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Bientôt le même salaire pour les travailleurs détachés et les locaux ?

Un projet de révision ciblée de la directive européenne de 1996 sur les travailleurs détachés est en cours à la Commission européenne. Le but, mieux les protéger et garantir des conditions égales entre entreprises nationales et celles détachant des travailleurs.

Bientôt le même salaire pour les travailleurs détachés et les locaux ?

« On travaille dans la légalité si l’on suit la loi européenne mais pas si l’on suit la loi française » explique un salarié d’une PME portugaise spécialisée dans le BTP. L’entreprise, qui employait une trentaine de travailleurs détachés en France, s’est vue contrôlée par l’Urssaf. L’organisme, qui réclamait le remboursement des charges versées au Portugal pour l’ensemble des travailleurs détachés en France pendant les cinq dernières années, a bloqué l’activité de l’entreprise. Son motif ? « Dissimulation de travail dissimulé ». « Ce alors que nous avons pignon sur rue et travaillons pour de grands groupes français, en toute transparence. Nous avions pourtant respecté toutes les obligations en termes de déclaration de personnel détaché » reproche le salarié. « On dit que c’est l’Europe mais c’est une Europe à 27 vitesses. Il n’y a pas de code du travail européen qui permette d’exporter son savoir-faire sans avoir de souci avec l’Urssaf » se désole-t-il. Or, sur certains marchés, la France a cruellement besoin d’importer des savoir-faire. Enfin, il pointe du doigt le fait de ne pas pouvoir exercer sur une longue période. « L’Urssaf nous a clairement dit qu’il y avait une période de validité de deux ans pour les détachements ». Pour le moment, au niveau européen, il n’y a pas encore de caractère temporaire défini. La directive européenne du 8 mars concernant le détachement des travailleurs propose que si la durée dépasse 24 mois, les conditions prévues par la législation du travail des États membres d’accueil devront être appliquées. « Il est permis de faire du détachement de personnel à partir du moment où cela répond à des besoins ponctuels. Donc au lieu de mettre en place une équipe de façon définitive, cela précarise les emplois », indique le salarié. Cette mauvaise expérience prouve la fragilité du marché du travail européen. Bilan, l’entreprise a été contrainte de créer une succursale en France et de transformer ses contrats de travail portugais en contrats français pour que les charges soient payées en France. « Ceux qui gagnaient jusqu’à 1900€ net se sont retrouvés avec un salaire au smic. Il faudrait que la loi européenne s’applique à tous les Etats avec un smic et une TVA identiques » conclut le salarié.

« A travail égal, salaire égal dans un même lieu »

Sans aller jusque-là, la dernière directive européenne propose d’instaurer « une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit, selon le principe de « travail égal pour salaire égal ». Ceci afin de garantir des conditions de concurrence égales tant pour les entreprises détachant des travailleurs que pour les entreprises locales dans le pays d’accueil ». Ladite rémunération comprend les taux de salaire minimal, mais aussi d’autres éléments tels que les primes ou les indemnités le cas échéant. L’objectif affiché : « rendre le marché du travail européen cohérent et compétitif » en luttant contre le dumping social, détaille un membre du cabinet de Marianne Thyssen, commissaire pour l’emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs. Jusqu’à maintenant l’employeur n’était pas tenu de verser à un travailleur détaché plus que le salaire minimum fixé par le pays d’accueil. D’où des écarts salariaux entre travailleurs locaux et détachés au détriment de ces derniers. Sans surprise, la directive va trop loin pour certains pays et onze Etats membres ont brandi le carton jaune. Notamment « ceux de l’Est qui craignent de perdre leur business model concurrentiel basé sur des coûts salariaux bas », explique-t-on au sein du cabinet. La Commission compte « répondre avant la fin de l’été ». Pour le moment, le processus législatif suit son cours au Parlement Européen et au Conseil.

De plus en plus de travailleurs détachés en Europe

Concrètement, il y a détachement « lorsqu’il y a prestation transfrontière de services au sein du marché unique. Un travailleur détaché est employé dans un État membre de l’Union, mais son employeur l’envoie temporairement réaliser son travail dans un autre État membre. » On en comptait près de 2 millions au sein de l’Union européenne en 2014, un chiffre qui a augmenté de 50% sur les quatre dernières années. La France fait partie des pays européens qui en reçoivent le plus, avec la Belgique et l’Allemagne. On en recensait ainsi près de 300 000 dans l’Hexagone en 2015, qui viennent majoritairement du Portugal, de l’Espagne et de la Pologne, dont environ 70 000 seraient non déclarés. « Dans 80% des cas, c’est un détachement entre pays voisins ». La France est également l’un des pays qui envoie le plus de travailleurs détachés puisque l’on en compte 125 000 dans l’UE. Cette « force de travail mobile » intervient majoritairement dans trois secteurs, la construction, l’industrie et l’éducation.

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