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Défis, priorités et inquiétudes des entreprises pour 2024

La délégation sénatoriale aux entreprises a organisé le 9 novembre dernier une table ronde sur le thème « Entreprises en 2024 : urgences et priorités ». L’occasion pour les présidents des organisations patronales de revenir sur l’impact des mesures du projet de loi de finances 2024 et de faire une à la fois rétrospective sur 2023 et une analyse prospective sur 2024. Morceaux choisis.

Défis, priorités et inquiétudes des entreprises pour 2024
La CPME milite pour que les entreprises en situation d’endettement positionnées sur un marché porteur puissent étaler la durée d’amortissement de leur PGE de manière discrétionnaire. © Getty Images

« La conjoncture est difficile, avec des cours des matières premières qui restent élevées, des taux d’intérêt en hausse et un cadre réglementaire toujours plus contraint », a présenté en préambule Olivier Rietmann, président de la délégation des entreprises au Sénat avant de passer la parole aux patrons des organisations patronales.

Un état des lieux confirmé par Patrick Martin, président du Mouvement des entreprises de France (Medef) : « Il y a une dégradation de la conjoncture qui est quasiment généralisée, que ce soit dans la distribution, avec une baisse de la consommation en volume et progressivement en chiffre d’affaires, dans l’industrie, les services et, de manière absolument critique, dans toute la filière construction ».

« Quand bien même nous prendrons aujourd’hui des mesures dynamiques, nous allons en 2024 connaître une année extrêmement périlleuse »

Le président s’est dit ainsi préoccupé par l’impact sur le bâtiment qui pèse 8 % du PIB national et toute sa périphérie en termes de services. Son pronostic au global pour la filière entre le neuf et la rénovation ? « Une probabilité de baisse d’activité de l’ordre de 10 % ». De fait, il se dit « assez inquiet et incompréhensif au regard d’une forme d’inertie, ou parfois même de déni, de la part de l’exécutif s’agissant de cette filière qui détruira des emplois en 2024 alors qu’elle devrait être en plein boom au titre de la rénovation énergétique ».

François Asselin, président de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME), corrobore son propos, indiquant qu’« il y a un réel danger » sur les secteurs de la construction et du bâtiment. Ainsi, « quand bien même nous prendrons aujourd’hui des mesures dynamiques, nous allons en 2024 connaître une année extrêmement périlleuse ». Rappelant que le moral des chefs d’entreprise est intimement lié à leur niveau d’activité, il enjoint les pouvoirs publics à « laisser intact tous les leviers qui permettent d’activer l’activité » dans l’ensemble des secteurs d’activité pour « purger la crise ».

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Charges et compétitivité

Parmi les principales préoccupations à l’ordre du jour, le financement. Sur le sujet, Patrick Martin se veut peu ou prou rassurant : « Les chiffres montrent que les demandes de crédit ne s’effondrent pas et on a vu le mois dernier [en octobre, ndlr] que les investissements des entreprises continuaient à progresser ». Même s’il constate néanmoins « une restriction du crédit avec des frais financiers qui représentent plus de 10 % de l’EBE des entreprises, c’est-à-dire trois à quatre fois plus que leur niveau il y a trois ou quatre ans ».

François Asselin, lui, rappelle que l’immense majorité des entreprises « doit maintenant rembourser ce qu’elle a emprunté ou décalé ». De fait, « Certaines entreprises, qui étaient plutôt solides à l’entrée de la crise, commencent à se fragiliser. On commence à voir des difficultés à rembourser son PGE, pas seulement dans les TPE mais aussi dans les PME : ça monte en gamme ».

Rappelant que ces dernières font néanmoins tout ce qu’elles peuvent pour le rembourser, notamment pour éviter une mise en défaut Banque de France de l’entreprise, elles commencent en conséquence « à figer tout ce qui peut être investissement productif », confie-t-il avec inquiétude. De fait, la CPME milite pour que les entreprises en situation d’endettement positionnées sur un marché porteur puissent étaler la durée d’amortissement de leur PGE de manière discrétionnaire.

