |
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