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Accident du travail : feu vert pour la rupture conventionnelle

Pour la première fois, la Cour de Cassation admet que le salarié et l'employeur peuvent rompre le contrat d'un commun accord après un accident du travail. Elle estime que l'homologation de l'administration et les possibilités de recours du salarié suffisent à protéger des dérives. Une jurisprudence qui s'inscrit dans une nouvelle tendance : moins de loi, plus de contrat...

Accident du travail : feu vert pour la rupture conventionnelle

C’est une jurisprudence importante a été rendue fin septembre. À tel point que la décision est indexée P + B + R (ce qui signifie, en langage judiciaire, qu’elle figurera dans le rapport annuel de la Cour de cassation). Il faut dire que cet arrêt prend le contre-pied de la doctrine habituelle de la Cour de cassation en matière de rupture à l’amiable du contrat d’un salarié victime d’un accident du travail. En effet, dans un tel cas, on considérait de longue date que l’employeur ne pouvait pas faire signer au salarié une rupture d’un commun accord au cours des périodes de suspension du contrat travail.

La rupture ne pouvait pas avoir de lien avec l’accident ou la maladie

Une telle résiliation était frappée de nullité (Cass. soc., 4 janv. 2000, no 97-44.566). Car pour les juges, le code du travail était clair : en cas d’accident du travail, l’article L. 1226-9 pose la règle selon laquelle « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ». Ce texte fixait donc des modalités de rupture répondant à des conditions précises, qu’on ne pouvait en aucun cas contourner (même avec l’accord du salarié). Mais entre temps, la loi du 25 juin 2008 a institué la rupture conventionnelle.

Seule limite : la fraude ou le vice du consentement

Ce mode de rupture d’un nouveau type (régi par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail) permet à l’employeur et au salarié de rompre le contrat d’un commun accord, sachant que cette rupture est ensuite « homologuée » par l’autorité administrative. À nouveau dispositif, nouvelle jurisprudence : la Cour de cassation vient de décider qu’une telle rupture « peut valablement être conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ». La seule limite étant, pour les Hauts juges, « la fraude ou le vice du consentement ».

L’homologation comme rempart

Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui admet aujourd’hui, largement, la possibilité de conclure une rupture conventionnelle. Tout au moins tant que le consentement du salarié n’est pas vicié, ou tant qu’on ne peut pas suspecter l’une des parties de vouloir échapper à ses obligations. La Cour de cassation semble considérer que la procédure d’homologation est un bon rempart contre toute « dérive », puisque l’administration étudie, dans chaque cas, la situation du salarié qui s’entend avec son employeur pour rompre son contrat. De ce point de vue, puisque l’administration vérifie qu’il n’y a pas d’abus, pourquoi faudrait-il interdire ce mode de rupture aux victimes d’accident du travail ?

Contournement d’un dispositif protecteur

Pourtant, le législateur a bel et bien institué un « statut protecteur » pour les accidentés du travail. Un dispositif qui interdit notamment de rompre le contrat tant que le salarié n’a pas passé de visite de reprise (en dehors d’une faute grave ou de l’impossibilité de maintenir le contrat). Dès lors, tant que le contrat est suspendu, la situation est en « stand-by ». Et parce que la santé du salarié est en jeu, le code du travail impose de faire constater, médicalement, son aptitude professionnelle à l’issue des périodes de suspension. La rupture du contrat est, par la suite, extrêmement balisée. Notamment, dans le cas d’une déclaration d’inaptitude, la procédure est très réglementée (avec une obligation de reclassement incombant à l’employeur). En dépit de ces dispositions, il serait aujourd’hui possible de contourner ce dispositif protecteur, d’un commun accord entre l’employeur et le salarié ?

Le salarié peut toujours demander l’annulation

La réponse à cette question est affirmative. Tout au moins dès lors que les parties se séparent en pleine connaissance de cause et que chacun semble y trouver son compte. En posant une telle solution, la Cour de cassation estime qu’elle ne porte pas atteinte à la protection des accidentés du travail puisqu’elle réserve l’hypothèse d’un vice de consentement ou d’une fraude. Pour les Hauts magistrats, si jamais le salarié se plaint d’avoir été « trompé » sur ses droits, il peut donc toujours demander l’annulation de la rupture conventionnelle. Finalement, on pourrait résumer les choses ainsi : moins de loi, plus de contrat. Mais en cas de mauvaise foi, la loi reprendra ses droits.

La Cour de cassation en opposition avec l’administration
On notera que la Cour de cassation est, ici, en opposition totale avec l’administration, puisqu’en effet, les circulaires d’application publiées après la loi du 25 juin 2008 avaient exclu la possibilité d’une rupture conventionnelle pendant un arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle (v. notamment Circ. DGT nº 2009-04, 17 mars 2009). Quelle sera l’issue de cette querelle des « anciens » contre les « modernes » ? L’avenir le dira.
La rupture était déjà possible pour un salarié « apte avec réserves »
En mai dernier, la Cour de cassation avait déjà admis la possibilité de conclure une rupture conventionnelle après un accident du travail, dans le cas où le salarié est déclaré « apte avec réserves », à condition qu’aucune fraude de l’employeur ne soit établie, et à condition que le consentement du salarié n’ait pas été vicié (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 12-28.082). La nouvelle décision élargit donc cette jurisprudence.
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