Interview

Raphaël Demange, fondateur et dirigeant de Via Humanis, à Limonest (69)

Ce chef d’entreprise a bénéficié d’un programme destiné à donner aux PME de la région Rhône-Alpes les moyens de pérenniser et développer leur activité. Baptisé Stratégie PME ACAMAS, il a permis à Raphaël Demange, de manière très concrète, de donner un nouveau souffle à son entreprise Via Humanis grâce à de nouveaux relais de croissance à l’international.

Raphaël Demange, fondateur et dirigeant de Via Humanis, à Limonest (69)

Quelle est votre activité ?

Via Humanis commercialise des prestations de services dédiées aux entreprises, en vue de favoriser la mobilité. Par exemple, un collaborateur accepte de quitter Tours pour Brest. On l’aide à déménager, à trouver un logement, éventuellement on épaule sa compagne pour qu’elle retrouve du travail… On s’adresse donc à des entreprises d’une certaine taille, à partir de 500 employés.

Comment avez-vous connu le programme Stratégie PME ?

J’en ai eu connaissance par un ancien participant qui m’a dit tout le bien qu’il en avait retiré. A l’époque, je me trouvais en pleine réflexion sur le positionnement stratégique de l’entreprise. J’ai créé Via Humanis en 2005. Sur ce marché de la mobilité, il y a entre 80 et 100 acteurs en France et en cinq ans, on est devenus les quatrième ou cinquième, avec 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, une trentaine de salariés, 5 établissements en France…
Au-delà, je m’interrogeais moi aussi : est-ce que ces résultats n’étaient pas suffisants ? Fallait-il prendre une orientation de croissance ou pas ? Est-ce que le développement de l’entreprise me plaisait toujours autant ? En cinq ans, nous avons franchi beaucoup d’étapes, c’est une belle réussite, mais c’est aussi très prenant…

En quoi consiste ce programme ?

Dans un premier temps, le programme Stratégie PME prend une photographie d’une entreprise à un instant T. A partir de là, l’idée est de lui construire un futur et de concrétiser cela à travers un plan stratégique.
Concrètement, comment cela s’est passé ?
Le programme dure entre 5 et 6 mois. Il mixe des plénières de 5 jours espacées d’un mois et dix demi-journées avec un consultant. Au fur et à mesure, on affine son projet stratégique.
Les séances plénières accueillent volontairement des entreprises de secteurs très différents. Certaines ont des difficultés, d’autres non. On y aborde un certain nombre de thématiques et à la quatrième séance, on doit présenter sa stratégie à l’ensemble du groupe. C’est très enrichissant d’avoir les retours de ses pairs, de voir déjà s’ils comprennent votre projet. On a souvent tendance à s’exprimer dans un jargon. Or, plus on rend un projet intelligible et plus les autres vous suivent…
Il y a aussi un effet miroir essentiel pour moi. Dans mon groupe, par exemple, j’ai vu des gens qui avaient leur boîte depuis 20 ans et qui n’avaient pas envie qu’elle bouge. Ils la vivaient un peu comme une rente. En voyant cela, je me suis dit que ça ne me correspondait pas. Ou encore cette PME familiale qui existait depuis plus de 100 ans. On voyait tout le poids de l’histoire et des non-décisions, aboutissant à une situation complètement ingérable au final.
On a aussi accueilli des intervenants de très bon niveau qui ont permis de mettre en exergue certaines choses. Par exemple, sur la thématique de la santé des patrons. J’en ai conclu que le capital le plus important dans l’entreprise, c’est la santé du dirigeant !
Le programme s’arrange aussi pour que le binôme formé avec le consultant fonctionne. C’est pour cette raison que celui qui a travaillé avec moi avait une dimension internationale. C’était en effet une piste que j’avais en tête et qui a été confortée par ce programme.

Combien ça coûte ?

Ca a coûté 4300 euros à l’entreprise. Il ne s’agit pas d’un petit investissement, mais ce n’est pas délirant non plus et je pense que c’est important de mettre la main à la poche. Sinon, la motivation n’est pas la même.
Tout le reste (NDLR : plus de 70 %) a été pris en charge par le conseil régional de Rhône-Alpes (ainsi que par la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi – Direccte, NDLR). D’ailleurs, je leur tire mon chapeau car c’est un exemple concret d’utilisation à bon escient de l’argent public. Cela permet de traiter un problème à sa source, en permettant aux entreprises de se développer, donc de créer des emplois : l’idée, c’est que plus un patron est bon, plus il crée de l’emploi.
De la même façon, je pense que plus nos rêves sont grands et plus on peut créer des emplois. Et pourtant, dans notre groupe, nous n’étions que 2 sur 14 à avoir un rêve de l’international !

