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Le cautionnement
Le cautionnement est une pratique courante pour garantir le risque d’impayé. Mais il implique un certain nombre d’engagements. Zoom sur ses caractéristiques et son fonctionnement.
Le risque d’impayé est très important dans la vie des affaires. C’est pourquoi il est fréquent pour les établissements de crédit et les organismes prêteurs de garantir le remboursement de leurs dettes par des sûretés. Le cautionnement peut être une de ces sûretés. Il permet au prêteur de poursuivre, en cas de défaillance du débiteur principal, le remboursement de sa dette auprès d’un autre débiteur, appelé caution ou cautionnaire.
Dans le cas d’un crédit, la personne qui se porte caution peut donc être éventuellement tenue de rembourser le capital, de payer les intérêts normaux et les intérêts de retard et les frais éventuels de procédure. Cet engagement peut être qualifié de civil ou de commercial. Cette qualification emporte l’application d’un régime différent. Le législateur impose aux parties au contrat de cautionnement le respect d’un certain formalisme. De plus, en raison de l’impact du cautionnement sur le patrimoine du dirigeant, il est préférable de prendre quelques précautions.
Le cautionnement est, en principe, par nature, un acte civil. Néanmoins, il est admis que, par exception, le cautionnement peut être de nature commerciale.
La nature commerciale du cautionnement implique la compétence du tribunal de commerce en cas de litige. En revanche, les délais de prescription (cinq ans) sont identiques, que l’action soit civile ou commerciale.
Le cautionnement peut être qualifié de commercial quand :
- il est souscrit à titre onéreux par un établissement de crédit. Dans ce cas l’établissement se porte caution pour son client, ce dernier le rémunérant pour cette prestation ;
- la caution s’engage à honorer en cas de défaillance du débiteur principal des effets de commerce ;
- le cautionnement est souscrit pour les besoins d’une activité commerciale, par exemple lorsqu’un fournisseur se porte caution de son distributeur envers une banque pour lui faciliter l’octroi d’un prêt ;
- le cautionnaire a un intérêt personnel d’ordre patrimonial dans l’affaire et l’opération cautionnée est commerciale. C’est, par exemple, le cas du dirigeant de l’entreprise qui se porte caution lors de l’obtention d’un crédit au bénéfice de son entreprise. La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé que cette qualification s’imposait même quand le dirigeant de l’entreprise n’avait pas la qualité de commerçant. En revanche, les cautionnements des associés, même majoritaires, et ceux du conjoint du dirigeant ne sont pas considérés comme commerciaux.
La nature civile ou commerciale du cautionnement entraîne l’application de règles distinctes qui peuvent avoir des implications importantes sur le patrimoine du cautionnaire.
Le cautionnement étant un acte important pour une personne physique, le législateur conditionne sa validité à des règles de formes strictes. Ainsi, le Code civil prévoit que la caution doit s’engager expressément. Ne pouvant être présumé, le cautionnement donne le plus souvent lieu à l’établissement d’un écrit. Cet écrit est obligatoire, dans tous les cas où la loi impose que la caution porte certaines mentions dans l’acte constatant son engagement.
En revanche, afin de faciliter la vie des affaires, l’exigence d’un écrit soumis à des règles de formes strictes ne s’applique pas au cautionnement commercial. Toutefois, dans un but de protection du dirigeant qui se voit la plupart du temps imposer un cautionnement de sa société par un organisme de crédit, la jurisprudence a tempéré ce raisonnement. Ainsi, les règles de preuve commerciales ne s’appliquent que lorsque la caution a la qualité de commerçant. La preuve peut se faire par tous moyens uniquement quand l’acte est de nature commerciale et que le cautionnaire a la qualité de commerçant (une personne qui exerce des actes de commerce et en fait sa profession habituelle).
Un acte de cautionnement incomplet ou mal rédigé constitue seulement un commencement de preuve par écrit qui doit être complété par des éléments extérieurs. La jurisprudence considère ainsi que la qualité de dirigeant de société constitue un élément extérieur prouvant l’acte de cautionnement. En effet, en raison de sa position dans la société le dirigeant a nécessairement connaissance de l’acte, et de l’étendue de son engagement.
Le cautionnement commercial exige donc un acte écrit qui doit respecter les mêmes prescriptions que l’acte de cautionnement civil, sauf quand il est souscrit par un commerçant dans l’exercice de ses fonctions.
La nature commerciale du cautionnement entraine automatiquement la solidarité. Celle-ci s’applique de plein droit en matière commerciale, alors qu’elle doit expressément être stipulée dans le cadre du cautionnement civil.
