Interview

Thierry Duval, associé fondateur des cabinets d’expertise comptable Exafi et Agone

A 41 ans, Thierry Duval dirige un cabinet d’expertise comptable proposant à ses clients PME assistance et conseil dans la conduite du changement. Pour lui, le maître mot des dirigeants d’entreprise devrait être l’anticipation.

Thierry Duval, associé fondateur des cabinets d’expertise comptable Exafi et Agone

Quel est votre parcours ?

Thierry Duval : Issu d’une école de commerce, j’ai commencé ma carrière dans un cabinet d’expertise comptable, ce qui m’a conduit à passer le diplôme d’expertise comptable. J’ai ensuite travaillé dans plusieurs cabinets, dont un spécialisé dans le conseil aux entreprises en difficulté. J’ai cocréé Exafi en 2001 avec Carine Guyetant, puis Agone, une deuxième structure, en 2007.

Pouvez vous nous présenter l’activité de votre cabinet ?

Outre notre mission classique d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, nous apportons soutien et conseil aux PME en situation de changement : période de forte croissance ou situation de crise.

Pourquoi avoir choisi de créer votre structure ?

Pour plusieurs raisons : de par mon expérience, j’avais envie d’apporter de la valeur ajoutée aux entreprises en situation de changement. Je souhaitais aussi incarner dans mon activité des valeurs, des convictions que l’on ne rencontre pas toujours dans les cabinets : qualité de travail constante, considération pour les clients comme pour les collaborateurs, valeurs d’éthique, d’indépendance… Exafi a été le premier cabinet dans son domaine à obtenir la certification ISO 9000. Nous venons aussi d’adhérer au pacte mondial de l’ONU, afin de promouvoir et d’afficher des règles de respect des collaborateurs et de l’environnement. Cela peut paraître banal aujourd’hui, mais nous sommes l’une des rares structures de notre taille (15 collaborateurs) à avoir signé ce pacte, qui concerne surtout des multinationales.

Votre cabinet affiche des convictions fortes : cela a-t-il un impact auprès de vos collaborateurs ?

Certainement. Notre éthique de travail est un outil de motivation de nos collaborateurs. Cette stratégie porte ses fruits : nous avons un taux de fidélisation supérieur à celui des autres cabinets implantés en Ile de France, où le turn over est traditionnellement élevé. En outre, nous n’avons pas de difficulté à recruter sur un marché pourtant difficile.

Pouvez vous évoquer les difficultés rencontrées par les dirigeants de PME que sont vos clients ?

Pour les sociétés en forte croissance comme pour les entreprises en difficulté, il y a nécessité à suivre de façon quasi obsessionnelle la trésorerie et la capacité à générer la trésorerie. Je remarque que ces indicateurs ne sont que rarement au centre des préoccupations des dirigeants, focalisés sur le développement commercial ou la qualité de leurs produits ou services. L’attention à la trésorerie est évidente pour les entreprises en difficulté, mais aussi pour celles en forte croissance : celles-ci peuvent faire face à un effet de ciseaux rendant impossible de financer l’accroissement de leur activité. Or je constate que de nombreux dirigeants gèrent la croissance au jour le jour, sans anticiper suffisamment leur évolution future. Ils ne mesurent pas les conséquences en termes de trésorerie des décisions qu’ils prennent. J’encourage les chefs d’entreprise à mettre en place des outils de prévision et d’anticipation de la trésorerie sur les mois à venir. Je ne parle pas d’usine à gaz, mais de choses très simples à concevoir sous Excel !

Vous avez évoqué le suivi de la trésorerie : quel autre indicateur est-il, selon vous, stratégique pour les PME ?

C’est la connaissance du point mort de l’entreprise. Je remarque que, même dans des sociétés de plusieurs dizaines de personnes, le dirigeant ne connaît pas toujours le niveau de son point mort. Il est indispensable de le suivre régulièrement, sans attendre le bilan comptable annuel. Là encore, c’est très simple, il suffit de construire un petit tableau Excel qui intègre les charges fixes et le suivi de la marge réalisée chaque mois.
De façon générale, tout dirigeant devrait se préparer à des scénarios catastrophe (perte d’un gros client, etc.) et imaginer des solutions pour y faire face. C’est sa capacité d’anticipation, sa préparation intellectuelle à des scénarios de crise qui aidera le dirigeant à les gérer avec succès.

Vous insistez beaucoup sur la capacité d’anticipation. C’est valable aussi pour les entreprises en forte croissance ?

Complètement. Un dirigeant aura plus de mal à trouver un financement, auprès des banques ou de ses actionnaires, s’il attend de décrocher un gros marché pour le faire. Les investisseurs sont rassurés s’ils comprennent la stratégie à long terme du dirigeant, et qu’ils voient que celui-ci n’agit pas au coup par coup. Dans les entreprises en forte croissance, l’anticipation concerne aussi l’organisation de la société. Les dirigeants doivent se préparer à recruter de nouvelles compétences… et à accepter de leur déléguer une partie de leur pouvoir. On ne dirige pas de la même façon une structure de 10 personnes et de 50 personnes.

Quels conseils donneriez vous à ceux qui démarrent leur activité ?

Pour moi, le métier de l’entrepreneur, c’est de prendre des risques qu’il a évalués, et d’être à même de gérer ces risques comme les embûches qu’il va rencontrer sur son chemin. Je conseille aux créateurs de revoir leur business plan en aggravant les scénarios pessimistes (par exemple en décalant de quelques mois leurs hypothèses) et en avançant à l’inverse leurs scénarios optimistes. Cela leur permettra d’avoir une réflexion sur l’avenir pour anticiper les crises. L’anticipation doit être le maître mot du dirigeant. 90% des difficultés auxquelles font face nos clients sont dues à un manque d’anticipation et de prévention des difficultés.

Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès-Ledru

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