Qu’en avez-vous retiré ?

Pour une fois, on sort de son quotidien de chef d’entreprise et on se demande : « dans trois-quatre ans, que sera devenue mon entreprise ? » En tout cas, cela permet de s’interroger sur ce dont on a envie. J’en suis ressorti avec une idée beaucoup plus claire de là où je voulais aller. Cela nous a permis, notamment, d’élargir notre offre. Aujourd’hui, on travaille beaucoup plus en amont, sur la gestion de la politique de la mobilité, par exemple.
Et puis, j’ai retrouvé du sens à ce que je fais. Je suis reparti pour un tour ! Au final, je m’aperçois que je suis davantage un développeur qu’un gestionnaire : il faut que ça bouge, sinon je m’ennuie !
Cette expérience m’a en outre conforté dans l’idée qu’il faut que je sorte régulièrement de l’entreprise. Non seulement c’est enrichissant pour moi, mais globalement, ça rejaillit aussi beaucoup sur la boîte. D’ailleurs, je préconise la même chose pour les membres du « Co dir » : aller voir ailleurs, cela amène des idées nouvelles, et incite à penser différemment. Je ne l’avais pas fait les quatre premières années car j’étais focalisé sur le développement de Via Humanis. Aujourd’hui, je fais partie du réseau Entreprendre et de Croissance Plus, et je me suis aussi investi dans le Syndicat national des professionnel de la relocation et de la mobilité, la fédération qui représente mon secteur.

Quels sont les avantages d’un tel programme par rapport à un coach par exemple ?

L’intérêt principal pour moi, c’est que ce programme permet un échange très riche avec des pairs. Dans mon groupe, on était 14, chacun venant d’un univers très différent : industrie, prestation de services… avec des problématiques, elles aussi, divergentes. La stratégie de développement, c’est une matière, avec des méthodes qui peuvent s’appliquer quel que soit le secteur d’activité. Par exemple, on a tous à gérer des problèmes de ressources humaines et on a besoin les uns comme les autres d’amener une équipe de direction à partager notre projet.

Quels sont désormais vos objectifs ?

J’aimerais que dans deux ans, l’international représente 20 % de notre chiffre d’affaires. L’idée c’est que dans trois-quatre ans, nous soyons présents en Europe – aujourd’hui nous n’en somme qu’au début avec deux VIE (NDLR : Volontariat international en entreprise) à Londres et à Stuttgart – que nous soyons 50 à 60 dans l’entreprise pour accompagner 2000 personnes.
J’aimerais également contribuer à ce que la mobilité ne soit pas toujours le grand oublié ou le grand méchant des plans de réorganisation. Actuellement, tant au niveau RH que médiatique ou culturel, déménagement professionnel rime souvent avec déracinement, alors qu’il existe des solutions pour que ça se passe bien. Mais il y a aussi un travail à faire au niveau des entreprises, pour leur faire comprendre qu’un CDI ne suffit pas à favoriser la mobilité !

Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME

Zoom sur le programme Stratégie PME
Ce programme accompagne dans leurs réflexions et actions stratégiques les PME de la région Rhône Alpes, afin de les aider à franchir un cap lors des périodes charnières de la vie de leur entreprise.
Elle les aiguille notamment pour :
– trouver de nouveaux marchés,
– développer une stratégie de diversification,
– définir une stratégie d’alliance,
– consolider ses fonds propres et sa trésorerie,
– préparer la transmission ou la reprise de son entreprise…
35 % des participants considèrent que leur chiffre d’affaires à augmenté grâce aux actions tirées de ce programme et 41 % qu’il a été sauvegardé.
35 % des entreprises ont créé des emplois et 30 % pensent qu’il leur a permis la sauvegarde de leurs effectifs.
Pour en savoir plus : http://www.strategiepme.fr/2009/strategie_pme/index.html  

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