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Alain Di Crescenzo, président du réseau CCI France : « Les PME nous disent « “Je dois tenir le coup” »

Lors de ses vœux, Alain Di Crescenzo, président du réseau CCI France, tête de réseau des 122 chambres de commerce et d'industrie en France, a présenté sa dernière étude sur l’entrepreneuriat. Celle-ci portant un regard croisé sur ce que pensent les chefs d’entreprises et les citoyens. Morceaux choisis.

Alain Di Crescenzo, président du réseau CCI France : « Les PME nous disent « “Je dois tenir le coup” »
Alain Di Crescenzo, président du réseau CCI France, s'inquiète de la hausse des défaillances, amenée à se poursuivre en 2024. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

77 points. Le moral des chefs d’entreprise est en berne, avec une situation actuelle qu’ils ne jugent pas satisfaisante. Un résultat « à comparer avec la base 100 en 2015 lorsque CCI France a commencé son enquête, ou avec les 142 points de la période pré-covid ou encore des 110 post-covid », détaille Alain Di Crescenzo, président du réseau CCI France.

Seulement 37 % d’entre eux confient « avoir confiance », contre 44 % qui jugent que « c’était mieux hier », et 19 % que « ce sera mieux demain ». Leur confiance pour l’avenir s’érode : si 66 % déclarent avoir confiance dans leur entreprise, en revanche, la confiance dans l’économie du pays et dans l’économie mondiale baisse respectivement à 18 % et 18 %.

« Les PME ne savent pas répercuter l’inflation. [Sous-traitantes] d’un grand groupe, [elles sont] une variable d’ajustement, et [leur] variable d’ajustement, c’est [leur] marge »

Pour la première fois cette année, le réseau CCI France a croisé ce que pensent les chefs d’entreprise et ce que pensent les citoyens*. Ainsi, en miroir des chefs d’entreprise, la conjoncture pèse aussi sur le moral des Français. 57 % d’entre eux estiment que celle-ci a un impact négatif sur leur moral. Si leur niveau de confiance dans les entreprises de leurs territoires est de 54 %, leur confiance dans l’économie française et dans l’économie mondiale n’est guère réjouissante (respectivement 22 % et 24 %).

Malgré la conjoncture dégradée, l’aventure entrepreneuriale bénéficie toujours d’une image positive auprès des Français pour 88 % d’entre eux. En tête de leurs attentes vis-à-vis des entreprises, le pouvoir d’achat (54 %) – « ce qui ajoute une pression sur les PME sur les salaires », note au passage Alain Di Crescenzo –, mais aussi la production locale (41 %) et le Made in France (39 %). En dépit d’une contrainte prix, il y a également une attention forte sur leurs engagements RSE avec la moitié des Français qui se dit prêt à payer plus cher en contrepartie d’engagements RSE.

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L’inflation et les retards de paiement en ligne de mire

Les principales sources d’inquiétude des dirigeants ? L’inflation : 84 % d’entre eux sont plus attentifs que d’habitude à leurs charges. Autres conséquences directes, la moitié (49 %) se dit inquiet pour la viabilité de leur entreprise et 37 % n’excluent pas de devoir baisser sa rémunération. « Les PME ne savent pas répercuter l’inflation. Vous êtes sous-traitant d’un grand groupe, vous allez dire « Attendez il y a une inflation de 4,5 %, j’augmente mes prix de 4,5 % »? Ca ne marche pas. Vous êtes une variable d’ajustement et votre variable d’ajustement, c’est votre marge », explique Alain Di Crescenzo.

« Les défaillances pourraient connaitre un pic à fin 2024 et dépasser les 60 000 sur l’année »

En outre, 38 % des chefs d’entreprises se plaignent de retards de paiement, jugeant ces retards pénalisants pour leur trésorerie (66 %) et plus fréquents (61 %). Face à ces « problèmes de coûts et de liquidités, les PME nous disent “Je dois tenir le coup” ». Autre cheval de bataille, la simplification : 71 % des entreprises estiment que les obligations qui pèsent sur elles sont « plus compliquées » (+ 10 points).

Autre indicateur inquiétant, les défaillances. À la bonne tenue des créations d’entreprises, il faut opposer le pic de défaillances qui vient peser fortement dans la balance. « On est à 10 % de croissance en termes de créations d’entreprise. Le souci, ce sont les défaillances, confirme Alain Di Crescenzo. Nous avons dépassé 2019. Est-ce que c’est du rattrapage ? Peut-être. Mais lorsque l’on voit à la fois le moral des chefs d’entreprise et les difficultés qui sont en face de nous, cela risque de durer ». Selon lui, « Les défaillances pourraient connaitre un pic à fin 2024 et dépasser les 60 000 sur l’année ».

La rentabilité : le maître-mot des chefs d’entreprise

Conséquence directe de ces difficultés de trésorerie et de délais de paiement, le principal défi des entreprises pour 2024 est la rentabilité (pour 79 % des chefs d’entreprise), soit comment régler leurs problèmes de marge et de trésorerie. Et ce, bien avant les questions de ressources humaines (pour seulement un quart d’entre eux) ou les transitions écologiques et énergétiques (21 %).

Néanmoins, il faut signaler quelques motifs de satisfaction, comme le fait que la hausse des taux d’intérêt n’affecte pas les entreprises : pour 68 % d’entre elles (+11 points), le niveau des taux d’intérêt en 2024 n’a ainsi aucune conséquence.

Par ailleurs, les difficultés d’approvisionnements sont moins fortes, que ce soit en termes de ruptures, de délais, de prix des marchandises ou de coûts de transport. Ainsi, les trois quarts des chefs d’entreprise (+ 11 points) déclarent ne rencontrer aucune difficulté sur ce sujet.

*87e Grande consultation par téléphone menée auprès d’un échantillon de 1 020 dirigeants d’entreprises d’au moins un salarié.

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Charlotte de Saintignon

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