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Intérim : les recettes d'une intégration réussie

Sur fond de reprise, les entreprises françaises font de nouveau appel aux intérimaires. Ce regain repose la question de la bonne intégration des travailleurs temporaires et de leur sécurité au cours de leur mission. Un enjeu qui se règle grâce au dialogue.

Intérim : les recettes d'une intégration réussie

Grande victime de la crise des deux dernières années, l’intérim retrouve des couleurs sur fond de reprise économique. Poussée par une industrie en net redressement, la France dénombrait ainsi 665.200 travailleurs temporaires à la fin février, soit 18,1 % de plus que l’an passé à la même époque (source Pôle emploi).

Indicateur d’un regain d’activité, le retour en force de l’intérim repose cependant l’épineux problème de la bonne intégration des travailleurs temporaires. Évoluant majoritairement dans l’industrie (47,2%) et à des fonctions d’ouvriers (78,6%), devant maîtriser des méthodes, sites et machines de production différents, les intérimaires n’ont souvent que très peu de temps pour s’adapter à cette nouvelle donne perpétuelle. En 2008, un intérimaire ne restait ainsi pas plus de deux semaines en moyenne sur le même site, et 25 % de ses missions ne duraient qu’un jour !

De cela résulte une vraie vulnérabilité des travailleurs temporaires : ils sont en effet deux fois plus exposés aux accidents du travail, tant en terme de fréquence que de gravité. «En matière d’accident du travail, le risque est en effet le plus important au moment de la prise d’un poste, ou lorsque le salarié est jeune ou peu expérimenté. C’est souvent le cas d’intérimaires qui sortent d’écoles ou de formations premières», souligne Claire Gerson, responsable marketing du pôle candidats intérimaire et membre du comité de prévention du groupe d’intérim Randstad.

Particulièrement préoccupante sur le plan humain, ce risque accidentogène n’est pas non plus sans conséquences sur le plan économique. L’entreprise faisant appel au travailleur accidenté doit en effet verser un tiers de sa cotisation d’accident du travail, le solde étant à la charge de l’agence d’intérim. Et sur le plan juridique, l’entreprise utilisatrice peut même voir sa responsabilité engagée en cas de faute inexcusable, si jamais elle n’a pas pris les mesures pour préserver les salariés d’un risque dont elle aurait dû avoir conscience.

Face à ces facteurs, une bonne intégration de l’intérimaire se révèle donc stratégique. D’abord, parce qu’elle permet de réduire la dangerosité éventuelle d’une mission et de protéger les hommes. Ensuite, parce qu’un intérimaire bien intégré sera en mesure d’être plus efficace et plus productif, ce qui contribuera à optimiser le coût d’une mission. Enfin, parce qu’une intégration bien pensée doit prendre en compte, lorsque cela est nécessaire, des éléments de confidentialité nécessaire pour éviter que le savoir-faire de l’entreprise s’évapore avec le départ d’intérimaires vers des missions réalisées sur des sites concurrents.

Pour arriver à mettre en place cette intégration, tout est question de communication entre les trois parties prenantes d’une mission : l’entreprise utilisatrice, l’agence d’intérim et le salarié. Cette communication passe par un important travail en amont de la mission, et la mise en place de principes simples, mais malheureusement trop souvent négligés. Des principes qu’il faut de plus un peu dépoussiérer : avec l’incursion de l’électronique dans la vie quotidienne des entreprises (badges d’accès, intranet, etc.), l’intégration se met en effet de plus en plus à la sauce numérique. Un tournant qu’il ne faut, là aussi, pas manquer pour le bien travailler de tous.

Jouer la carte de la transparence

«L’intérimaire répond à un besoin ponctuel, urgent et arrive dans une entreprise en pic d’activité qui n’a que peu de temps pour le former. Si on veut assurer son intégration, l’importance de la préparation en aval de la mission est capitale», explique Florence Le Cloerec, chargée d’affaires pour le groupe de ressources humaines Inter Pôle.

Avant de lancer un travailleur temporaire sur le terrain, son agence d’intérim et l’entreprise cliente doivent donc avoir établi un dialogue constructif et lister tous les paramètres liés à la sécurité. Ceci nécessite un échange avec le chef d’atelier ou le responsable de l’activité. «Les entreprises peu familières de l’intérim sont parfois surprises par la démarche, mais elle est nécessaire et doit être accomplie en toute transparence», poursuit Florence Le Cloerec.

Cette transparence permet de détailler les attentes de l’entreprise en matière de compétences techniques, les besoins en équipement de protection, mais surtout de traquer tous les postes à risques, de par leur complexité, leur ancienneté ou leur situation (hauteur, espace exigu, etc.) sur le site de travail. L’objectif étant de glaner le maximum de renseignement, une visite de l’agence d’intérim sur les lieux est souvent nécessaire. D’autant que beaucoup d’entreprises n’ont pas le temps nécessaire de mener cette étude de poste.