Là encore, le législateur est intervenu, afin de limiter les conséquences, pour un dirigeant de société, liées à la conclusion d’un contrat de cautionnement commercial. Ainsi, le Code de la consommation dispose que dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel, les clauses de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion sont réputées non écrites si l’engagement de la caution n’est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé. Ce montant doit inclure les intérêts, les frais et accessoires. Un cautionnement pour un montant non limité ne peut donc pas être solidaire.
Dans un but de protection des intérêts de la caution, le juge peut également qualifier l’acte de cautionnement de mixte, c’est-à-dire de commercial et de civil, en fonction de la qualité des parties. Dans ce cas, le juge applique les règles spécifiques à chaque cautionnement.
On distingue le cautionnement simple du cautionnement solidaire.
Le cautionnement simple
Le cautionnement simple est une garantie de paiement où la caution n’est pas solidaire du débiteur principal ou des autres cautions. En effet, en l’absence de la mention expresse « cautionnement solidaire » sur l’acte de cautionnement, la caution est engagée selon les règles du cautionnement simple.
Cette absence de solidarité à deux conséquences :
- Le créancier ne peut chercher le paiement auprès de la caution, qu’après avoir épuisé tout les recours juridiques possibles (bénéfice de discussion). Ainsi, une caution simple ne peut être engagée qu’après la mise en œuvre et l’échec d’une saisie mobilière ou immobilière, par exemple.
- La caution peut opposer au créancier le bénéfice de division : en cas de pluralité de cautions, le créancier est contraint de poursuivre chaque caution pour sa part.
Le Code civil prévoit qu’il appartient à la caution d’opposer ces arguments au créancier qui ne les aurait pas respectés.
L’engagement de la caution simple est donc assez limité. C’est pourquoi, en pratique, les partenaires financiers de l’entreprise favorisent plutôt le recours au cautionnement solidaire.
Le cautionnement solidaire
Le cautionnement solidaire nécessite un écrit, sauf dans l’hypothèse d’un cautionnement commercial souscrit par un commerçant.
Cette exigence du législateur s’explique par l’importance de l’engagement de la caution dans ce contrat. En effet, la situation est très protectrice pour le créancier qui peut s’adresser à la caution dès que le débiteur principal est défaillant, sans attendre l’expiration des voies judiciaires. La caution perd le bénéfice de discussion qui lui est accordé en cautionnement simple. Elle est tenue au paiement de la créance dans les mêmes conditions que le débiteur principal.
De plus, lorsque plusieurs personnes sont cautions solidaires, elles garantissent ensemble le créancier et chacune d’entre elles est engagée pour le tout. Le créancier est libre de choisir le débiteur qu’il souhaite, son choix s’arrêtant, de manière logique, sur le plus solvable.
Par son paiement, la caution est automatiquement subrogée dans les droits, actions et privilèges du créancier, c’est-à-dire qu’elle bénéficie des droits dont bénéficiait le prêteur à l’égard de l’emprunteur. De plus, la solidarité a pour effet de rendre opposable à la caution une décision de justice rendue contre le débiteur principal.
Lorsqu’une personne physique se porte caution par acte sous signature privée (c’est-à-dire un acte qui n’est pas passé devant notaire), une mention manuscrite spécifique doit figurer dans l’acte de cautionnement, de façon à faire prendre conscience à la caution de l’étendue de son engagement. Cette mention est la suivante et uniquement celle-ci :
« En me portant caution de X dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même ».
En cas de cautionnement solidaire, il faut ajouter la phrase suivante, à peine de nullité de l’engagement de la caution solidaire :
« En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec X, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X »
Si la caution n’a pas entièrement rédigé son engagement de sa main, l’engagement est nul et la banque ne peut faire jouer la caution.
Attention : le créancier professionnel doit avertir la caution avant le 31 mars de chaque année du montant du principal, des intérêts, commissions et frais restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ainsi que le terme de cet engagement.
De plus, si l’engagement est à durée indéterminée, le créancier doit rappeler à la caution sa faculté de révoquer son engagement à tout moment. Si la caution révoque son engagement, elle reste néanmoins engagée pour les dettes échues au moment de ladite révocation. Le non-respect de cette obligation entraine, pour le créancier, la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.
Le créancier est tenu d’informer la caution dans un délai d’un mois, à compter de l’incident de paiement, de la défaillance du débiteur. La jurisprudence précise que cette obligation s’applique également au dirigeant cautionnaire de sa société.
Si le dirigeant souscrit un contrat de cautionnement de sa société, il devient responsable des défaillances de la société sur son patrimoine propre. Cette souscription peut conduire à des situations comme la saisie du domicile ou des comptes bancaires.
En raison des conséquences qui peuvent être désastreuses pour le patrimoine du dirigeant de société, on ne saurait que trop conseiller au dirigeant d’être extrêmement prudent avec ce mécanisme. Toutefois, dans certaines situations, le cautionnement du dirigeant peut apparaitre comme la seule solution afin d’obtenir de nouveaux financements. Le législateur a donc prévu des dispositions pour limiter l’engagement de la caution.
