Interview

Christophe de Brebisson, expert-comptable, associé RSM France

Dans le package d’annonces économiques faites par Nicolas Sarkozy en janvier dernier, que faut-il penser de la création d’une banque de l’industrie ? S’agit-il d’une vraie bonne nouvelle ou bien d’un pur effet d’annonce ? Christophe de Brebisson, expert-comptable et conseil chez RSM France, nous livre son point de vue…

Christophe de Brebisson, expert-comptable, associé RSM France

Que faut-il penser de la création, par Nicolas Sarkozy, d’une « super banque de l’industrie » ?

Ce qui est sûr, pour le moment, c’est la création d’un fonds rattaché à Oséo et qui financerait exclusivement les PMI. Mais l’idée de ce fonds n’a rien de nouvelle. Il existait déjà un fonds via le FSI (Fonds stratégique d’investissement, NDLR).
On n’a pas trouvé 20 milliards d’euros pour les PMI : on va prendre un milliard d’euros et les mettre dans Oséo car aujourd’hui, c’est le seul acteur du financement qui a fait ses preuves.
Cette annonce de banque de l’industrie, c’est un peu comme le grand emprunt : il n’y a jamais eu de grand emprunt obligataire. Ce qu’on fait, c’est créer d’autres structures auxquelles on alloue des fonds qui existent déjà.

Sauf que ces fonds vont être spécifiquement dédiés à l’industrie quand même…

Effectivement, au lieu qu’ils s’adressent à tous les secteurs d’activité, ils vont concerner uniquement l’industrie, donc c’est quand même plus intéressant. D’autant plus que ces prêts participatifs vont bénéficier de conditions un peu particulières : ils seront sur 8 ans au lieu de 7 normalement quand Oséo intervient, et avec une fourchette d’intervention plus large.

Cette « banque », filiale d’Oséo, doit être dotée d’un milliard d’euros de fonds propres. Comment en vient-on aux 20 milliards dont on entend parler pour financer les PMI ?

Les fonds apportés par Oséo sont considérés comme des quasi fonds propres par les banques. Grâce à l’effet de levier, Oséo Industrie devrait pouvoir prêter plus de 10 milliards d’euros avec ce milliard d’euros. Ce qui veut dire derrière, qu’avec, il sera possible de financer entre 20 et 25 milliards auprès des banques. Par exemple, si Oséo prête 500.000 euros à une entreprise, celle-ci va pouvoir faire jouer l’effet de levier et débloquer au moins le même montant auprès des banques, qui vont demander à Oséo de garantir le prêt.

C’est donc plutôt une bonne nouvelle ?

C’est bien d’avoir créé un fonds dédié à l’industrie. Sauf qu’Oséo ne peut pas réussir seule : si, en face, les banques ne prêtent pas, ça ne servira à rien, les fonds ne seront pas consommés ! Or, aujourd’hui, si Oséo n’existait pas comme prêteur et comme garantie, il ne se passerait rien du côté des banques ! La faute aux nouvelles réglementations bancaires (Bâle III) qui imposent aux banques privées d’avoir toujours plus de fonds propres et à la crise du crédit actuelle. Résultat, en fonction des acteurs, de leur niveau de maturité sur le marché et de leur niveau d’endettement, il est plus ou moins difficile d’obtenir un prêt pour une entreprise. Un exemple : une de nos entreprises clientes est allée voir la Banque Populaire et les Caisses d’Epargne qui appartiennent toutes les deux au groupe Natixis. Le bilan ? La Banque Populaire est actuellement incapable de prêter 500.000 euros à une entreprise, alors que pour la Caisse d’Epargne, qui est plus récente sur ce marché du crédit bancaire, il n’y a pas de problème pour prêter.

Comment remédier au problème du financement des entreprises selon vous ?

La vraie problématique pour les entreprises, c’est qu’un partenaire bancaire doit pouvoir s’investir dans la durée : ce n’est pas un simple fournisseur de photocopieuses ! Donc, soit on contraint les banques à prêter, soit on permet à Oséo d’y aller toute seule. Contraindre les banques, c’est ce qui avait été en partie fait avec la mise en place du médiateur du crédit et qui a permis de résoudre certaines situations. Mais, pour moi, la seule vraie réponse finalement, c’est d’avoir une Caisse des Dépôts et Consignations et un Oséo forts. D’ailleurs, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, je suis persuadé que leur rôle sera renforcé. La différence, c’est que si c’est la gauche qui passe, ce sera encore plus accentué.

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

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