« Au-delà du coût, on est sur un combat de valeur : du non travail produit des congés ? »

Patrick Martin est également revenu sur l’étalement sur cinq ans de la baisse de la CVAE qui entraîne « une distorsion de concurrence » entre la France et les pays voisins en matière d’impôts de production et constitue « un facteur de dégradation de compétitivité de nos entreprises catastrophique ». Le patron du Medef s’est par ailleurs montré inquiet du cumul des différentes augmentations – du versement mobilité en Ile-de-France qui pourrait se propager aux régions, du taux AGS lié à l’augmentation du nombre de défaillances d’entreprises et du paiement des congés payés pendant les arrêts maladie – qui pourrait renchérir le coût du travail « de l’ordre de 4 milliards d’euros » en 2024 pour les employeurs, et ce, « sans qu’ils aient décidé de la moindre augmentation de salaire ».

Sur le champ social, François Asselin qualifie cette dernière jurisprudence sur les congés payés d’« incroyable. Au-delà du coût, on est sur un combat de valeur : du non travail produit des congés ?», s’interroge-t-il. En ce sens, la CPME a lancé une pétition pour que le gouvernement prenne à bras le corps ce sujet. De son côté, Patrick Martin a fait savoir que les patrons allaient essayer « d’édulcorer » l’impact de cette charge supplémentaire, en jouant sur deux curseurs : le nombre de jours de congés payés et le montant de l’indemnisation des arrêts maladie qui sont tous deux significativement supérieurs en France. Et éviter ainsi « un coût annuel pour nos entreprises de deux milliards d’euros », sans compter la rétroactivité potentielle « qui pourrait remonter jusqu’à 2009 », signale au passage François Asselin.

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Tsunami normatif et pénurie de main d’œuvre

Thème récurrent enfin, la simplification. Rappelant que dans une PME, c’est le chef d’entreprise qui doit encaisser toutes les décisions prises par l’État, François Asselin appelle encore une fois à la simplification. S’inquiétant de la norme CSRD qui va s’appliquer pour les entreprises de plus de 250 salariés, il appelle à « une temporalité compatible » avec la taille des entreprises : « Si l’on va trop vite, on va perdre tout le monde » prévient-il. « Par ruissellement et capillarité, toutes les parties prenantes sont concernées. On commence à demander aux PME fournisseurs de grandes entreprises ses référentiels CSRD ». Le risque étant sinon de perdre clients, banquier et assureur.

En lieu et place d’une étude d’impact, la CPME milite depuis deux ans pour des tests PME sur le terrain sur un panel d’entreprises volontaires avant de mettre en place une norme. « Il faut s’appuyer sur la confiance des chefs d’entreprise qui ne sont pas réfractaires au changement ». Enfin, il invite à s’appuyer sur les branches professionnelles, en faisant des tests de branches. Pour l’heure, ce sont déjà une douzaine de branches qui se sont engagées volontairement dans des références de secteurs pour emmener tous leurs adhérents.

« Il faut d’abord s’attaquer aux forces vives présentes sur le territoire national afin de pouvoir relativiser l’immigration économique »

Sur les problèmes récurrents de main d’œuvre « à tous les niveaux de qualifications dans toutes les professions » en France pour les TPE, PME et grandes entreprises, Patrick Martin a indiqué qu’il fallait « d’abord s’attaquer aux forces vives présentes sur le territoire national afin de pouvoir relativiser l’immigration économique » même si celle-ci ne représente que 10 % des flux migratoires. Et même si, à l’avenir, assez inévitablement selon lui, « La démographie nous conduira inéluctablement à faire appel à l’avenir plus encore qu’aujourd’hui à l’immigration ».

Pour les patrons des organisations patronales, il convient d’améliorer notre système de formation. L’occasion pour Patrick Martin, qui s’est exprimé en soutien de la réforme des lycées professionnels qui concernent « 650 000 jeunes », d’appeler à une réforme « à la hauteur de celle de l’apprentissage ». Sur l’apprentissage, il avertit qu’« il ne faut pas remettre en cause le dispositif d’aide au motif de corriger d’éventuels effets d’aubaine. Cela impacterait les secteurs d’activité qui tractent le plus l’économie française à forte intensité de main d’œuvre comme l’industrie, les métiers financiers, ou l’ingénierie, qui sont le plus exposés à la concurrence internationale ».

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Charlotte de Saintignon

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