Le choix du régime matrimonial
Afin de limiter ces conséquences, le dirigeant de la société doit notamment porter une attention particulière à son régime matrimonial. Il peut être dans l’intérêt du patrimoine du couple de conclure un contrat de mariage pour choisir un régime de séparation de biens ou de participation aux acquêts. Ces régimes permettent en effet de protéger les biens du conjoint des créanciers professionnels. Ainsi, il est courant d’attribuer la propriété des biens privés au conjoint qui n’est pas dirigeant, ce dernier n’étant propriétaire que de l’entreprise. Sauf que le régime légal de la communauté réduite aux acquêts s’applique par défaut. Or, ce régime autorise les créanciers de la société à saisir les biens du dirigeant et de son conjoint. Il est donc nécessaire pour les époux d’exprimer leur volonté particulière sur ce point. En pratique, cette règle peut être contournée par l’engagement du conjoint dans les conditions similaires à celles du dirigeant. Dans ce cas, le cautionnement est de nature civile. A ce titre, le conjoint caution est protégé par les règles de formalisme et surtout par le principe du bénéfice de discussion. Celui-ci impose que le créancier n’engage des poursuites à l’encontre de la caution qu’une fois toutes les voies procédurales épuisées. A moins que le contrat déroge à ce principe… Dès lors, on ne serait que trop conseiller de lire attentivement le contrat de cautionnement et d’en négocier les modalités avec le créancier.
Limitation de l’acte de cautionnement
Le dirigeant qui se porte caution des dettes de sa société doit mesurer l’étendue financière de son obligation, ainsi que la durée de celle-ci.
Lorsque le cautionnement vient en garantie d’un prêt bancaire il est limité quant à son montant. En effet, la garantie prend en compte le principal emprunté, ainsi que les intérêts et les éventuelles pénalités de retard.
En revanche, le cautionnement peut garantir l’ensemble des prêts que la société pourrait souscrire auprès de la banque. Dans ce cas, le dirigeant se porte garant pour l’ensemble des dettes nées ou à naitre du fait de l’activité de la société. Cette garantie étant beaucoup plus risquée pour le patrimoine du dirigeant, il est prudent pour le dirigeant de négocier avec ses créanciers un maximum au-delà duquel il ne pourra pas être engagé.
De même, le dirigeant doit être attentif à la limitation dans le temps du cautionnement. Il se porte garant de sa société précisément parce qu’il est le dirigeant de cette société. Toutefois, même s’il cesse ses fonctions, le cautionnement ne prend pas nécessairement fin. Si les parties ont précisés un terme à l’engagement, c’est-à-dire une date au-delà de laquelle la caution ne pourra pas être engagée, le cautionnement est limité dans le temps. En revanche, si le contrat de cautionnement ne prévoit pas de terme extinctif, le dirigeant de la société, sans acte volontaire de sa part, reste engagé au-delà de l’exercice de ses fonctions. Il doit donc faire connaitre au créancier sa volonté de renoncer à ce cautionnement. A charge pour le banquier de souscrire auprès du nouveau dirigeant un nouvel acte de cautionnement. En outre, la loi française prohibant les engagements perpétuels, le dirigeant peut à tout moment mettre fin au contrat de cautionnement.
La souscription d’un cautionnement proportionnel aux facultés financières du dirigeant
La loi prévoit qu’un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné au regard de ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Cette disposition bénéficie au dirigeant personne physique.
Le caractère manifestement disproportionné doit s’apprécier au moment de la conclusion du contrat de caution, mais également au moment où la caution est appelée. Il s’apprécie au regard du patrimoine de la caution. En cas de disproportion, la caution est déchargée de son engagement. Elle n’est donc plus tenue d’honorer les créances du débiteur principal. Ce point est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Les implications des procédures collectives et le rétablissement personnel
Le dirigeant personne physique qui est dans l’impossibilité de faire face à l’engagement de cautionner une dette de la société qu’il dirige peut demander à bénéficier d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement. Dans le cadre de cette procédure, les sommes dues au titre du cautionnement peuvent faire l’objet d’un report ou d’un rééchelonnement, d’un effacement partiel ou d’un effacement total en cas d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou de clôture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
Par ailleurs, dans le cadre des procédures collectives, le dirigeant doit pouvoir anticiper les difficultés de sa société et lancer une procédure collective dès les premières difficultés financières afin d’éviter la liquidation judiciaire.
Dès lors, le dirigeant garant de sa société peut se prévaloir des dispositions de l’accord qu’il soit constaté ou homologué, ainsi que de celle du plan de sauvegarde. En revanche, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le dirigeant garant ne peut se prévaloir des dispositions du plan.
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