Actu

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi

La loi "de modernisation sociale" du 17 janvier 2002, celle qui a introduit dans notre système juridique la notion de harcèlement moral, a ajouté un article L 120-4 au Code du Travail libellé en ces termes : "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi".

Etait-ce bien nécessaire ?

On s’est interrogé sur l’utilité d’introduire un nouvel article dans le Code du Travail, alors que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun, qui prévoit déjà depuis longtemps une disposition similaire, l’article 1134 du Code Civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites…(…) Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Etait-il donc nécessaire, d’ajouter un article au Code du Travail, déjà fort surchargé ?

Pour tenter de répondre à cette question, on peut consulter le site LEGIFRANCE ( www.legifrance.org ) en intégrant dans la recherche les mots « chambre sociale » et « L 120-4 ».

Il apparaît 30 décisions, d’un intérêt inégal, la plupart d’entre elles concernant des pourvois dans lesquels le demandeur a intégré l’article L 120-4 car il considérait que la Cour d’appel avait violé les dispositions de cet article ou n’en avait pas suffisamment tiré les conséquences. Ce type de pourvoi faisait auparavant référence à l’article 1134 du Code Civil ; les demandeurs aux pourvois y ajoutent maintenant l’article L 120-4 du Code du Travail.

Sur les 30 décisions, un arrêt du 10 mai 2006 (pourvoi 05-42210) paraît plus intéressant que les autres : une salariée engagée en 1991 devait se rendre en équipe de très bonne heure le matin hors de la région parisienne sans pouvoir utiliser les transports en commun pour faire des inventaires de magasins ; sa chef d’équipe venait la chercher à son domicile avec la navette de l’entreprise.

10 ans plus tard, en 2001, l’employeur a cessé cette pratique et la salariée a saisi la juridiction prud’homale en sollicitant la résiliation de son contrat de travail et la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes.

La salariée avait été déboutée par la Cour d’Appel qui considérait que la société n’avait jamais pris l’engagement d’assurer le transport de la salariée de son domicile jusqu’au lieu de travail et que l’existence d’un usage n’était pas établie. Pas d’obligation contractuelle, pas d’usage.

La décision de la Cour d’Appel est cassée par la Cour de Cassation au visa de l’article L 120-4 du Code du Travail.

Pour la Cour de Cassation, en cessant de faire bénéficier la salariée de cet avantage lié à sa fonction, et en la mettant dans l’impossibilité de travailler, l’employeur a manqué à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.

Voilà un exemple où la Cour de Cassation ne pouvait se référer ni à une obligation contractuelle, ni à un usage ; elle a recours à la notion de bonne foi pour sanctionner une obligation qui, autrement, n’existerait pas.

La référence à l’article 1134 du Code civil était largement suffisante

Mais la référence à l’article 1134 du Code civil était largement suffisante et d’ailleurs la Cour de Cassation dans l’arrêt du 10 mai 2006 vise à la fois l’article 1134 du Code Civil et l’article L 120-4 du Code du Travail. Pourquoi alors ce nouvel article ?

La réponse à cette lancinante question est sans doute (et malheureusement) qu’il y a de moins en moins de bonne foi dans les relations de travail et que le délitement progressif de la bonne foi au travail peut être reproché autant aux salariés qu’aux employeurs.

Lorsque le législateur de 2002 dit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi, ne cherche-t-il pas à corriger cette déliquescence ?

Restaurer le climat de confiance

Voilà donc un beau chantier, un beau programme même : restaurer le climat de confiance nécessaire à une relation harmonieuse au sein des entreprises en n’oubliant pas que salariés et employeurs sont condamnés à s’entendre, dans un but qui ne peut qu’être commun : la production de biens ou de services pour en tirer un revenu et peut être même, si le mot n’est pas politiquement incorrect, un profit …

Maître Olivier MEYER, Cabinet DMD-Avocats
http://www.dmd-avocats.com

Laisser un commentaire

Suivant