Tous ces éléments permettront de constituer une fiche de mission détaillée, qui permettra à l’agence d’intérim de sélectionner les travailleurs temporaires les plus aptes, et à ces derniers de disposer déjà de précieuses informations techniques sur son futur environnement.
Parfois, il est même nécessaire d’aller plus loin dans la démarche, en faisant se déplacer l’intérimaire sur le lieu de mission, avant le début de celle-ci. «Si l’entreprise développe des procédés uniques ou qu’elle n’est pas habituée à déléguer sur un type de poste, il est pertinent d’organiser un entretien préalable entre l’intérimaire et le responsable de la production, voire que le premier se déplace sur le site», préconise Florence Le Cloerec.

Bien accueillir ses intérimaires

Le jour d’arrivée de l’intérimaire et les heures qui suivent sont une période particulièrement sensible, qui décide souvent du bon déroulement et de l’efficacité de la mission. Dans les entreprises industrielles, c’est aussi la période la plus dangereuse, car la manipulation de nouvelles machines nécessite souvent une période d’apprentissage, qui se solde parfois par des incidents.

L’intérimaire ne doit donc surtout pas être laissé à lui-même lors de son arrivée, et ce même s’il dispose déjà – si le dialogue entre agence et entreprise a bien fonctionné – d’éléments d’informations. Ces derniers ne se suffisent pas à eux-mêmes. Le travailleur doit au contraire être accueilli par un responsable qui va se charger de lui faire une présentation complète de son cadre de travail : visite du site et des espaces collectifs (salle de repos, cafétéria, etc.), rencontre des équipes, mais également présentation du poste de travail et rappel de toutes les consignes de sécurité – générales et spécifiques – qui y sont relatives.

L’intérimaire doit également se voir communiquer l’identité de la personne à contacter en cas de problème technique. «Toute cette procédure doit être faite systématiquement, même si l’intérimaire est habitué de l’entreprise et du poste de travail. Comme en voiture, la routine débouche sur de l’inattention et sur un risque plus fort d’accident. Et l’expérience peut être trompeuse. Un intérimaire peut avoir vu dix entreprises du même secteur dans son parcours professionnel, les procédés varient grandement de l’une à l’autre», insiste Claire Gerson, responsable marketing du pôle candidats intérimaire et membre du comité de prévention du groupe d’intérim Randstad.

Afin de faciliter l’intégration, les entreprises qui ont recours régulièrement et de façon importante à l’intérim pourront trouver intérêt à rédiger un livret d’accueil, qui sera remis aux nouveaux arrivants et qui contiendra les informations clés en termes d’intégration et de sécurité. Enfin, dans certains cas, notamment si l’entreprise développe des activités à risques ou particulièrement pointues en termes techniques, elle peut choisir de mettre en place un système de tutorat. Un salarié permanent sera alors l’interlocuteur de l’intérimaire, et pourra l’éclairer sur toutes les questions de technique et de sécurité.

On le voit, l’accueil et l’accompagnement d’un intérimaire peuvent nécessiter un gros investissement, contrairement à l’image que peut laisser parfois ce genre de prestation, dont on retient plus la souplesse et l’immédiateté. Et cela peut parfois rebuter les entreprises. «Cela peut être assoupli. Si la mission ne dure que deux jours pour assurer un déménagement ou terminer un chantier, le curseur n’est pas si haut en termes d’exigence. Tout cela se calcule souvent au prorata de la durée de la mission», estime Florence Le Cloerec, du groupe de services RH Inter Pôle.

Protéger son savoir-faire

Ouvrir ses portes à un travailleur intérimaire, c’est aussi dévoiler une partie de son savoir-faire à un collaborateur très ponctuel. Ce qui pose la question de la confidentialité. Ce qui peut être un repoussoir pour certaines entreprises développant des processus de pointe ou détenant des technologies qui leurs sont.

Pour autant, des dispositifs permettent de limiter ce risque. Ainsi, n’hésitez pas à éplucher le contrat que vous propose votre agence d’intérim. Certaines d’entre elles prennent en effet en compte la confidentialité, notamment en appliquant le principe «d’égalité de traitement» qui vise à imposer les mêmes obligations et devoirs aux salariés permanents et aux intérimaires : si les collaborateurs liés par un contrat direct avec l’entreprise doivent signer une clause de confidentialité, le travailleur intérimaire doit ainsi en faire de même, quelle que soit la durée de sa mission.

Cette disposition n’est cependant pas systématique. Si elle n’est pas présente dans le contrat proposé, c’est donc là encore un dialogue à trois entre agence, entreprise et intérimaire qui se met en place pour déboucher sur une clause de confidentialité dont l’application, comme l’indique la loi, s’impose «même après la rupture du contrat de travail».

Par mesure de précaution, certaines entreprises préfèrent ne pas laisser d’intérimaires accéder aux aspects sensibles de leur activité. Ce choix nécessite cependant une grande organisation en interne : il s’agit en effet de pouvoir absorber à tout moment les situations de sous-effectif ou de pics de charge grâce à la réaffectation de salariés permanents qui n’interviennent pas en temps normal sur les processus confidentiels, les intérimaires intervenant pour compenser les postes laissés alors vacants. Une stratégie qui assure une confidentialité quasi totale, mais qui nécessite de maîtriser au plus près ses ressources humaines et de les former pour faire face à leurs fonctions temporaires.

Dossier réalisé par Sébastien Payonne
Le Journal des Entreprises

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