Interview

Pierre Weller, patron-chef de la Source des Sens

 Les critiques gastronomiques l'encensent et les becs fins se transmettent son enseigne de bouche à oreille. Mais Pierre Weller, le patron-chef de la Source des Sens à Morsbronn-les-Bains (67), garde la toque bien vissée sur la tête et les pieds dans les pas de ses maîtres. Grands et humbles.

Pierre Weller, patron-chef de la Source des Sens

Nicolas Sarkozy veut inscrire la cuisine française au patrimoine mondial de l’Unesco. La cuisine est-elle un art ?

Pierre Weller : Tout à fait ! Car une recette est une création autour d’un produit ou de plusieurs produits. L’inspiration est donnée par un parfum, une saveur, une texture; par la perspective de mariages que l’on espère heureux, dans l’assiette. Beaucoup de clients me disent en regardant leur assiette : c’est aussi beau qu’un tableau. Cette appréciation associe la cuisine à l’art. Il est vrai aussi que le choix de la vaisselle et la présentation ont leur importance. Mais tous les cuisiniers s’accordent pour donner la priorité au produit. Le produit avant tout.

Est-ce que vous troquez facilement votre toque pour la casquette de chef d’entreprise ?

Je suis cuisinier mais je me sens presque davantage chef d’entreprise. Un peu aussi par la force des choses avec le développement de notre activité et l’ampleur prise par la Source des Sens. L’établissement emploie 19 salariés, dont 10 en cuisine. En fait je suis passé par plusieurs étapes : j’étais cuisinier, puis restaurateur et hôtelier et maintenant chef d’entreprise. J’avais aussi la casquette de chef des travaux durant un an. J’avais beaucoup de dossiers à suivre, à gérer, mais je suis heureux.

Quels sont vos chefs modèles ?

Fernand Mischler au Cheval Blanc à Lembach, Jean-Pierre Jacob au Bateau Ivre et Alain Ducasse.

C’est un classement par ordre de préférence ?

On peut le dire, en tout cas dans le classement de Fernand Mischler en tête. C’est un homme droit, juste et il a une réussite d’enfer ! C’est un vrai grand maître. Un jour il m’a dit : « Un maître est bon si son élève le dépasse ». Cette phrase est gravée dans ma tête. Je m’en souviendrai toute ma vie. Je ne prétends pas le dépasser mais je travaille toujours à mon perfectionnement. J’ai aussi une grande admiration et du respect pour Jean-Pierre Jacob, pour sa simplicité, son amour de sa région et sa cuisine.

Comment qualifier votre cuisine ?

Elle est jeune, dynamique et j’aime donner à travers elle.

Est-ce pour cette raison que vous transmettez en direct votre travail en cuisine sur un écran placé en salle ?

J’aime l’ouverture. J’ai toujours rêvé d’une cuisine ouverte. Alors je suis allé dans un magasin et j’ai acheté cet écran et un caméscope. J’ai fait mon propre bidouillage en plaçant la caméra en cuisine. C’est pour moi une manière d’associer le convive aux secrets du chef, de lui permettre de voir ce qu’on y fait et, durant les temps d’attente, de constater qu’on ne chôme pas en cuisine. Chez Maximin à Nice, on a creusé plus loin l’idée de la cuisine spectacle puisqu’il avait transformé une vraie scène de théâtre en cuisine.

La Source des Sens était votre grand rêve ?

C’est plus que mon rêve. Quand j’étais gosse, je disais que je serai restaurateur pour manger tous les jours du foie gras… J’ai dépassé ce rêve. Tout est allé très vite, je suis moi-même surpris de la manière dont cela s’est déclenché avec deux ou trois déclics : l’article d’un critique gastronomique, le courage d’un banquier qui nous a suivi, ma femme et moi, et puis la communication.

J’insiste beaucoup sur l’importance de la communication dans le développement de l’entreprise, c’est pourquoi j’ai voulu que Pascale Guillermain, chargée de la communication, travaille avec nous. Si l’on se contente d’attendre le client au gré de passages ou à la faveur du hasard, on risque de déchanter. Aujourd’hui, tout va très vite, si l’on veut avancer il faut se bouger. C’est la leçon que nous a donné Gérard Goetz à Fouday (67) en transformant un restaurant de routiers au bord d’une nationale, en destination gastronomique qui a fait sortir la vallée de l’ombre. Et je me dis, s’il a réussi là-bas, pourquoi pas nous ici, en Alsace du Nord ?

Propos recueillis par Le Journal des Entreprises

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