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Rapport Badinter : entre déception, perplexité et admiration

Le rapport de la mission Badinter devrait constituer le préambule du futur code du travail. Les réactions sont mitigées : si certains manifestent leur déception (Medef), d’autres saluent l’énoncé de « grands principes » (UPA, UAE) tandis que, sur le fond, certains des 61 articles (laïcité, temps de travail et hiérarchie des normes) font déjà polémique (FO).

Rapport Badinter : entre déception, perplexité et admiration

En remettant son rapport au Premier ministre le 25 janvier, le président du « comité chargé de définir les principes essentiels du droit du travail », Robert Badinter, a tenu à préciser le cadre du travail des neuf membres. Ainsi, dans une introduction, l’ancien Garde des Sceaux révèle que des débats internes (« le consensus établi entre nous… ») ont été tranchés, notamment sur la méthodologie : principes généraux sans commentaire pour ne pas préjuger du texte futur et rédaction à droit constant préservant les dispositions actuelles du droit du travail. Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat Des Indépendants et des TPE (SDI) – organisation patronale interprofessionnelle représentant 25 000 entreprises – se gausse : «  simplification du code du travail : Badinter ajoute 5 pages : le sommaire. Pour le reste, voir les conditions prévues par la loi ! ». Et le Medef s’émeut du résultat : « loin de l’objectif, pourtant affiché, de simplification du code du travail, le rapport du comité Badinter n’a fait que dégager des principes, pour clairs et précis qu’ils soient, à droit constant. C’est une grande déception pour les entreprises, car ce n’est pas d’une reformulation dont notre droit du travail a besoin, mais d’une évolution profonde ». L’organisation patronale va plus loin estimant que « l’impact juridique de ces principes n’est pas clair à ce stade. La préface laisse entendre qu’il s’agirait d’une couche normative supplémentaire, qui se situerait quelque part entre la loi normale et la Constitution. Ce serait une profonde régression, car cette couche supplémentaire viendrait se rajouter aux normes sociales actuelles et ne ferait que complexifier encore un mille-feuille déjà délirant ». 

« Aucune précision n’est donnée s’agissant du temps de travail, l’ambiguïté demeurant » (Didier Porte, FO).

Moins sévère que le Medef, la CFDT a accueilli plutôt favorablement ce rapport. Avec toutefois des « manques pour l’ensemble des travailleurs », regrette la secrétaire nationale Marylise Léon : « la définition de ces principes de droit du travail devait permettre de faire émerger des droits nouveaux, en phase avec l’évolution de la société, en allant au-delà des seuls salariés et en  protégeant l’ensemble des travailleurs (indépendants, demandeurs d’emploi, candidats à l’embauche et stagiaires) ». Une analyse en demi-teinte partagée par FO : « une déclaration de bonnes intentions… avec des dangers », note Didier Porte, secrétaire confédéral. Il indique notamment que son organisation appelait de ses vœux « l’affirmation du principe de laïcité, l’entreprise n’étant ni un lieu d’expression religieuse, ni un lieu d’expression politique. Or, l’article 6* ne nous apporte pas de réponse satisfaisante sur ce point ». Le secrétaire confédéral de FO souligne également «  qu’aucune précision n’est donnée s’agissant du temps de travail, l’ambiguïté demeurant », puisque de fait, le comité renvoie la durée « normale » du travail à « la loi » (article 33). Enfin, le principe de faveur et de la hiérarchie des normes n’est pas affirmé clairement « malgré nos revendications », déplore Didier Porte.

« J’ai la même vision du droit que Robert Badinter : elle s’articule autour de grands principes » (François Hurel, UAE)

Pourtant, d’autres organisations ont une vision plus positive de la mission Badinter. « Il est bon de rappeler quelques point fondamentaux », estime Pierre Burban, secrétaire général de l’UPA. « C’est un texte lisible pour le commun des mortels, les points mis en évidence sont essentiels comme le droit d’expression du salarié ». Le sentiment de François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE) n’en est pas très éloigné : « j’ai la même vision du droit que Robert Badinter : elle s’articule autour de grands principes. J’y suis assez sensible, même si ce n’était pas forcément ce qui était attendu et qu’il y a forcément des inquiets et des déçus. Mais j’aime ce que Badinter a fait : donner une grande vision des grands principes du droit que la société française doit protéger ! »

 

* « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

 

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