Interview

Aurélien Daussy, fondateur et gérant de Qualivox, à Nantes (44)

Beaucoup d’entreprises disent se soucier de leurs relations avec leurs clients. Sauf que, bien souvent, la réalité prend un tout autre visage… A la tête de Qualivox, une société spécialisée dans la satisfaction client, Aurélien Daussy est pourtant convaincu que celle-ci fait de plus en plus souvent la seule différence entre deux entreprises concurrentes. Explications.

Aurélien Daussy, fondateur et gérant de Qualivox, à Nantes (44)

En quoi la satisfaction client est-elle un élément essentiel sur lequel les entreprises doivent absolument travailler ?

Aujourd’hui, rares sont les entreprises qui se démarquent par un positionnement produit ou prix. Bien souvent, il n’y a rien de vraiment différenciant entre deux sociétés d’un même secteur. Par exemple dans l’optique, pour une même monture, les différents acteurs s’alignent sensiblement sur le même tarif, ils ont tous les même fabricants de verres, ils ont chacun leur marque blanche… Alors pourquoi aller plutôt chez l’un que chez l’autre ? Selon moi, la relation client fait 80 % d’un achat. Hormis quelques secteurs ou produits très impliquants pour lesquels, même si le commercial n’est pas très agréable, on va a priori acheter le produit, dans la majorité des cas, même si un produit est techniquement bon, si l’aspect relationnel est bloquant, l’achat ne se fera pas. A l’inverse, un excellent relationnel peut constituer un déclencheur. D’ailleurs, quand on interroge les clients dans une enquête de satisfaction post-achat, la qualité de la relation client est citée avant le prix. Pourquoi les hypermarchés font-ils des animations commerciales alors que cela coûte extrêmement cher aux marques ? Parce qu’en le faisant, le produit se vend mieux grâce à l’animateur !

Sur quoi repose la satisfaction d’un client ?

Le client doit sortir d’un point de vente en se disant non seulement que le vendeur est compétent, mais qu’en plus il s’est senti en confiance, écouté, compris. Il doit y avoir une relation de séduction qui s’est instaurée, qui va plus loin que la simple empathie du vendeur pour la problématique d’un client.

Est-ce à la portée de tout le monde ?

Ce qui est génial avec la relation client, c’est que cela ne coûte rien et que cela fait gagner de l’argent ! Le seul problème selon moi, c’est que cela implique 80 % d’inné – c’est le cas du sourire, par exemple – pour seulement 20 % d’acquis. C’est très simple de former techniquement un vendeur. En revanche, c’est beaucoup plus difficile de le former sur le plan relationnel.

Quelles sont les principales pistes d’amélioration que vous détectez ?

La première, c’est la découverte client. Il y a encore beaucoup de vendeurs qui n’ont pas compris la nécessité de savoir ce que le client attend. Alors que cette démarche ne prend pas forcément de temps : il s’agit juste de poser les bonnes questions, et au-delà, de savoir écouter, en évitant par exemple de faire soi-même les réponses… En laissant de côté la découverte client, on court le risque de proposer un produit ou un service qui soit complètement à côté de la plaque.
Autre conseil : évitez de mettre le client dans une case dès qu’il a passé la porte ! Au hasard, je prends l’exemple de concessions automobiles dans lesquelles le vendeur connaît mieux que lui son pouvoir d’achat pour sa prochaine voiture… Et même en admettant qu’il ait raison : qui dit que ce client-là ne sera pas acheteur dans cinq ans ou qu’il ne peut agir comme prescripteur ? On doit donc recevoir de la même manière n’importe quel client. Problème : les vendeurs sont souvent dans une stratégie de court terme. Et très peu d’entreprises raisonnent sur le long terme…

Dans votre activité, vous réalisez beaucoup de visites mystère. En quoi cela consiste-t-il ?

Il y a toujours un delta entre la qualité de la relation client que l’on veut donner et celle perçue par le client : c’est ce que mesure la visite mystère.
On commence par faire une découverte client : on étudie le contexte, ce qu’il attend. Ensuite, le chef de projet va faire une visite mystère « à blanc » pour percevoir comment ça se passe dans le point de vente. L’objectif de cette visite est de ne pas être influencé par la vision du client car ça ne se passe jamais comme il nous le décrit. Ensuite, on voit le responsable et on lui demande ce qu’il attend. Puis, on conçoit un outil qui sythétise trois thèmes : « qu’est-ce qui s’est vraiment passé ? », « qu’est-ce que l’entreprise veut ? » et « qu’est-ce que le client attend ? ».
On effectue un rapport à l’issue de chaque visite mystère, puis, suivant le souhait de l’enseigne, on met en place un indicateur barométrique pour suivre l’évolution de la relation client. Ces rapports constituent une mine d’or de pistes d’amélioration. Malheureusement, on constate qu’ils sont suivis d’actions correctives dans la moitié des cas seulement, certains de nos clients ne recherchant que des indicateurs…

Combien ça coûte ?

Tout dépend du temps passé sur le point de vente par le client mystère, de son profil et du scénario que nous mettons en place. Mais on peut dire qu’une démarche à l’année coûte entre 1000 et 2000 euros grand maximum pour un commerce lambda. Après, on a naturellement des économies d’échelle avec deux, trois ou quatre points de vente et c’est aussi naturellement moins cher si l’on fait l’enquête par téléphone ou sur internet : on y passe moins de temps et cela ne cécessite pas de déplacement.

D’après votre expérience, où en sont les entreprises sur le sujet de la satisfaction client, et particulièrement les TPE-PME ?

Je constate une vraie évolution, même si elle est généralement de façade, chez les grandes entreprises. Tous les directeurs marketing mettent en place des études, par exemple. En revanche, rares sont celles qui considère la satisfaction client comme un critère au même titre que le panier moyen ou le chiffre d’affaires. Ce qui fait que la vraie prise de conscience, c’est-à-dire celle qui se traduit dans le management, est très rare.
Les plus petites entreprises savent aussi qu’il faut travailler sur la relation client car c’est un sujet à la mode. Mais il est souvent plus difficile de travailler sur ce sujet quand on est soi-même en front office. L’argument classique que j’entends souvent, c’est : « je sais ce qui se passe chez moi : je suis là ! Pas besoin de faire intervenir quelqu’un ! ». Sauf qu’en fait, on est dans son entreprise comme on est chez soi, donc on ne voit souvent plus rien. Beaucoup, par exemple, se donnent des objectifs qui ne sont pas forcément ceux auxquels le client va s’attacher.
Pourtant toutes les chambres de commerce et d’industrie ont mis en place une démarche qualité commerce en proposant des visites mystères pour un coût assez modéré. Sauf que, dans les grandes villes, on ne compte au final qu’une quarantaine de participants… Pour eux, c’est toujours trop cher pour faire quelque chose qu’ils pensent voir. Alors que bénéficier d’un regard extérieur à un moment donné, c’est important pour n’importe qui : ça peut permettre de prévenir une baisse de chiffre d’affaires ou de pérenniser son activité, notamment.
On s’aperçoit ainsi que ceux qui travaillent vraiment la relation client ne subissent pas la crise. Ils tournent bien, parce qu’ils se remettent en question, mettent tout de suite en place des actions correctives. La satisfaction client, c’est un cercle vertueux ! D’ailleurs, on s’aperçoit que parmi nos clients, ceux qui commencent ne s’arrêtent pas et que les meilleurs points de vente en relation client sont aussi les meilleurs en chiffre d’affaires…

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

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