Interview
Philippe Gluntz, Président de la fédération nationale des réseaux de Business Angels
Business angel depuis sept ans, Philippe Gluntz est depuis peu le Président de France Angels qui rassemble quelque 70 réseaux. Ses principaux objectifs ? Sensibiliser l’opinion à l’investissement des entreprises innovantes par les business angels, mais aussi développer les réseaux existants.
Vous venez d’être nommé Président de France Angels. Quel a été votre parcours ?
J’ai suivi un parcours assez classique. J’ai d’abord fait ma carrière dans l’informatique, comme ingénieur puis j’ai monté ma propre société avec des amis. J’ai également été directeur général d’Alcatel et vice-président international de Cap Gemini. Puis, à 61 ans, j’en ai eu assez de toutes ces grandes structures. Pour autant, je ne voulais par rester à ne rien faire. Par hasard, on m’a suggéré de petites sociétés informatiques dans lesquelles j’ai investi à titre personnel. Je n’ai pas fait des affaires extraordinaires et me suis rendu compte que ce n’était pas la bonne solution. Sur une initiative de la Ville de Paris et de Claude Rameau, mon prédécesseur à France Angels, Paris Business Angels a été créé et cela m’a paru aller dans le bon sens. J’en suis devenu le Président un an plus tard. Et finalement, quand Claude Rameau a cherché un successeur, il s’est tourné vers moi.
Quels sont les axes prioritaires de votre mandat ?
En premier lieu, d’être plus professionnel, davantage structuré. Il s’agit d’une exigence pour augmenter les chances de succès de nos investissements et être plus efficaces vis-à-vis des entrepreneurs. On veut notamment avoir les moyens de suivre les besoins financiers des entreprises pour faire un deuxième tour. Ce dernier s’avère souvent difficile aujourd’hui car les business angels n’ont pas les moyens suffisants. Nous ne voulons néanmoins pas devenir aussi professionnels que les fonds d’investissements afin de garder notre méthode basée sur l’intuition et l’expérience.
Quel est le profil des entreprises qui viennent vers vous ?
Celles qui viennent nous voir sont déjà créées ou pratiquement. Nous n’investissons pas dans les entreprises en devenir. Elles ont également épuisé les moyens de financement classiques – moyens personnels, famille, amis, prêts d’honneur, aides publiques – et ont besoin d’ouvrir leur capital. Si ce n’est pas le cas, on peut les aider dans ce sens.
Comment se déroule le processus de sélection des projets ?
En général, il y a d’abord une présélection à partir de la présentation de deux pages. On fonctionne selon des critères géographiques : chaque réseau investissant au niveau local, les dossiers qui nous parviennent de l’autre bout de la France sont éliminés. Les autres critères sont ceux du montant de l’investissement demandé – on ne sait pas faire dans les projets de 500-600 000 euros – , les secteurs qui intéressent au niveau du réseau, et enfin, le business model, avec des critères propres à chaque réseau. A ce stade, on retient en moyenne un dossier sur trois.
Vient ensuite l’étape de « l’elevator pitch ». Il s’agit d’une présentation orale du dossier devant un comité de sélection composé de 5 à 20 personnes. En cinq minutes, l’entreprise doit faire une performance en donnant les principaux éléments de son dossier mais également en donnant confiance. A ce stade en effet, on ne demande pas d’éléments tangibles sur le chiffre d’affaires et le résultat. L’élément fondamental est donc la confiance. On cherche à savoir si on pourra travailler ensemble. C’est presque un mariage.
A l’issue de cet oral, on élimine encore entre un tiers et la moitié des dossiers. Ceux qui restent font l’objet d’une instruction beaucoup plus approfondie avec un membre du comité de sélection. On pose alors de nombreuses questions, on coache les entrepreneurs et, souvent, on leur conseille de modifier leur business plan. On peut aller assez loin parfois sur les conditions d’entrée, surtout dans les réseaux de business angels matures.
Une fois l’instruction achevée, deux tiers des dossiers sont encore écartés avant d’arriver à la séance plénière devant tout le réseau. Ces séances ont lieu une fois par mois en général et entre trois et cinq dossiers y sont présentés. C’est le moment où chaque membre dit s’il est intéressé à titre individuel. Ceux qui le sont se regroupent alors pour l’étape du « closing » qui va plus ou moins vite selon l’avancement de l’instruction préalable. En fonction, le taux de transformation varie de 10 à 50, voire 60 %.
Et ensuite ?
Ensuite, il y a l’augmentation de capital et l’insertion d’une ou deux personnes représentant le réseau dans la structure (conseil d’administration, conseil de surveillance…). Elles aident, guident, font profiter les entreprises de leurs contacts opérationnels alors que les fonds d’investissement se cantonnent à l’analyse financière.
Comment s’effectue la sortie ?
Suivant les sociétés, nous restons de 3 à 6 ans, jusqu’à ce que l’on puisse récupérer la mise. Le marché en ce moment étant difficile, cela augmente la durée. C’est une autre différence avec les capitaux risqueurs : s’il faut rester deux ans de plus, les business angels restent deux ans de plus. Mais c’est vrai que la sortie est un sujet assez difficile : la plupart du temps elle ne peut se faire que par la vente de la société. Que la sortie apparaisse vraisemblable et que l’entrepreneur lui-même soit prêt à vendre sa société constitue d’ailleurs en soi un critère d’entrée…
Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME
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