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Procédure accélérée en cas de prise d'acte : les fragilités du dispositif

Les juges prud'homaux devront désormais se prononcer dans le délai d'un mois qui suit leur saisine en cas de prise d'acte de rupture du contrat de travail. Toutefois, les objectifs de sécurité et de rapidité pourraient bien se heurter à certains obstacles, surtout en cas de procédure d'appel.

Procédure accélérée en cas de prise d'acte : les fragilités du dispositif

La loi du 1er juillet 2014 sur la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié a été publiée hier au Journal officiel. Son but : accélérer la procédure prud’homale lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail. Le conseil de prud’hommes, saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, doit désormais se prononcer dans le délai d’un mois qui suit sa saisine.

Le bureau de jugement aura un mois pour statuer

L’affaire sera désormais directement portée devant le bureau du jugement qui statuera au fond. Il n’y aura plus de phase de conciliation préalable. L’objectif recherché par ce texte est de sécuriser la situation du salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail et se retrouve sans salaire et sans indemnités chômage en raison de l’incertitude de son statut tant que le juge n’a pas requalifié la rupture en démission ou en licenciement sans cause réelle ou sérieuse (ou nul).
En effet jusqu’à aujourd’hui, le salarié qui prenait acte de la rupture de son contrat de travail pouvait prétendre rapidement à des indemnités chômage dans deux cas seulement :
– en cas de non-paiement des salaires. Dans ce cas-là, le salarié peut être considéré comme un démissionnaire légitime par Pôle emploi s’il peut justifier d’une ordonnance de référé lui allouant une provision des sommes correspondant à des arriérés de salaire ;
– ou lorsque le salarié est victime d’un acte délictueux à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et pour lequel il justifie avoir déposé une plainte.

Une procédure fragile si la décision n’est pas exécutoire à titre provisoire

Reste que le texte présente des failles qui pourraient affaiblir sa portée. Surtout si l’employeur fait appel du jugement qui requalifie la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. « L’appel est suspensif. Pôle emploi va donc considérer qu’il ne s’agit pas d’une décision définitive », explique Catherine Le Manchec, avocate au sein du cabinet August & Debouzy. « Le gouvernement pourrait décider par décret que la décision est exécutoire à titre provisoire, comme c’est le cas en cas de requalification d’un CDD en CDI ». En effet, la même procédure existe déjà pour la requalification d’un CDD ou d’un contrat de mission en CDI (article L.1245-2 du code du travail). Mais dans ce cas, l’article R. 1245-1 du code du travail prévoit expressément que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Toutefois, précise Catherine Le Manchec, « un juge peut décider que sa décision est exécutoire à titre provisoire selon la gravité du motif de la prise d’acte ».
Quand bien même la décision serait exécutoire à titre provisoire, le salarié serait toujours dans l’incertitude. Car que se passera-t-il si les juges d’appel infirment la décision des juges prud’homaux ? « Le salarié risque de devoir rembourser les allocations chômage perçues », craint Lionel Paraire, avocat associé au sein du cabinet Galion.

Des délais qui risquent de ne pas être tenus

La nouvelle procédure instituée est donc bien  fragile, d’autant plus que sur le terrain les professionnels doutent que les conseils de prud’hommes puissent tenir les délais. « C’est rarement fait dans les délais en matière de requalification de CDD en CDI », constate ainsi Lionel Paraire. Les organisations syndicales et patronales auditionnées sur le sujet lors de l’examen du texte ont exprimé la même crainte.

 

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